Une élection est le moment démocratique par excellence, mais, ce n’est pas un coup de baguette magique qui améliore la vie du jour au lendemain.
Le dimanche du 2ème tour de l’élection présidentielle, il faisait beau et doux à Paris comme dans le cœur de chaque Malienne et de chaque Malien. Toutes et tous savent qu’il est temps de tourner la page de la période la plus noire que le pays ait jamais connue, d’en tirer les leçons afin de construire une paix durable, et de repartir sur de nouvelles bases, sans rien oublier des valeurs culturelles du Maliba.
La participation massive au 1er tour a été la preuve que les citoyens avaient décidé de prendre leur destin en main. Malgré les dates imposées et l’accélération du processus d’organisation, malgré les difficultés pour obtenir la carte Nina, ou pour trouver son bureau de vote, et, parfois même, son nom sur les longues listes, ils sont sortis pour donner leur avis par les urnes. Ceux qui ont été privés de leur droit de vote se sont résignés. Aucune perturbation déterminante n’est survenue. Les électeurs ne se sont pas dispersés, malgré la longue liste de candidats. Les Maliens ont été fiers de montrer au monde que ce premier tour avait clairement sélectionné deux hommes, dont l’un sera celui qui aura la lourde tâche de remettre le bateau à flot, de réconcilier les communautés culturelles, et surtout, d’apporter le changement dans un Etat que des années d’enrichissement illicite ont amené à s’effondrer. Le mot changement est le slogan majeur de toute campagne politique, que ce soit sur le continent ou en Occident. On aime à croire que les candidats savent comment ils vont s’y prendre pour améliorer le sort de chacun, et, partout, les populations espèrent ne pas avoir été bernées par les promesses de leur candidat. La tâche sera rude pour le nouveau président. Il ne s’agit pas d’une situation ordinaire, car le Mali a été mis KO en quelques semaines. Le pays a été attaqué et meurtri. Les Maliennes et les Maliens se sont sentis humiliés. Ils n’étaient plus maîtres de leur sort. Ils ont assisté, impuissants, à de multiples réunions internationales dont ils se sentaient exclus, alors que c’était de leur pays dont il s’agissait. Au Mali, et partout ailleurs, de janvier 2012 à janvier 2013, chacun ne respirait plus qu’au rythme de l’horreur qui avalait le septentrion et faisait fuir des milliers de gens vers des camps de réfugiés au-delà des frontières. Le monde entier a appris le nom des groupes criminels qui entraient en lice, les uns après les autres.
À la chute de ATT ont succédé les marches, les réunions, les meetings, les agressions, les atteintes à la liberté de la presse, et la prise de conscience d’une grande partie de la population que ce qui semblait être une démocratie ne l’était pas. Les réseaux sociaux sont devenus moyens de communication avec ceux qui étaient restés chez eux dans le nord, et lieux d’échange d’informations, presqu’en direct. De nombreux débats démocratiquement menés y ont été organisés. Des dizaines de groupes de réflexion y ont été créés, ce qui a permis à chacun d’avancer dans la compréhension de l’incompréhensible. Une vigilance extrême à l’égard de la manipulation médiatique internationale y a vu le jour. Accueillir les parents déplacés, survivre malgré la vie de plus en plus chère, comprendre pourquoi la vie avait basculé du jour au lendemain, et tenter de trouver des solutions de sortie de crise, ont été le lot quotidien de l’année 2012.
Quasiment un an, jour pour jour, après les combats à Ménaka, le monde entier apprenait que le président français répondait à l’appel du président de transition malien, et lançait l’opération Serval. Le Mali, encore une fois, faisait la une de tous les médias. Beaucoup ont, immédiatement, évoqué les intérêts économiques de la Françafrique, mais l’ensemble des Maliens, malgré cette évidence, a privilégié le retour à la sécurité et l’intégrité du territoire. Les populations restées au Nord ont, petit à petit, été débarrassées de leurs occupants, l’armée malienne a été accompagnée par les contingents africains, la vie a repris son cours dans un soulagement que chacun savait aussi transitoire que le gouvernement en place. Et pourtant, les mois passaient et le sort de Kidal n’était pas réglé. Les soupçons sur les véritables raisons de l’aide apportée par l’ancien colon ont commencé à ressurgir. Le 18 juin, les Maliens ont découvert le texte des accords provisoires signés à Ouagadougou. Ils savent, aujourd’hui, que ce sera l’une des tâches les plus délicates que celui qui sortira vainqueur de ce 2ème tour, aura à traiter, 6 semaines après son installation à Koulouba.
Une élection est LE moment démocratique par excellence, mais, ce n’est pas un coup de baguette magique qui améliore la vie, du jour au lendemain. Il faut des mois, des années parfois, pour que le changement profond, tant attendu, puisse voir le jour. Les Maliennes et les Maliens ont appris, à leurs dépens, qu’une veille citoyenne quotidienne est absolument nécessaire pour que les promesses faites soient tenues. Ils ont nourri beaucoup d’espoir en remettant, massivement, leur avenir entre les mains de celui qu’ils considèrent être l’homme de la situation. Ils espèrent ne pas être déçus. L’avenir le leur dira.
Françoise WASSERVOGEL