Timide au départ en raison d’une forte pluie tombée en matinée, l’affluence des électeurs devant les bureaux de vote dans la capitale Bamako lors du second tour de l’élection présidentielle tenu dimanche au Mali se faisait ressentir en augmentation progressive au fur et à mesure du déroulement de ce scrutin qui oppose Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé.
Après une année de guerre provoquée par l’occupation du Nord par des groupes dits rebelles et terroristes dont le Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) suite au putsch militaire du capitaine Amadou Sanogo contre le régime d’Amadou Toumani Touré en mars 2012, cette élection constitue pour les Maliens un moment très important de l’évolution de leur pays.
« On a eu une phase d’apprentissage de la démocratie. C’est bon. C’est la première fois qu’on vote réellement au Mali. Car auparavant, on a toujours bourré les urnes. Quand on voit des gens de 80 ans qui viennent voter, c’est unique », a témoigné à Xinhua Sékou Diabaté, un banquier partisan d’Ibrahim Boubacar Keïta, grand favori des pronostics qui s’était imposé au premier tour le 28 juillet en se classant devant les 26 autres candidats avec 39,7% des voix, d’après les résultats officiels.
Quelque 6,8 millions d’électeurs inscrits étaient en effet appelés aux urnes ce dimanche pour départager le leader de le Rassemblement du Mali (RPM) soutenu par la quasi-totalité des recalés du premier tour et son adversaire Soumaïla Cissé de l’Union pour la République et la démocratie (URD) qui, lui, avait occupé la deuxième place avec 19,7% des suffrages.
Inscrit au centre de vote de l’école fondamentale Mamadou Gondo Simaga au quartier Badalabougou dans la commune 5 de Bamako, ce dernier a été le premier par rapport à son concurrent à voter aux environs de 9h00 au bureau n°25 où un incident s’est produit plus tard à mi-journée à cause d’une remise en cause de la gestion du vote par les partisans de l’ancien ministre des Finances et ex- président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
RUMEUR DE 1,9 MILLION DE CARTES FRAUDULEUSES
« Le président et les assesseurs se dressent contre le délégué de Soumaïla Cissé, refusant que celui-ci vérifie comme l’indique la loi l’identité des électeurs. On confond délégué et observateur. Ça crée une confusion » , a rapporté à Xinhua Hamidou Traoré, le responsable des jeunes et mandataire de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), parti historique allié de l’URD pour cette élection.
Confirmant les accusations de manoeuvres de fraudes de Soumaïla Cissé lui-même, ce jeune militant a fait part d’une rumeur faisant état de la confection de 1,9 million de cartes d’électeur frauduleuses au profit d’Ibrahim Boubacar Keïta. « Pour cela, les délégués se sentent dans l’obligation de contrôler si la photo sur la carte d’électeur correspond à la physionomie réelle de son détenteur », a-t-il précisé.
Sur 279 votants pour un total de 490 électeurs inscrits, Cissé avait été largement devancé dans ce bureau de vote qui apparaît comme situé dans un site identifiable comme son fief, par son adversaire par 186 de votes favorables contre 32.
En visite quelques instants après l’incident évoqué, le président de la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, organisation régionale qui déploie une mission de 150 observateurs conduite par l’ex- président ghanéen John Kufuor), Kadré Désiré Ouédraogo, a été interpellé pour un arbitrage par les contestataires en colère autour desquels s’est formée une forte agitation.
Ibrahim Boubacar Keïta a quant à lui voté à aux alentours de 10h40 avec une quarantaine de minutes de retard sur l’heure annoncée à la presse par son état-major à l’école AB de Sebereninkoro dans la commune 4. C’était sous un déploiement sécuritaire plus impressionnant que celui ayant entouré le vote du président de la transition Dioncounda Traoré près d’une heure et demie auparavant au centre de vote du lycée Mamadou Sarr dans la même commune.
