Dans la mouvance des Assises nationales sur le Nord, nous avons eu l’opportunité de rencontrer Ismaël Sacko, président du Parti Social démocrate Africain (PSDA), crée le 30 mars 2013. Ce parti est membre de la Coalition «IBK, le Mali d’abord». Il nous livre ici son opinion sur ces Assises et les législatives qui s’approchent.
Le Pouce : Quels sont les objectifs visés en créant ce parti ?
Ismaël Sacko : Nous avons d’abord jugé nécessaire de nous engager pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Nous nous sommes aussi engagés à le faire à travers une idéologie politique que nous avons embrassée qui est pour nous la sociale démocratique. Cette vision cadre évidemment avec nos valeurs sociétales et traditionnelles maliennes. Ces valeurs sont liées à la solidarité, au partage, à la reconnaissance des compétences de l’autre et du bien-être de chacun. Pour nous, le parrainage du travail est essentiel et est fondamental. Au regard de la crise de mars 2012, nous avons pensé qu’un Parti social démocrate africain était indispensable non seulement pour penser à recoudre le tissu, mais aussi et surtout pour tendre la main à d’autres formations politiques qui ont la même idéologie que nous. C’est cette volonté qui nous a orientés à faire le choix d’Ibrahim Boubacar Keïta, du fait qu’il est aussi issu d’un parti d’élégance sociale démocrate.
Le Pouce : Quelle lecture faites-vous de ces grands actes posés par le président IBK depuis sa prise de fonction, à savoir les Etats généraux de la décentralisation et les Assises nationales sur le Nord ?
Ismaël Sacko : En tant que citoyen malien, acteur politique et observateur averti, je voudrais dire que le président IBK a compris les missions qui lui sont assignées par le peuple malien. Il a compris qu’il a été élu par la majorité des Maliens pour être un président d’action qui pourrait le plus rapidement possible répondre aux aspirations du peuple malien, eu égard d’abord à la question sécuritaire. Nous avons rapidement compris que la crise de Kati a été mise hors d’état de nuire, même s’il y a encore des choses à améliorer dans ce sens. Il n’y a pas de paix sans vérité. Il n’y a pas de développement sans paix. C’est pourquoi les Etats généraux ont été organisés pour que les acteurs politiques locaux qui sont l’émanation du peuple, qui sont la voix de nos différentes circonscriptions et localités, puissent se réunir et définir ensemble un programme commun malien cohérent, en vue de faire de la décentralisation le modèle de développement économique et social de notre pays. Le président de la République était fortement attendu sur ce point. Ces Assises viennent concrétiser la promesse du président. Il ne le fera pas seul, mais avec l’ensemble des acteurs politiques, institutionnels, de développements locaux, y compris et surtout les maires, mais aussi avec les populations du Nord. Parce que ce sont elles les plus concernées, du fait qu’elles ont vécu dans leur chair et dans leur âme cette crise, dans la peur, dans la torture et dans la honte. Seulement, nous avons pensé que ces deux évènements auraient pu être mieux organisés avec une meilleure implication de l’ensemble des acteurs, y compris les acteurs du Sud. Les documents devraient être partagés à l’avance. Au-delà de la simple politique, les politiques qui sont avant tout des techniciens auraient pu d’abord mieux se pencher et faire parvenir des propositions concrètes. A la lumière desquelles propositions ces deux rencontres auraient pu mieux se tenir. Nous estimons que le plus gros du travail a été fait. Nous osons croire que les recommandations issues de ces deux grands rendez-vous définiront la marche de la reconstruction de notre pays pour que chacun, où qu’il soit, puisse se l’approprier, l’amender et envoyer des propositions concrètes à qui de droit. La décentralisation et les Assises du Nord doivent aussi permettre des débats inclusifs au niveau local. Qu’il y ait de vrais débats entre les habitants de Kidal ou entre populations d’autres localités. Ce qui sortira de ces discussions sera une propriété locale pour une meilleure application des recommandations et des projets réels qui permettront au Nord de se développer.
Le Pouce : Votre parti est-il concerné par la course aux députations ?
Ismaël Sacko : La crise du Nord n’étant pas encore terminée, nous devons aussi de voir avec nos autorités comment poursuivre l’évaluation des projets qui ont déjà été faits. De grands projets comme AMADER, ANICT… ; comment reprogrammer certains objectifs qui n’ont pas été exécutés du fait des conditions climatiques d’éloignement ; comment faire savoir où sont partis les fonds alloués… C’est à ce titre que les habitants du Nord sauront que tel ou tel montant a été dépensé dans tel domaine. Toute chose qui permettra de favoriser les conditions de projet de création d’activités de richesse, mais surtout d’emplois. Que des entreprises soient créées à Kidal, comme à Kayes, Tombouctou, etc. Il faut éviter des erreurs qui font que les populations à la base ignorent le montant de l’investissement fait en leur nom. Il faut associer les citoyens lambda. Nous avons grand espoir que les autorités actuelles, avec à leur tête le président de la République, veulent faire de la gouvernance locale une priorité, en se fondant sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Nous avons confiance en elles, parce que nous pensons qu’elles ont conscience de cela.
