Les Bamakois ont déjoué tous les pronostics hier à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle, en prenant à contrepieds ou tout au moins au dépourvu l’opinion nationale et la communauté internationale qui avaient parié sur une participation massive des électeurs. Cet espoir d’un (éventuel) record absolu a été « tué dans l’œuf » par un boycott généralisé des centres et bureaux de vote de l’ouverture (8h) jusqu’à quelques heures de la fermeture des opérations (18h).
La forte pluie qui s’est abattue sur la capitale tôt le matin a certes retardé le début des opérations dans certains quartiers, mais ne saurait expliquer à elle seule le fait que les électeurs aient ainsi boudé les urnes. Pour preuve, en commune VI (qui n’a pas eu une seule goutte de pluie), les centres de vote sont restés désespérément vides jusqu’aux environs de 15 heures.
Pourquoi les Bamakois ne sont-ils pas sortis ? Les consignes de vote n’ont-elles pas été suivies ? Les militants de l’un et l’autre candidat pensent-ils que les jeux sont déjà faits ? Des réponses à ces questions jaillira la lumière du boycott des urnes. En attendant, nos reporters ont sillonné certaines communes de la capitale pour voir le déroulement du scrutin.
Communes III et VI :
Peu d’engouement dans les grandes communes
Les Bamakois étaient aux urnes, hier, pour départager les candidats Ibrahim Boubacar Keita et Soumaïla Cissé, arrivés premier et deuxième à l’issue du scrutin du 28 juillet. Comparativement au 1er tour, la mobilisation était moins forte dans les bureaux de vote des communes III et VI que nous avons visités.
Pour diverses raisons, l’engouement attendu au second round de la présidentielle n’a pas eu lieu. En tout cas dans les centres de vote de l’ex -base aérienne, du Progrès, de l’IJA et de Hamdallaye Marché où nous nous sommes rendus. En effet, à 08 heures, heure officielle d’ouverture des Bureaux de vote, le centre de l’ex-base était quasiment désert d’électeurs. Et plusieurs agents électoraux, notamment des délégués de parti et assesseurs n’étaient pas non plus à l’heure. « La pluie », voilà la principale raison mis en avant pour expliquer la morosité dans ce centre qui totalise 11 bureaux de 450 à 500 électeurs inscrits (chacun). C’est aux environs de 9 heures que les premiers électeurs, munis de leur carte NINA, seul document valable pour franchir le verrou formé par des agents de sécurité, furent leur entrée dans la cour du centre. Tout comme au premier tour, on pouvait constater la présence des agents de la croix rouge qui avaient pour mission de faciliter l’accès aux bureaux aux personnes vulnérables, notamment les femmes enceintes. Selon le coordinateur du centre, Kassim Tabouré, les défaillances (arrivé tardive des documents) constatées au 1er tour ont été corrigées. Il ne nous a notifiés aucun incident de nature à entamer la qualité de l’organisation du scrutin.
Au centre de vote de Faladié Progrès où le candidat des Fare, Modibo Sidibé et sa femme ont voté, l’affluence était aussi moins grande. Les longs fils d’attente ayant caractérisés le 1er tour n’étaient pas visibles dans ce centre, un des plus grand de la commune VI. Là, la première remarque qui sautait à l’œil était l’absence des pionniers qui, au 1er tour, orientaient les électeurs. Ainsi, ces derniers, dont certains n’avaient pas voté le 28 juillet dernier, étaient laissés à leur compte, divagant de BV (bureau de vote) en BV. Selon Diakaria Fomba, coordinateur adjoint du centre, les bureaux ont effectivement été ouverts à 08 heures et depuis, « nous n’avons enregistré aucun incident» a-t-il dit. Cependant, il déplore le retard de certains délégués de partis et accesseurs qui, avant le début des opérations de vote, ont été remplacés. En tout, le centre de Faladié Progrès compte 11128 électeurs, repartis entre 23 bureaux de vote.
Ambiance morose
Aux alentours du centre, trois jeunes hommes ont été interpellés et embarqués par des gendarmes. Selon les informations, ces jeunes tentaient d’obtenir des voix en faveurs de leur candidat moyennant la somme de 2 000 FCFA.
Non loin du Progrès, l’ambiance était également morose au centre de Faladié IJA où les 23 bureaux ont été ouverts à l’heure sous l’œil vigilant des agents de sécurité. A notre passage, quelques électeurs sur les 11144 inscrits y étaient pour accomplir leur devoir civique. Comme dans les autres centres, on pouvait remarquer dans celui de l’IJA des électeurs cherchant encore leur bureau de vote. Au niveau de l’organisation, les anomalies soulignées par des mandataires de partis ont été corrigées par la coordinatrice. Notamment le cas du Bureau de vote n°2 où le président se servait pour ses besoins de la table utilisée pour l’Urne. Selon un mandataire, certains présidents profitent de telle situation pour bourrer les urnes. Ledit mandataire, Y Diallo affirme qu’il a fait le même constat au centre de vote de l’Ecole ATT. Dans d’autres bureaux du même centre (IJA), c’est l’emplacement de l’isoloir qui ne répondait pas aux normes.
Issa B Dembélé
Commune V
Soumaïla Cissé, toujours confiant
Hier, dimanche 11 août 2013, les Maliens sont retournés aux urnes pour élire le président de la République. Comme au 1er tour, c’est aux environs de 9 heures, que le candidat Soumaila Cissé, résidant au quartier de Badalabougou, est allé s’acquitter de son devoir citoyen à l’école Mamadou Goundo Simaga. La démarche était la même que celle du 1er tour. Le candidat se rend d’abord au bureau N°15 où est inscrite son épouse. Ensuite, il revient sur ses pas, au bureau N°25 où, il présenta sa carte Nina et accomplit les autres formalités du vote.
