Le Mali est à la croisée des chemins. La tenue du scrutin du 28 juillet 2013 pour l’élection du Président de la République constitue, au regard du contexte qui prévaut, une opportunité de sortie de la crise institutionnelle, politique et sécuritaire et de rétablissement de l’ordre constitutionnel normal mais présente, en même temps, des risques pour la stabilité du pays.
Le Réseau ONG d’Appui au Processus Electoral au Mali (APEM), faut-il le rappeler, a été créé le 3 novembre 1996, et a obtenu son récépissé sous le numéro 915/ MATS/ DNAT du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Sécurité, le 27 novembre 1996.
Il regroupe actuellement 52 Associations et ONG parmi les plus représentatives dans les domaines de la défense des droits de la personne humaine, du développement humain durable, de l’Etat de droit et de la démocratie, qui ont décidé d’unir leurs efforts afin de contribuer de manière efficiente à la réussite de la démocratie, de la bonne gouvernance, du processus électoral par le suivi, la supervision et l’observation citoyenne des élections, mais aussi la sensibilisation et la mobilisation des citoyens.
Le Réseau APEM étant un acteur majeur de la Société Civile malienne entend jouer sa partition pour des élections transparentes, crédibles et apaisées.
C’est dans ce cadre que le Réseau APEM, lors d’une conférence tenue le 8 juin 2011, avait attiré l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les dangers qui menaçaient la démocratie malienne.
A l’époque, il fallait noter :
– l’absence de chronogramme des élections de 2012 ;
– la controverse autour du choix du fichier issu du Recensement Administratif à Caractère Electoral (RACE) de 2011 ou celui du Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civil (RAVEC) ;
– la Faiblesse des Partis politiques à jouer pleinement leurs rôles.
Le Réseau APEM avait prévenu des menaces qui planaient :
– crainte d’un vide constitutionnel, des risques de troubles sociopolitiques,
– l’instabilité politique à travers des prémisses de prolongation illégale des mandats et des exigences de certains partis politiques à travers leur credo de « RAVEC ou rien ».
– violation de la loi électorale dans ses dispositions liées à la campagne électorale
– forte insécurité liée au regain des attaques de bandes armées dans certaines localités du nord du Pays, rendant hypothétique la tenue d’élections libres et transparentes.
Finalement tout le Mali sombrera dans le chaos avec l’offensive de groupes terroristes, trafiquants, et autres criminels, à partir du 17 janvier 2012, et l’occupation de certaines localités des régions du Nord du Mali. C’est dans ce contexte qu’intervint le coup d’Etat du 22 mars 2012 avec l’incapacité de l’Etat d’assurer les services de base, l’illégitimité des institutions de l’Etat et leur manque d’autorité, avec comme corollaires : la suspension de l’ordre constitutionnel et l’occupation des 2/3 du territoire national (notamment les trois régions du Nord) par des terroristes et narcotrafiquants mettant en péril la souveraineté du Mali.
La recherche de solutions à cette crise multidimensionnelle verra l’intervention immédiate et décisive de la communauté internationale : CEDEAO, UA, ONU, UE, USA, France … à travers notamment l’Accord cadre du 6 avril 2012, les résolutions des Nations Unies, précisément la résolution 2085 du 20 décembre 2012. Tous ces cadres internationaux portent sur les deux aspects majeurs de la crise que sont : le rétablissement de l’intégrité territoriale et le rétablissement de l’ordre constitutionnel à travers l’organisation d’élections libres et transparentes.
En sus du dialogue politique, la Feuille de route élaborée par le gouvernement de transition et adoptée par l’Assemblée Nationale a inscrit comme priorité l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes, concrétisée par la tenue de l’élection présidentielle en 2013.
Le Réseau APEM ne pouvait rester en marge de ce mouvement et a décidé de contribuer à la réussite de l’élection présidentielle du 28 juillet 2013. C’est dans ce cadre que s’inscrit la mise en place du pôle d’observation citoyenne électorale (POCE).