En ce qui concerne les législatives, le PSDA, créé il y a sept mois, n’est pas resté en marge de ce processus. Un parti ne saurait exister, s’il n’accepte pas d’aller demander les suffrages des concitoyens. Nous avions sillonné certaines localités du territoire national pour demander l’adhésion des populations. Il n’y a pas eu de parachutage au niveau de PSDA. Il n’y a pas quelqu’un de Bamako qui est candidat à Koumantou, alors qu’il réside à Bamako. Les candidats du PSDA sont des résidents des localités où ils cherchent à être élus. Le PSDA a voulu respecter la parole de la base. Tout part de la mobilisation de la base. Grâce à Dieu, les uns et les autres qui ont compris notre sens de responsabilité et du devoir, ont voulu que nous constituions des listes communes sans le RPM, qui avait déjà privilégié ses partenaires politiques dont l’ADEMA et d’autres partis politiques. Mais, c’est avec joie que nous allons dans le fair-play mener campagne. Nous avons confiance en ceux qui ont compris que ce n’est pas seulement l’argent qui fait le bonheur. Ce n’est pas l’argent qui a élu IBK. De même, l’argent ne fera pas la différence pour élire les députés. Les populations de nos différentes circonscriptions ont tendance à avoir la maturité en termes de jeu politique. Elles choisiront les personnes qui ont la capacité de porter leurs préoccupations et d’interpeller. Nos candidats sont des Maliennes et des Maliens comme les autres filles et fils de ce grand pays aux valeurs séculaires. Nous sommes allés avec des partis comme BARA, MIRIA, BPM, RDS, ADCAM qui nous ont fait confiance.
Après les législatives, nous allons préparer les municipales. La présidentielle a été un cas d’école où nous avions décidé de faire un choix et d’accompagner l’homme qui a finalement été élu. Nous allons chercher notre part du scrutin dans la voie démocratique, dans le respect de nos valeurs. Nous respectons la plupart de nos adversaires politiques qui ne sont pas nos ennemis. Le PSDA, fidèle à son engagement, ne fera pas d’alliance avec un parti libéral. Nous souhaitons que les Maliens portent leur confiance sur les listes qui porteront le nom PSDA.
Le Pouce : Quelle lecture faites-vous de la situation sécuritaire actuelle du Mali ?
Ismaël Sacko : La recrudescence de l’insécurité au Nord était prévue dès la signature des Accords de Ouaga. Lorsque nos autorités de la transition ont accepté qu’il faille reprendre les négociations deux mois après, nous avons compris que les frères maliens, au lieu de se constituer en partis politiques, sont repartis prendre les armes et cela ne nous surprend guère. Ces Assises ont leur place pour montrer à l’opinion internationale qui, à un moment, n’a pas manqué à soutenir le MNLA et Ançar Dine, que les Maliens sont un peuple pacifique et pacifié qui décident de régler leurs problèmes entre eux. Si nos frères bandits armés refusent de s’aligner, je pense que le pouvoir en place ne manquera pas d’user de la force à chaque fois que cela sera nécessaire. En tout cas, c’est notre position au PSDA. D’abord, négocier, proposer et agir dans le sens du développement à travers des actions concrètes. Ramener à la table de discussions et faire de ces bandits armés de vrais acteurs de leur propre développement. S’ils veulent être politiques, qu’ils créent une branche politique. Si tel n’est pas le cas, nous refuserons que d’autres Maliennes et Maliens tombent. Nous invitons nos autorités à plus de fermeté en ce moment.
Mais, la main tendue du président IBK se justifie et elle restera tendue et n’empêchera l’utilisation de la force, si nos frères bandits refusent d’aller vers la paix et la réconciliation. Les démarches qui sont en cours, sont légales et légitimes. C’est vrai que le peuple malien en a assez. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouverneur de Kidal n’est dans ses locaux. Pourquoi à l’ORTM, nos agents de l’Etat et du service public n’ont pas librement accès à leurs outils de travail. Nous avons le sens de la tolérance. Aucun bandit ne sera mieux qu’un Malien lambda qui jouit de ses droits et qui accepte la justice s’applique à lui. Par rapport à la libération des rebelles, nous souhaitons que les Maliens soient informés à l’avance pour éviter l’intox et les frustrations. Si en plus de ces actions, nos frères armés n’ont pas compris l’esprit de tolérance et de patriotisme du Mali, alors nous ne manquerons pas de demander à nos autorités, même en tant que partis alliés, que la force prime alors.
Entretien réalisé par Tiémoko TRAORE
Comments are closed.