En attendant la décision de la Cour constitutionnelle qui doit donner les résultats complets définitifs du premier tour de l’élection présidentielle, les deux candidats arrivés en tête de course, Ibrahim Boubacar Kéita, IBK, (39,23% des voix) et Soumaïla Cissé, Soumi, (19,44%) veulent faire le plein de ralliements. Pour l’instant, c’est le candidat IBK qui semble avoir la baraka avec le ralliement le plus spectaculaire, celui de Dramane Dembélé qui s’oppose par ce fait à la direction politique de son parti. Pour fustiger cette décision du candidat malheureux de l’Adema, le président par intérim du parti, Ibrahima Iba N’Diaye a affirmé qu’il était de son devoir de suivre les directives de la plateforme que les Abeilles ont signé avec le FDR, à savoir le report des voix du parti en faveur du candidat le mieux placé au sein du regroupement.
Comme semble le croire Dramane Dembélé, la chose est contestable et discutable. Le FDR (Front pour la sauvegarde de la démocratie et la république) a été créée pour s’opposer au coup d’Etat du 23 mars 2012. Quand ce front du refus a eu l’assentiment général de la communauté internationale, ses membres ont ajouté à ses objectifs le retour à l’ordre constitutionnel, la restauration de l’Etat de droit, le retour à une vie constitutionnelle normale. Mais tout cela n’était que farce, démagogie et hypocrisie. Le préalable au retour à une vie constitutionnelle normale suppose avant tout le rétablissement du président renversé dans son fauteuil et le retour de son gouvernement aux affaires. Or, ni la Cédéao qui a joué à la vierge effarouchée, ni les membres du FDR qui se disaient outragés, pendant toute la période de négociations avec la junte, n’ont soulevé ces points : ATT et son gouvernement étaient délibérément sacrifiés sur l’autel des ambitions de la classe politique qui croyait par ce biais revenir sur le devant de la scène. Qu’on se rappelle, les plus actifs de ce front de refus sont les cadres de l’Adema et de l’Urd auxquels se sont ajoutés des opportunistes comme Tiéman Hubert Coulibaly (UDD) et Amadou Koïta (PDES). Le cas de ce dernier, dont la formation a été fondée pour faire l’apologie des actions d’ATT et revendiquer l’héritage politique du président déchu, est le plus illustratif des calculs politiciens des uns et des agendas personnels des autres.
Ces mêmes animateurs du Front du refus, ardents défenseurs de l’Etat de droit, ont été, depuis le putsch du 23 mars 2012, les complices, auteurs ou spectateurs de la violation et du viol de la Constitution qu’ils disaient avoir rétablie. Ils ont vécu dans une république par intérim qui a la quasi-totalité de ses institutions maintenues contre les dispositions de la Constitution dont ils se réclament être les défenseurs les plus ardents.
Cédant aux pressions de la communauté internationale, des élections sont donc programmées, changeant la donne. Changeant aussi le mot d’ordre du FDR. Désormais, le leitmotiv est : tout sauf IBK. Le président du RPM est accusé, à juste raison, de ne pas être tombé dans le jeu populiste et démagogue, ingrat et inconscient, jeu qui consiste à dénoncer un coup d’Etat contre un homme dont personne n’a réclamé le retour aux affaires. IBK est également accusé, toujours à juste titre, d’avoir eu la préférence des putschistes, de ne pas avoir publiquement condamné le coup d’Etat. Si les animateurs du FDR s’étaient demandés pourquoi IBK est en bonne intelligence avec les putschistes, ils auraient eu cette réponse : le président du RPM est l’un des rares responsables politiques à avoir dénoncé la politique sécuritaire élaborée par le gouvernement à majorité FDR et défendue par l’Assemblée nationale à majorité FDR. Il est le seul à avoir toujours dénoncé les conditions de vie et de travail, vétustes et précaires, des forces armées et de sécurité.
Normal donc que celles-ci se reconnaissent en lui.
De plus, tout au long de sa campagne électorale, IBK n’a eu de cesse de promettre la restauration de la dignité du Malien dans un Mali réhabilité. Pendant ce temps, ses concurrents s’enlisaient dans de vaines promesses concernant l’emploi et le bien-être social, des promesses auxquelles personnes ne croient plus.
Dramane Dembélé a donc raison de croire qu’un front anti putsch ne peut pas devenir du jour au lendemain un front anti IBK : les objectifs sont différents.
Concernant la décision d’Iba N’Diaye de soutenir la candidature de Soumaïla Cissé, elle aurait été prise sans aucune consultation du comité exécutif national de l’Adema a fortiori de la base. Un parti politique ne se gérant pas comme une entreprise personnelle, le candidat de l’Adema est en droit de récuser la décision unilatéralement prise par Iba N’Diaye.
Reste à lui, maintenant, de mobiliser ses militants pour qu’ils suivent ses consignes de vote.
Cheick TANDINA
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