RESENTATION DU POCE
Le POCE, initiative du Réseau l’APEM, est une plate forme d’information travaillant sur des élections et constitue un observatoire permanent de suivi du scrutin.
Le POCE constitue la suite logique du monitoring du processus pré-électoral mené par le Réseau APEM.
En effet, fidèle à sa mission d’appui au processus électoral au Mali, le Réseau APEM s’est investi dans la sensibilisation et l’éducation civique. Il a également procédé au déploiement de 50 superviseurs pour observer l’établissement des listes électorales, la distribution des cartes électorales (NINA), le dépôt des candidatures et le déroulement de la campagne électorale.
Au-delà de ses actions propres, le Réseau APEM n’en avait pas moins recommandé :
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– la création de structures pérennes professionnelles en remplacement des commissions administratives,
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– l’allocation d’un traitement conséquent aux agents de ces structures,
– la mise en œuvre de véritables programmes de sensibilisation et de mobilisation des électeurs,
– la poursuite du dialogue autour du processus d’élaboration d’un fichier fiable et consensuel,
– la règlementation sur la période pré-électorale.
La mise en œuvre du POCE a été rendue possible grâce au soutien de partenaires techniques et financiers suivants : le NDI et l’US AID, One World UK, Oxfam, OSIWA, l’Ambassade des Pays Bas, l’Organisation Internationale de la Francophonie et le PNUD-PAPEM.
2.1- La mission du POCE
Adapté au contexte malien, le POCE s’inspire d’expériences récentes menées notamment au Sénégal et en Sierra Léone à l’initiative d’OSIWA. Il permet une coordination et une synergie d’intervention dans le cadre du processus électoral par la société civile.
Grâce à cette plate-forme, la société civile malienne aura un accès sans précédent aux données en temps réel sur les aspects importants du déroulement des opérations du vote, comme l’ouverture des bureaux de vote, les opérations de vote, le taux de participation, l’heure de clôture, le dépouillement, les violences, les achats de conscience, les arrêts de votes, les intimidations, et, enfin, les opinions globales des observateurs dans les bureaux de vote.
Le POCE apparait ainsi comme un instrument d’accompagnement de l’Administration électorale en charge de l’organisation matérielle du scrutin. Il permet à la société civile d’être proactive. Il ne s’agit plus d’attendre les lendemains de scrutin pour constater les dysfonctionnements et les dénoncer mais plutôt de chercher à les identifier pendant le déroulement du scrutin afin que des corrections soient apportées en temps réel. Il permet d’anticiper sur d’éventuelles contestations du scrutin.
2.2- Organisation et fonctionnement du POCE
Le POCE est constitué de trois chambres dont les responsabilités et les rôles sont différents mais intégrés dans un dispositif d’alerte, d’analyse et de réponse au monitoring du processus électoral. Il s’agit de la Chambre politique (leaders de la société civile), de la Chambre intermédiaire (analystes politique, genre, handicap, électoral et juridique) et de la Chambre technique (techniciens de l’équipe de veille et d’analyse).
La chambre technique est une chambre de collecte des données de terrain qui seront envoyées par les 2100 observateurs déployés sur le terrain. Les messages envoyés par SMS sont déchiffrés, vérifiés et cartographiés en temps réel.
Ces données sont ensuite transmises à la chambre intermédiaire qui les interprète à la fois sur le plan juridique, politique, électoral, genre principalement et formule des recommandations à l’intention de la chambre politique à charge pour cette dernière après un examen minutieux de déterminer les axes prioritaires d’intervention requise par la situation et de saisir les autorités compétentes pour que les corrections soient apportées aux dysfonctionnements constatés sur le terrain.
La réussite de cette initiative nécessite la franche collaboration de l’Administration électorale voir même des autres missions d’observation. C’est pour cette raison qu’en prélude à la mise en œuvre de cette activité, le Réseau APEM a rencontré beaucoup d’acteurs tels que le Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire, le Président de la CENI, les Observateurs de l’UE (plusieurs fois), les Observateurs de l’UA, les représentants de OSIWA, de plusieurs OSC du Mali.