Dans une déclaration à la presse faite par la suite à sa résidence située dans le même quartier, « IBK », ainsi l’appellent ses fans, s’est dit convaincu d’une participation plus élevée que les 48,98% du premier tour. Selon lui, « nos parents sont dans l’espérance, ils sont impatients. Les traitements par le passé les ont déclinés à déserter les urnes. Les Maliens sont fatigués d’avoir été trompés ».
« Dans mon coeur, c’est vraiment la joie (..) Peu importe le résultat qui sortira des urnes, c’st le Mali qui compte », a-t-il souligné. Il a promis de former au cas où il est élu un gouvernement qui fera « en sorte que notre ensemble national se retrouve sur le socle de l’unité ».
De l’avis de Dr. Choquel Kokalla Maïga, un de ses alliés candidat au premier tour pour le compte de son propre parti, le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), c’est l’heure de gloire. « Quand vous regardez le score qui a couvert le territoire national au premier tour, ça veut dire que c’est l’homme que les Maliens veulent. C’est l’homme de la situation actuelle », a assuré celui-ci.
« Aujourd’hui, nous avons à départager deux candidats : Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé. J’ai voté et je suis certain que ce second tour permettra aux Maliens de désigner leur prochain président », a déclaré le président Traoré qui s’est dit satisfait en réponse à une question de Xinhua du déroulement du processus électoral depuis le premier round fin juillet.
TAUX DE PARTICIPATION RECORD
D’après le dirigeant, « les électeurs ont voté librement, ils ont voté en masse. Je crois que le taux de participation que nous acons atteint n’a probablement jamais été atteint au Mali. Ça c’est déjà un pari que nous avons gagné », a-t-il en outre avancé, réfutant l’existence d’irrégularités.
« Je pense qu’on peut dire d’ores et déjà que la transition est réussie. Maintenant, nous allons entrer dans une nouvelle phase : la phase de reconstruction de l’Etat malien et d’unification du peuple malien », a-t-il poursuivi.
Quelques électeurs ont bravé la pluie qui a arrosé la ville pendant plus d’une heure pour se rendre dans les bureaux de vote. Certains commerces ont ouvert et la circulation automobile était autorisée. En dehors d’une présence fixe dans les centres de vote, des patrouilles des forces de l’ordre et de sécurité maliennes sillonnaient la capitale, ainsi que des soldats de l’armée française.
Un des acteurs du processus électoral, la délégation générale aux élections a mis en place un dispositif pratique permettant aux électeurs d’avoir des indications sur la localisation de leurs bureaux de vote par téléphone.
Le nom du futur président pour les cinq prochaines années peut être connu sur la base des premières tendances non officielles quelques heures après la clôture du vote à 18h00, mais les résultats provisoires officiels ne seront pas publiés avant le milieu de la semaine qui commence lundi.
Parmi des milliers d’observateurs nationaux et internationaux dont ceux de l’Union africaine (UA), de l’Union européenne (UE), de la CEDEAO, de la Communauté des Etats sahélo- sahariens (CEN-SAD), de la Francophonie ou encore de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), le Pôle d’observation citoyenne électorale (POCE) qui regroupe 60 organisations civiles maliennes en son sein a dit avoir constaté que « les opérations de vote se déroulent normalement sur l’étendue du territoire national ».
« Kidal, tout va bien. Les gens votent normalement. Pareil pour Gao et Tombouctou », a fait savoir à Xinhua son porte-parole Ibrahima Sangho, président du Réseau Ong d’appui au processus électoral au Mali (Apem) qui annonce la mobilisation de 2.100 observateurs sur le terrain.
De l’avis de cette organisation dans un communiqué de presse remis à Xinhua, « de manière générale, 89,9% des bureaux de vote ont été ouverts à l’heure. Ce taux, en deçà de celui du premier tour (96%), s’explique par la forte pluviosité enregistrée notamment dans les régions de Bamako, Kouliko et Kayes ».
« A l’ouverture des bureaux, 90,7% des membres des bureaux de vote étaient présents. L’essentiel des documents et matériels électoraux étaient en place. Ce qui a permis le démarrage effectif des opérations de vote », a-t-elle indiqué par ailleurs. Fin (Par Raphaël MVOGO, liufang)