Le peuple tient sa révolution, finissons-en

0

Une révolution démocratique construite sur les décombres de celle de 1991, malheureusement corrompue et trahie par vingt-deux (22) ans de dérives dangereuses et impopulaires qui ont fini, heureusement, par l’emporter grâce à la discipline et la fermeté du peuple malien. 

 

Le dépouillement des bulletins de vote du scrutin présidentiel du dimanche 28 juillet se poursuit au Mali. REUTERS
Le dépouillement des bulletins de vote du scrutin présidentiel du dimanche 28 juillet se poursuit au Mali.
REUTERS

Comment peut-on penser un seul instant que tout un système puisse s’écrouler comme un château de cartes sur l’Etat moribond qu’il servait, sans emporter avec lui ses penseurs, ses  dirigeants et ses courtisans qui n’ont ménagé aucun effort pour sa perpétuation et sa pérennisation ? Dramane Dembélé, le candidat de l’ADEMA recueille un peu moins de 10% des suffrages des maliens, Modibo Sidibé ne fait pas mieux que Poulo en réalisant un score qui avoisine 5%. Qui osait parier sur de tels résultats il ya juste un an et demi ? Nous pouvons répondre sans risque d’être démenti, PERSONNE ! Surtout que la dégringolade exponentielle de ces deux candidats (Dramane et Modibo) de l’establishment malien de ces deux dernières décennies, qui a tout l’air d’une descente accélèrée aux enfers, est quasi proportionnelle à l’ascension fulgurante d’Ibrahima Boubacar Keïta (IBK) vers les sommets de la saine gloire que seule l’histoire sait procurer quand elle décide qu’on la lise enfin autrement.

 

Il ya un an et demi, autant le Président ATT ne pouvait pas imaginer que son camp politique perdrait l’élection, autant le Président IBK ne s’imaginer pas pouvoir remporter la présidentielle malienne. C’était cela la situation de cette époque, c’était cela la réalité normale de ce moment. C’est du moins ce que l’histoire suggérait en toute souveraineté. Aucun signal ne permettait d’envisager un scénario différent, aucune expérience politique vécue depuis 1991, année du coup d’Etat militaire contre le Président Moussa Traoré, ne permettait d’entrevoir la situation en cours de déroulement sous nos yeux. Tout favorisait la continuité du système ATT que personne ne contestait de manière sérieuse et ferme. ATT déroulait avec une insolente tranquillité, depuis dix ans, un programme que seuls lui, ses amis et collaborateurs, connaissaient les tenants et les aboutissants. Un programme auquel ils étaient les seuls à y croire au moment où les populations se débattaient difficilement contre les affres d’une pauvreté endémique et pour la survie à la réalisation de laquelle elles comptaient sur tout sauf sur l’Etat. ATT préparait lentement, mais sûrement, la transmission du témoin à Soumaïla Cissé, sans aucune pression ni interne ni étrangère et avec la bénédiction des dirigeants des états de l’UEMOA et de la CEDEAO. Même si rien ni personne ne permet de prêter valablement au Président ATT un quelconque sens de la bonne moralité, force est de  reconnaître qu’il a, pour une fois, fait preuve de cohérence en investissant le candidat Soumaïla Cissé sur qui il avait déjà jeté son dévolu, pour le remplacer à la tête de l’Etat malien. Comprendre cela, permet de s’expliquer la fébrilité mal contenue de Soumaïla Cissé qui a l’arrogance en bandoulière, l’agressivité à fleur de peau et l’injure à la bouche ces derniers jours. Sans chercher à l’absoudre, « je dois reconnaître que sa déception doit être suffisamment énorme, lui qui s’était vu offrir Koulouba sur un plateau d’argent par l’élite dirigeante malienne et les chefs d’Etat de la sous-région ouest africaine » siffle un de ses proches collaborateurs. Il s’était vu, avec raison, trop beau trop tôt, tout ayant été parfaitement planifié par ATT et Iba N’diaye pour que même l’ADEMA puisse le soutenir contre Dioncounda, le désormais ex-candidat naturel de l’ADEMA à la présidentielle avant la rupture constitutionnelle qui a chamboulé tous les  plans et rebattu toutes les cartes (c’est tout le sens de la « neutralité » active et sympathique du Pr. Dioncounda à l’endroit d’IBK et du ralliement surprenant mais justifié de Dramane Dembellé à sa candidature).  Le seul challenger restant, contre Soumaïla Cissé, ne pouvant être qu’IBK qui était entré, malgré lui, dans la « clandestinité » politique depuis qu’ATT et l’ADEMA avaient décidé et réussi à l’humilier avant de le confiner dans l’anonymat la plus complète dans les allées de l’hémicycle où ses adversaires le surveillaient comme de l’huile sur le feu, en attendant de l’envoyer définitivement à la retraite. C’était sans compter avec les certitudes surprenantes du destin pour l’expression duquel le peuple malien, par un sursaut patriotique insoupçonné jusque-là, a été décisif en  invitant solennellement le Président IBK à défier l’histoire.

Ironie du sort, c’est le même Soumaïla Cissé, le favori d’il ya presque deux ans devenu tocard depuis, porté par le système AOK/ATT, qui défie aujourd’hui le candidat IBK subitement et curieusement bombardé favori de classe exceptionnelle par le fait vraisemblable d’un décret divin souhaité et voulu par les populations dans leur grande majorité. Bref la volonté du peuple et la bénédiction du bon Dieu.

 

Pour les maliennes et les maliens, le statut de favori dont jouit le Président IBK est aussi un pied-de-nez à l’histoire et une sacrée revanche sur le passé. Pour l’instant, du Mali on connaît  surtout l’arrogance, la corruption et l’impunité de l’élite dirigeante; Voici que s’annonce un nouveau Mali dans lequel les anciens dirigeants oppresseurs rasent les murs et supplient le  peuple, trop longtemps opprimé et qui est désormais résolu à réaliser sa révolution populaire et douce pour reprendre sa souveraineté. C’est assurément tout un symbole d’espoir et de justice !

 

A partir de maintenant, les maliens n’attendront plus que le système s’écroule d’abord, pour le condamner ensuite. Désormais ils pratiqueront la veille citoyenne pour traquer les manquements et les dérives et procéderont, le cas échéant, à de l’alerte précoce pour exiger des réorientations stratégiques ou opérationnelles sans grand dommages pour le peuple et pour le Mali.

Il faudra bien qu’un jour, les sociologues et les spécialistes de science politique et de science occulte nous aident à comprendre les différentes composantes du processus qui a présidé à ces heureux changements brusques de paradigmes, qui ont prévalu depuis la rupture constitutionnelle opèrée par une partie des officiers de l’armée malienne jusqu’au second tour de l’élection présidentielle du 11 Août prochain.

ABD

Commentaires via Facebook :