La célèbre phrase d’un candidat à la course lors de la campagne : ‘’Môgô Nô tè, Allah Nôn Le’’ (En Malinké : ce n’est pas un fait des hommes mais de Dieu !) a trouvé sa vraie traduction dans le processus électoral de cette année. Comme par enchantement de Dieu, les Maliens sont encore sortis en nombre pour s’exécuter de leur devoir civique, le 11 aout dernier.
Si lors de la première épreuve, certaines langues ont déliré sur le fait que la mobilisation du peuple Malien (plus de 50%), le 28 juillet se justifiait par l’engouement suscité avec l’acquisition de la carte Nina, le dimanche dernier, au compte du deuxième tour des élections présidentielles, les Maliens ont apporté avec la manière un démenti à cette assertion. Ni la ferveur de la fête de l’Aid El Fitr, ni le délai écourté de la campagne pour le deuxième tour (48 heures) encore moins la pluie diluvienne n’ont été des facteurs de découragement pour ce peuple, visiblement décidé à marquer de toute son empreinte cette élection. Comme meurtri dans sa chair, ce grand peuple a fait de ce scrutin un moyen de prendre sa revanche sur l’ennemi. Un ennemi multidimensionnel qui s’est longtemps servi de son mutisme pour l’infliger des coups, la gestion de la crise au nord en est pour beaucoup. A la sortie des différents centres de vote on pouvait lire sur le visage des lecteurs un sentiment de satisfaction, de soulagement et de devoir accompli. On ne peut pas dire que certains véreux politiciens avec leurs ‘’sacrés’’ mobilisateurs du jour de vote n’ont pas distribué des liasses de billets de banque pour forcer des voix en leur faveur, mais ce qui reste patent est que la plupart des électeurs du dimanche avaient une relative profonde motivation d’accomplir leur devoir civique. Aussi, ce qui se ressentait dans de nombreux centres de vote est l’attitude des votants à prouver que la recréation est terminée. Malgré le fait que l’instauration de la biométrie aura été un saut dans l’inconnu pour notre pays, le peuple a facilité les choses en donnant la preuve que cette carte Nina peut contribuer à une grande transparence et fiabilité du scrutin, car permet d’éviter les doublons et votes multiples.
Ainsi, au-delà de la scène des longues queues devant les bureaux de vote, ce qui frappait le plus, était la facilité déconcertante de certains électeurs (pour la plupart illettrés) à manipuler leur téléphone pour retrouver seul, leur bureau de vote. Mais aussi, respecter le principe de rang et d’exécution de l’opération de vote, une fois dans le bureau de vote. Signe non trompeur de la maturité des Maliens, qui viennent d’amorcer un grand pas dans le rayonnement de la démocratie avec comme toile de fond l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Aucun des candidats, présents au deuxième tour ne peut se targuer d’avoir convaincu le peuple sur un quelconque projet de société ou à partir de ses moyens financier à faire sortir massivement pour voter comme cela a été le cas encore le dimanche. Mais tous les deux candidats peuvent afficher la grande fierté d’être élu ou battu par la volonté du peuple. C’est pour cela il n’est pas exagéré de dire que le Mali va changer, par ce que les Maliens le veulent ainsi. Eux, qui ont acquis de vraies notions de civisme. Mieux qu’aux premières heures de l’indépendance, où les gens votaient pour jouer sa partition dans le bicéphalisme entre le RDA et le parti progressiste, ainsi que sous le régime dictatorial de la deuxième république, lorsque le vote pour le parti unique relevait d’une obligation. Et même, pendant les vingt ans de la démocratie, quand les gens votaient pour avoir de l’argent ou pour soutenir un parent candidat. Cette nouvelle ère de civisme constitue un grand avertissement pour les Partis politiques de changer leur façon de faire et d’être en symphonie avec ce réveil soudain du grand peuple. Sinon les conséquences risquent d’être énormes pour leur existence.
La preuve en été donnée lors du premier tour où la majorité des candidats, considérés comme plaisantins politiciens n’ont pas pu franchir le taux de 1% des suffrages exprimés. Le seul point noir, reste le vote blanc (avec plus de 400 000 bulletins nuls), que certains attribuent à la mauvaise qualité de l’encre. Même là, cela n’a pas pu faire ombrage à la qualité du scrutin. Sans connaître les chiffres réels du scrutin du dimanche, de nombreux observateurs s’accordent déjà sur le fait que le taux de bulletins nuls sera réduit, en raison des campagnes faites dans ce sens par le département de l’administration territoriale et les regrets et dénonciations exprimés par tous les deux candidats.
En somme, il faut le reconnaître, la réussite de la mobilisation autour de ce scrutin (deuxième en l’espace de deux semaines) relève de la volonté divine, si l’on doit se mettre dans le carcan de bon croyant. C’est Dieu même qui a voulu donner à ce peuple le courage nécessaire de rompre avec certaines considérations pour décider de son sort. Du coup, il faut emprunter un terme de campagne d’un gros candidat à cette élection, tiré d’une chanson célèbre dédiée à Soundiata : ‘’Môgô nô tè Allah Le Nô’’ (Ce n’est pas un fait des Hommes mais de Dieu).
Moustapha Diawara
c’est “Allah nô lé”
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