Bamako (AFP) – Les Maliens étaient à la veille samedi de choisir entre Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé comme nouveau président de leur pays plongé dans le chaos et devant se relever de dix-huit mois d’une grave crise politico-militaire.
Le second tour de la présidentielle de dimanche, deux semaines après un premier tour réussi le 28 juillet en dépit de la rapidité avec laquelle il a été organisé et de craintes d’attentats jihadistes, doit rétablir l’ordre constitutionnel interrompu par un coup d’Etat militaire le 22 mars 2012 qui a précipité la chute du nord du pays aux mains de groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda.
Le scrutin va opposer deux vétérans de la vie politique malienne: Ibrahim Boubacar Keïta, 68 ans, ex-Premier ministre, et Soumaïla Cissé, 63 ans, ex-ministre des Finances et ancien responsable de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), tous deux arrivés en tête du premier tour avec respectivement 39,79% et 19,70% des voix.
A l’issue d’une très courte campagne électorale, terne et peu animée, qui s’est achevée vendredi, les deux candidats se sont déclarés “confiants” dans leur victoire, mais ont mis en garde contre des fraudes et irrégularités qui pourraient entacher le scrutin.
Mais son adversaire table en grande partie sur une mobilisation plus forte encore qu’au premier tour – 48,98%, un taux historique au Mali – et sur une partie de près de 400.000 bulletins déclarés nuls le 28 juillet, soit environ 10% des votants. “Il ne s’agit pas de compléter les résultats du premier tour, c’est une nouvelle élection”, affirme Soumaïla Cissé.
“Maintenant il faut travailler dur”
Se réclamant de la gauche, charismatique, charmeur et bon vivant, IBK apparaît aux yeux de ses partisans comme un “homme d’Etat fort”, seul capable de redresser le Mali.
Ceux de Soumaïla Cissé, surnommé “Soumi”, économiste chevronné et courtois, mettent en avant ses compétences de gestionnaire. “La guerre est finie, maintenant et il faut travailler dur”, dit l’un d’eux.
La tâche de celui qui sortira vainqueur dimanche sera rude, car le Mali vient de vivre la plus grave crise de son histoire récente qui l’a laissé exsangue.
Cette sombre période a débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le nord du pays, suivie en mars 2012 par un coup d’Etat qui a renversé le président élu Amadou Toumani Touré, puis de la prise du contrôle du Nord par des groupes criminels et des jihadistes qui ont humilié l’armée et commis de nombreuses exactions avant d’en être chassés en 2013 par une intervention militaire internationale initiée par la France, toujours en cours.
Ce conflit a entraîné un exode massif de populations – environ 500.000 réfugiés et déplacés internes -, plongé le pays dans la récession, accentué la pauvreté et ravivé les haines entre les différentes communautés du pays, Touareg et Arabes d’un côté assimilés aux rebelles et aux jihadistes, Noirs majoritaires de l’autre.
Le nouveau président aura donc l’immense mission de redresser l’économie du pays, de lui redonner confiance et d’entamer le processus de réconciliation, en particulier avec la minorité Touareg.
Les quelques centaines de milliers de Touareg du Mali – sur une population de 14 millions d’habitants – vivent essentiellement dans le nord désertique qui a déjà connu plusieurs rébellions depuis l’indépendance du Mali en 1960: une partie d’entre eux rêve d’indépendance ou au moins d’autonomie.
Deux solutions rejetées avec fermeté par IBK et “Soumi”, car elles aboutiraient à la partition du pays. Ils estiment que les revendications des Touareg pour le développement de leurs région qu’ils appellent Azawad (nord du Mali) et la prise en compte de leur identité propre peuvent être satisfaites par le biais d’une décentralisation plus poussée.
Près de 6,9 millions d’électeurs sont appelés à voter dimanche lors du second tour qui sera surveillé par plusieurs centaines d’observateurs nationaux et internationaux et dont la sécurité sera assurée par l’armée malienne, les Casques bleus de la Minusma et l’armée française.
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