Journée des droits des femmes, 8 mars 2017 : Parole aux femmes

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Au Mali, quel accès à l’instruction et à la santé pour les femmes ? Que dire de la violence conjugale et de la pratique de l’excision au Mali ?  Quatre femmes maliennes vivant au Mali en parlent.

Mme Kady Diarra : Originaire de la 4ème région, née à Bamako où elle a toujours vécu, animatrice à la Cofesfa (Coopérative des Femmes pour l’Education, la Santé Familiale et l’Assainissement).

L’accès à l’instruction est meilleur qu’il n’a été grâce aux autorités responsables de la question, et aux ONG nationales et internationales spécialisées. Cependant, souvent, les filles ne vont pas très loin dans les études. Elles sont débauchées précocement soit par les parents qui les donnent en mariage, soit parce qu’elles abandonnent d’elles-mêmes à cause d’une grossesse précoce ou non désirée.

Si l’accès aux services de santé est une réalité, l’accès aux soins en est une autre. Les longues files d’attente et le coût des produits pharmaceutiques empêchent beaucoup de filles/femmes d’aller vers les structures de santé. Elles ont recours à l’automédication et aux «pharmacies par terre» (vendeurs ambulants de produits pharmaceutiques).

Beaucoup de femmes sont confrontées à la violence conjugale, mais rares sont celles qui en parlent, soit par peur d’être divorcée d’avec leur mari, soit par honte vis-à-vis de la société. Notre éducation nous enseigne que la femme «doit couvrir» son mari, c’est-à-dire qu’elle doit taire ce qui se passe entre elle et son conjoint. Voilà pourquoi les cas de violence conjugale dévoilée par les femmes sont très généralement les cas extrêmes, allant souvent jusqu’aux menaces de mort.

Au sein de la COFESFA, je suis chargée de la question de l’excision. Cette pratique continue et continuera à faire des victimes à cause de raisons tantôt coutumières, tantôt religieuses surtout. Des tentatives de mise en vigueur de lois contre la pratique de l’excision sont régulièrement faites, mais elles sont toujours controversées par des menaces de la part des religieux qui ont de plus en plus de pouvoir, aussi bien sur le législatif que sur l’exécutif. J’ai espoir tout de même, car les familles des victimes, et bien d’autres personnes de bonne foi, adhèrent à l’idée d’abandon de la pratique de l’excision.

 

Mme HAIDARA Aminata Dicko : vice-présidente de l’Association Kisal qui «défend les Droits humains des Peuls, des peuples d’origine nomade».

L’éducation de qualité étant le fondement pour améliorer la vie des gens et le développement durable, elle permet à chacun(e) de recevoir une instruction et de s’épanouir dans la vie sociale. Des progrès majeurs avaient été accomplis, mais avec la crise qu’a connue mon  pays, dans ma région (Mopti), le constat est amer. Plus de 170 écoles sont fermées, les enseignants ont déserté par peur d’être assassinés par des inconnus qui se baladent  de village en village pour véhiculer des messages interdisant l’ouverture des classes. Les enfants n’ont d’autre choix que de rester à la maison, et leur avenir est hypothéqué. Tout(e) citoyen(ne) a droit à l’éducation. Il faut que l’Etat redouble d’efforts pour avancer plus vite sur la voie des objectifs dans le domaine de l’éducation universelle. La situation d’enfants non scolarisés augmente, surtout dans les zones touchées par les conflits.

L’accès à la santé constitue une préoccupation pour les populations, que ce soit dans les grandes villes ou dans les coins les plus reculés du Mali. Le nombre insuffisant d’agents de santé, l’absence d’hygiène, l’absence d’infrastructures de base, le manque de médicaments, les maladies banales mais tueuses, la mortalité infantile et maternelle. Quand vous prenez le cas des zones de conflits au nord et au centre du Mali, l’accès à la santé reste critique pour les populations, beaucoup de centres de santé ont été obligés de fermer compte tenu de l’insécurité qui prévaut. Aujourd’hui, les structures de santé tardent à se redéployer dans ces zones. Nous constatons toujours des taux assez élevés de mortalité infantile et maternelle, les femmes en couches arrivent souvent trop tard à l’hôpital. Il est important que ces aspects soient pris en compte par les responsables  de la santé dans les zones rurales.

La violence conjugale s’accentue au Mali. On assiste à des maltraitances  et à l’atteinte à la vie des femmes tous les jours (exemples : les cas de Mariam Diallo et de Kamissa Sissoko, entre autres). Il existe plusieurs formes de violence conjugale : physique, psychologique, sexuelle, économique, et spirituelle. Toutes ces violences impactent l’état physique et mental de la femme. Au Mali, la plus connue est la violence physique, c’est la plus médiatisée. Cette forme de violence a pour conséquence des meurtres, des fausses couches… Les violences conjugales affectent l’équilibre de la famille, elles jouent sur l’éducation des enfants.