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III-
IV- Etat du processus électoral à la veille du scrutin du 28 juillet 2013
3.1-Des défis à relever
Malgré les efforts et innovations, le Réseau APEM constate toujours des défis qui interpellent tous les acteurs. Il s’agit :
– de la sécurisation du scrutin ;
– des risques de fraude ou tentatives de fraudes ;
– des risques de violence avant, pendant, et après le scrutin ;
– de la confiance entre les acteurs ;
– de la mobilisation et de la participation massive au scrutin ;
– de l’immixtion de certains leaders religieux en faveur d’un ou des candidats ;
– de la sécurisation du stock de cartes NINA non personnalisées et de celles non retirées.
3.2- Des motifs de satisfaction
– L’élaboration et l’adoption d’un code de bonne conduite par lequel les candidats à l’élection présidentielle se sont engagés à respecter le verdict des urnes sous réserve de leur droit d’utiliser les voies de droit qui existent ;
– L’instauration et le maintien d’un climat de dialogue politique constructif pour la paix et la stabilité
– L’adhésion unanime des acteurs politiques au fichier du Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civil (RAVEC) et leur détermination commune à aller aux élections en dépit de ses insuffisances connues ;
– La sécurisation du droit de l’électeur à travers l’introduction de la biométrie (cartes NINA) ;
– La campagne électorale pacifique
– La présence massive d’observateurs nationaux et internationaux
Les efforts soutenus par la Société Civile pour la sensibilisation et la mobilisation des citoyens
– Le soutien des partenaires techniques et financiers
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VII- RECOMMANDATIONS
Au regard de ces constats le Réseau APEM recommande :
Aux organes de gestion des élections
– De faire preuve d’une plus grande neutralité ;
– De mettre en place un dispositif sécuritaire (Etat, Minusma) prévenant toute velléité de trouble avant, pendant et après le scrutin ;
– De veiller à empêcher toute fraude électorale ;
– D’assurer la gestion transparente des cartes NINA non personnalisées ;
– D’assurer la gestion transparente des cartes NINA non retirées
Aux candidats:
– De sensibiliser les électeurs à adopter des comportements citoyens et responsables.
– De se mettre dans une logique d’acceptation des résultats du scrutin quel que soit le vainqueur.
– D’inscrire toute contestation possible dans le cadre légal ;
Aux leaders d’opinion et de la société civile :
– De lancer un ultime appel à l’acceptation des résultats, au calme et à la responsabilité.
– De bannir les consignes de vote, qui sont de nature à troubler la tranquillité et la paix sociales
Aux forces armées et de sécurité:
– d’assurer la mise en place d’un dispositif sécuritaire (Etat, Minusma) prévenant toute velléité de trouble avant, pendant et après le scrutin ;
– d’éviter toute immixtion sur la scène politique, contraire au devoir de réserve du militaire et à l’esprit d’une Armée Républicaine.
Aux citoyens:
– de sortir massivement pour voter en faveur du candidat de leur choix.
– De s’abstenir et de rejeter toutes formes de violence avant, pendant et après le scrutin
A tous les acteurs :
– D’intensifier considérablement les activités de sensibilisation/éducation électorale ; pour une appropriation véritable de la démocratie par les citoyennes et citoyens du Mali.
Le Réseau APEM en appelle solennellement au sens de responsabilité de tous les acteurs afin que cette élection se déroule dans les meilleures conditions de transparence, de crédibilité et de paix, dans l’intérêt exclusif du Peuple malien.
Le Réseau APEM remercie tous les partenaires techniques et financiers qui ont soutenu ses activités dans le cadre de ce processus électoral et engage tous les acteurs à œuvrer pour la réussite de cette élection présidentielle
Source APEM pour Maliweb.net