Muni du bulletin portant sa photo et celle de son challenger, Soumaila Cissé se rend dans l’isoloir. Son vote accompli, il trouve devant son bureau de vote une foule impressionnante de journalistes qui lui tendent caméras et micros face auxquels le candidat s’est réjoui de la tenue de ce second et dernier tour de l’élection présidentielle. Ces élections, a-t-il déclaré, consacrent la victoire de la République et de la démocratie. M Cissé a insisté sur le comportement honorable du peuple malien qui, pendant un an, est resté mobilisé pour exiger le respect de la constitution de notre pays et pour que nous revenions à une vie constitutionnelle normale.
«Aujourd’hui, c’est l’aboutissement de cette lutte. Je suis donc animé d’un sentiment de fierté envers mon peuple. Aussi, je suis particulièrement heureux que le peuple malien se soit mobilisé tant au compte du 1er jour et certainement autant pour ce second tour », a poursuivi Soumaila Cissé qui s’est dit disposer à tracer avec le peuple malien tout entier un chemin d’espoir et d’espérance.
«Le Mali mérite toujours plus. Et pour le Mali aucun sacrifice n’est de trop. Nous allons continuer donc ce combat avec vous, avec fierté pour le bonheur des Maliennes et des Maliens. Nous allons tout faire pour qu’il se redresse et qu’il retrouve sa place dans le concert des nations africaines». Le candidat de l’union pour la république et la démocratie (URD) s’est dit confiant que la même mobilisation du 1er tour sera observée lors de ce second tour. Le Mali n’a-t-il de cesse martelée, est aujourd’hui à un tournant où il doit faire face aux défis les plus importants que se pose son peuple.
«Nous avons besoin d’eau potable, nous avons besoin d’écoles, nous avons besoin de centres de santé, nous avons besoin de trouver un chemin d’émergence. C’est ce combat aujourd’hui qui est le vrai combat dans la paix, dans la sérénité, si toutes les institutions républicaines sont disponibles. Qu’il s’agisse de l’armée malienne, du gouvernement, de l’Assemblée nationale, et une société civile très forte. Nous ferons en sorte que ce peuple puisse retrouver sa dignité, son honneur, afin qu’ensemble, debout, nous marchons droit vers l’émergence… », a ajouté Soumaila Cissé qui s’est dit prêt à tracer avec chacun des Maliennes et des Maliens «un chemin d’espoir et d’espérance.
C’est un Soumaila engagé, déterminé et confiant qui fait du redressement du pays, son retour (très rapide) dans le concert des nations africaines, des questions importantes de son engagement, s’il a la confiance du peuple au sortir de ce second tour. Un second tour qui a visiblement mobilisé moins par rapport au 1er tour. Chacun va de son raisonnement pour expliquer cette situation. Ce qui est une satisfaction, ce sont les conditions de sérénité dans lesquelles s’est déroulé un scrutin sans anicroches majeures. Les électeurs avaient rencontré très peu de difficultés pour retrouver leurs bureaux de vote. Tout comme au 1er tour, l’on a noté partout la présence des délégués de la Ceni, de la Cour constitutionnelle et des observateurs nationaux et internationaux. Au niveau de tous les centres de vote, les forces de sécurité étaient également là pour lutter contre certaines tentatives de fraude. Discrètes mais bien visibles sur le terrain, les rondes des forces de la Minusma étaient une autre importante mesure dissuasive prise pour veiller sur la sécurité et la sérénité des opérations de vote.
Oumar Diamoye
COMMUNE IV
IBK dans la peau du vainqueur
Comme lors du 1er tour, c’est dans le bureau de vote n°1 du Groupe scolaire de Sébénicoro A, B et C que le candidat du Rpm Ibrahim Boubacar Kéïta a voté devant une foule d’électeurs et de sympathisants.
C’est aux environs de 10h 40 que le candidat est arrivé en compagnie de sa femme, Aminata Maïga.
A son arrivée, il fut accueilli par les présidents des partis soutenant sa candidature venus nombreux lui prêter main forte. Il s’agit entre autres de Moussa Mara, Housseïni Amion Guindo, Aïchatta Haïdara « Chato », Cheick Kéïta, Dramane Dembélé et Me Mountaga Tall.
Comme lors du 1er tour, l’affluence des électeurs n’a pas baissé d’un cran dans les différents centres de Sébénicoro, un quartier réputé être le fief du candidat Ibrahim Boubacar Kéïta. A en croire le président du centre A, B et C, les électeurs viennent beaucoup plus en nombre que lors du 1er tour. Selon lui, cette affluence s’explique par le fait que les électeurs ont tiré tous les enseignements du 1er tour en cherchant en avance leurs bureaux de vote. Faut-il signaler que lors du 1er tour, suite à ce problème, beaucoup d’électeurs avaient renoncé au vote.
Sur un autre plan, contrairement au 1er tour de la présidentielle qui a enregistré plus 400 000 bulletins nuls, le président du centre n’entend lésiner sur aucun moyen pour éviter une telle situation. Pour ce faire, il a instruit aux présidents des bureaux de vote de sensibiliser les électeurs quant à l’usage de l’encre afin de réduire les cas de bulletins nuls.
Youssouf Z