La situation sociopolitique que connait notre pays depuis quelques semaines suite aux différentes manifestations exigeant la démission du président IBK a contribué à polariser dangereusement notre espace politique entre d’une part le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui demande le départ du président IBK et de son régime et d’autre par ceux qui soutiennent ce dernier regroupés au sein de la Convergence des forces républicaines (CFP). Après les différentes piques les uns envers les autres à travers les réseaux sociaux et la presse interposée, les deux ont finalement décidé de s’affronter dans un débat sur la chaine nationale à travers Issa Kaou Djim du M5-RFP et l’ancien ministre Amadou Koïta de la CFR. A l’analyse chacun a défendu sa position. Cependant, il convient de noter que les deux camps retiennent que l’arbitre de ce jeu “du berger à la bergère”, le peuple malien doit être le seul et unique vainqueur. Diffusé en direct, le débat était axé sur la “crise socio-politique : quelles pistes de solutions”. Pour les questions juridiques, l’ORTM a invité un éminent juriste, Paul Traoré.
Oui le débat était à la hauteur, car de 21 h à 22 h, l’affiche de la nationale impatiemment attendue par les téléspectateurs s’est finalement bien tenue.
Dans un premier temps en usant de son calme olympien comme à son habitude, le représentant du M5-RFP, Issa Kaou Djim, a égrainé les maux du pays consécutifs à la gestion chaotique du président IBK pour justifier la seule et l’unique revendication de son organisation, la démission du président et de son régime.
Il a expliqué les raisons qui ont motivé la création de la Troïka devenue le M5-RFP ; à savoir : la mauvaise gouvernance, l’insécurité, la corruption, le manque d’infrastructures, d’école pour les enfants… “Compte tenu de tous ces problèmes, nous avons fait le constat que IBK est et demeure l’unique problème du Mali. Nous pensons qu’il doit démissionner. Des manifestations ont eu lieu un peu partout au Mali et à l’extérieur. Aujourd’hui, tout le monde est unanime que ce que le M5 a dénoncé est soutenu par le peuple”, a laissé entendre Issa Kaou Djim.
Quant à l’ex-ministre Koïta, il s’est défendu bec et ongle par des arguments juridiques et par moments par le bilan qu’il a jugé élogieux du président IBK. A ce titre, il a qualifié d’anormal que Kaou Djim se fasse le porte-parole du peuple, alors que nul n’a le monopole du peuple malien.
Aussi, l’ex-ministre s’est dit surpris de voir les manifestations du M5 en cette période très cruciale pour notre payse surtout caractérisée par la recrudescence de la violence dans le Centre et le Nord du pays ainsi la situation sanitaire très précaire avec l’apparition de la pandémie de la Covid-19. “L’heure est au rassemblement du peuple, à la paix, à la cohésion nationale. Les 18 millions de Maliens n’aspirent qu’à la paix. Même si le Mali est un Etat démocratique. Un Etat où la liberté d’expression est garantie à tous”, a ajouté l’ancien ministre.
Dans son réquisitoire, il dira qu’exiger la démission du président IBK, c’est sortir du cadre de cette liberté d’expression. En réponse aux nombreux griefs formulés contre la gestion du président IBK, le représentant de la CFR a estimé que les efforts ont été faits par le chef de l’Etat, tant dans le domaine économique, agricole, sécuritaire, sanitaire notamment la riposte contre la pandémie de la Covid-19.
“A travers la Loi d’orientation et de programmation militaire, la capacité des FAMa s’est nettement améliorée, la sécurité sociale est assurée pendant et après pour le militaire et sa famille, leurs conditions de travail sont améliorées…”, a-t-il soutenu, annonçant que 100 blindés sont récemment arrivés des Emirats arabes unis dont 85 sont déjà sur les théâtres d’opération. Pour le juriste Paul, cette crise est le résultat de l’accumulation des problèmes du pays par les différents régimes.
Pour sa part, à la fin du premier round, le juriste commis pour la circonstance a livré son avis sur la question relative la démission d’IBK. Il a réaffirmé que la Constitution ne prévoit pas une démission d’office du président de la République. “La démission ne peut être que volontaire”, a-t-il confié.
Revenant à la charge, M. Djim dira que la mauvaise gouvernance est devenue, sous le règne d’IBK, la règle du jeu. Pour cela, il s’est appuyé sur l’affaire dite des avions cloués au sol pour dénoncer la mauvaise gestion du pays. “On ne veut pas la main tendue de IBK, elle ne sert à rien. On veut sa démission et celle de son régime. Pour nous, la seule solution pour le pays reste le départ d’IBK. Nous condamnons toute forme de violence et voulons faire pression sur le président jusqu’à ce qu’il quitte le pouvoir. On ne s’oppose pas au dialogue, mais le format qu’on souhaite consiste à dialoguer avec IBK sur sa démission, c’est tout”, a martelé le représentant du M5-RFP.
De son côté, M. Koïta a réitéré sa position en s’opposant à toute démission du président, qualifiant cette démarche du M5 de coup d’Etat. A l’en croire, le peuple malien n’est pas celui qui est sorti les 5 et 19 juin. Mais c’est plutôt cette majorité écrasante et silencieuse réunie au sein de de la Convergence des forces républicaines (CFR) qui a élu IBK en 2018. “Prendre les problèmes des Maliens pour en faire un fonds de commerce en déstabilisant le président IBK ne passera pas”, fera-t-il savoir aux partisans du M5-RFP. Il ajoutera : “Un peu de respect pour ce peuple, on ne peut pas faire sortir 5000 ou 10 000 personnes pour dire que c’est le peuple du Mali qui exprime cette démission”. Pour l’ancien ministre, les membres de la CFR sont des sentinelles qui veilleront sur la défense des Institutions de la République.
Dans son second passage pour son coin de droit, le juriste précisera que “nous sommes dans une situation où il y a un problème concernant la juridiction qui doit constater cette démission d’IBK”. Ainsi, il proposera de recourir aux accords politiques pour une solution politique à cette crise.
Dans le troisième round, Issa Kaou Djim a regretté qu’il y ait une oligarchie à la tête de notre pays. A cet effet, il a proposé une sortie honorable pour le président IBK notamment à travers une transition démocratique. Aussi, il a plaidé pour l’audit de la gestion du pays par IBK et son régime. “Tout le monde sait que IBK n’a pas de bilan. Il ne peut rien apporter au peuple”, ajoutera M. Djim. Et à l’ancien ministre Koïta d’inviter toutes les parties au dialogue afin de résoudre cette crise politique qui cristallise et polarise notre vie politique.
Boubacar Païtao