Au Mali, l’excision est une pratique coutumière et non religieuse. Elle a des effets néfastes sur la santé de la fillette et de la femme. Les complications médicales sont courantes. Les effets immédiats peuvent être l’hémorragie, l’infection, la rétention urinaire, et parfois la mort. Pour l’interdire, l’Etat malien doit initier un projet de loi pour soutenir le Programme national de lutte contre l’excision. C’est un sujet très complexe qui divise la société malienne.

Sœur Jeanine Traoré, religieuse de l’Institut des Filles du Cœur Immaculé de Marie (FCIM), née à Bamako, elle y a toujours vécu. Elle est responsable des médias à la paroisse de la Cathédrale, directrice du Cours Jeanne D’arc, responsable de la commission de gestion de la Radio «La Bonne nouvelle». 

De nos jours, il est possible d’affirmer que les filles ont vraiment accès à l’instruction à Bamako. Ayant fréquenté des écoles de filles, et actuellement directrice d’une école de jeunes filles, je ne saurais dire le contraire. La multiplication des lycées, des écoles professionnelles, et le fait de voir beaucoup de jeunes filles dans les universités, peuvent en témoigner.

Tous, hommes et femmes ont accès à la santé à Bamako, je n’ai pas encore vu de discrimination dans ce domaine. Dans certains centres de santé, certains hommes malades acceptent même de céder leur place à certaines femmes.

Personnellement, je pensais que l’excision allait disparaître à cause des multiples lois et associations qui luttent contre cette pratique. La lecture du livre de l’abbé Moise DEMBELE : Bioéthique et excision au Mali. De la dignité humaine au respect de l’intégrité physique des femmes (Torino/Paris, L’Harmattan) m’a permis de comprendre ce qu’est l’excision et les débats controversés autour de ce sujet.  «Il est indéniable que les altérations des organes génitaux externes sont des actes qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes qui les subissent pour que leurs personnalités sociales en sortent renforcées…. Les raisons socioculturelles qui maintiennent et justifient ces pratiques, les valeurs et les normes morales qu’elles sous-tendent sont bien controversées.»

Mme Coulibaly Kani Diabaté, Général de Brigade, médecin militaire, est née à Kayes.

L’instruction des filles/femmes est un élément incontournable pour le développement d’une communauté, d’un pays. Je voudrais partir du fait que la fille d’aujourd’hui est la femme de demain. L’instruction de la femme a un impact positif sur le niveau d’éducation de la famille. Une étude a en effet montré qu’il y a une corrélation entre le niveau d’éducation de la femme et celle des enfants (cf : «Women’s education in developing countries,  barriers, benefits and policies” WB-1997- Elizabeth M. King and M. Anne Hill).

Si l’on prend le volet sécurité, une fille ayant reçu une éducation de base pourra, à l’âge adulte, mieux espérer son autonomisation, connaître son rôle dans les différents concepts comme la prévention et gestion des conflits, savoir comment réagir en cas de violences diverses (porter plainte, par exemple), et appréhender la problématique de la gestion de la circulation et de la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre, entre autres.

Une fille/femme avec un niveau adéquat sera en mesure de veiller au maintien de sa propre santé, de ses maternités, et de la santé des enfants. Elle pourrait aussi s’intéresser à la maîtrise de certains instruments nationaux, voire internationaux, et d’être le relai dans sa communauté pour leur mise en œuvre.

En ce qui concerne la violence conjugale, une instruction adéquate de la femme lui permettra de mieux connaître ses droits, de les interpréter selon son milieu, de les vulgariser en collaboration avec les services compétents. Elle pourra se protéger et veiller au respect des instruments nationaux et internationaux, et pourra, si nécessaire, rendre compte en veillant à la mise en œuvre des sanctions. En comprenant le processus, elle pourra aussi jouer pour les victimes un rôle de système d’alerte et de conseil pour porter plainte, suivre la suite réservée à ladite plainte.

En ce qui concerne la pratique de l’excision, nous avons au Mali l’engagement  politique. À mon avis, une fille/femme avec un niveau d’instruction adéquat sera en mesure d’avoir une meilleure compréhension des risques liés à l’excision sur la santé de la femme, de mieux travailler avec toutes les parties prenantes (les corps médical et religieux, les femmes, l’Etat, les ONG et associations, les communautés à la base), au processus d’élaboration de stratégies adéquates, conformes à sa communauté, pour une meilleure mise en œuvre des différents projets et programmes grâce à l’information, l’éducation, la communication en collaboration avec les services compétents.

Propose recueillis par Françoise WASSERVOGEL

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1 commentaire

  1. Dans une société patriarcale et souvent machiste dans certaines communautés l’avis des femmes est capital sur les question d éducation l’accès a la santé mais surtout sur l excision des femmes qui n’est débattu qu’au u niveau des medias mais reste un tabous dans les familles //Francoise

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