Comme il est de coutume, l’Alliance pour la Démocratie au Mali (Adema), a encore déçu le petit cercle d’observateurs et de chroniqueurs politiques qui croyaient encore en elle. En effet, le choix de s’allier au nouveau pouvoir en place est la preuve d’une sidérante immaturité politique de ses dirigeants actuels. Cela prouve que, contrairement à ce qu’il veut faire croire à l’opinion nationale, que le Comité exécutif (CE) de l’Adema n’a tiré aucun enseignement de son alliance avec le régime renversé le 22 mars 2012 par une insurrection militaire.
«Notre parti a été discrédité surtout par rapport à la gestion des 20 dernière années. Nous assumons notre part de responsabilité, ceci en termes de succès comme d’échec. Ce parti a pris beaucoup de coups et nous sommes convaincus que le fait d’avoir subi ces coups nous donnera des ressorts encore plus puissants et nous rebondirons», a martelé Pr. Tiémoko Sangaré lors de la Journée parlementaire de l’Adema. C’était le 18 janvier dernier dans un luxueux hôtel de la place.
«On a beaucoup été diffamé et discrédité. Mais, je suis convaincu que le fait d’encaisser ses coups va nous forger à rebondir», a-t-il ajouté. Si son discours était resté à ce niveau, le Professeur allait sans doute entrer dans l’histoire politique du Mali comme un leader qui a su guider ses ouailles vers la maturité tant espérée de leur Alliance.
Hélas, ce discours est retombé dans la démagogie politicienne quand le président intérimaire a ajouté que son Alliance était incapable de s’affranchir du pouvoir. Qu’elle reste fidèle à son engagement du 23 août 2013, donc soutient les actions du Président de la République. Il est vrai que l’Adema a signé le fameux «Contrat de législature» qui, en réalité, n’est qu’une autre formulation de la «Gestion concertée du pouvoir» prônée par Amadou Toumani Touré de 2002 à 2012.
Une fois encore, l’Adema a pris la voie opposée à celle tracée par le peuple malien. Elle est allée à l’encontre de l’idéal des pères fondateurs de ce grand parti républicain qui était arrivé finalement à incarner une nation.
Oui, on ne parlait plus de «militants Adema», mais du «peuple Adema». Et cela était loin d’être de la démagogie politicienne. Comment une chapelle fondée par des téméraires leaders incontestés (Abdramane Baba Touré, Alpha Oumar Konaré), aussi braves et courageux, qui ont risqué leur liberté et leur vie pendant la dictature militaire et du parti unique, peut-elle être aussi frileuse aujourd’hui au point de refuser le naturel ?
Comment peut-elle être incapable de comprendre que cette démarche consistant à être toujours avec le pouvoir a contribué à détériorer l’image du parti au sein de l’opinion nationale ? Une seule explication : la peur de ses dirigeants !
Oui, les dirigeants de celle qui était la première force politique du Mali jusqu’à la présente législature (16 députés aujourd’hui contre 55 dans le précédent parlement) ont peur de la prison et de la «disette» de l’opposition. Et pourtant, même là, qui plus que l’Adema aurait pu voter un statut confortable pour l’opposition parlementaire les 20 dernières années ? Encore, aurait-il fallu que ses élus puissent s’assumer face au pouvoir qui les faisait trembler dans leurs pantalons et pagnes.
Cela nous ramène d’ailleurs à la surprenante confession d’un autre Professeur, propulsé plus tard Président par intérim après le putsch de mars 2012. En effet, Dioncounda avait publiquement confessé que lui et ses camarades ne pouvaient pas faire le choix de l’opposition sous peine d’être tous emprisonnés par ATT. Et pour quel crime ? Eux seuls savaient par quoi le Général les tenait.
Une puissance populaire sacrifiée sur l’autel des ambitions personnelles
Comment un parti qui avait 51 députés (sur 147) en 2002 ainsi que 258 maires (sur 703) et 3 336 élus communaux (sur 10 777) en 2004 peut craindre l’opposition sous prétexte des menaces d’un régime frileux ? Comment une si forte chapelle peut sous-estimer ses propres capacités de mobilisation, donc d’opposition à toutes menaces anti-démocratiques. Ce que les dirigeants de l’Adema n’ont jamais dit, c’est qu’ils ne peuvent jamais résister à la facile tentation de l’exercice du pouvoir. Quitte à renier leurs propres convictions. Hélas, il est de notoriété publique que la majorité de nos leaders politiques n’en ont pas.
Ce fut en tout cas le premier rendez-vous manqué avec le peuple. Aujourd’hui, personne ne doute que si l’Adema avait fait le choix de l’opposition, avec ou sans le Rpm, notre démocratie ne se serait maintenant retrouvée à la case départ. Et le pays aurait pu faire l’économie de la plus grave crise institutionnelle de son histoire.
Loin de tirer les enseignements d’une telle mortelle connivence, qui ne cesse d’éroder son électorat, un autre Professeur a décidé de conduire la Ruche dans une autre impasse politique. «A quoi cela sert de voter pour l’Adema si c’est pour voir nos députés dans la majorité présidentielle comme du temps d’ATT ?» ! Voilà la question que beaucoup de militants de la chapelle de l’Abeille nous ont posée pendant la campagne des dernières législatives.
Visiblement, les aspirations des militants voire du peuple (dans sa composante qui croit encore à la politique) sont le cadet des soucis des dirigeants politiques maliens, singulièrement ceux de la Ruche. Et pourtant, en science politique, on nous enseigne que «la valeur d’un parti politique est déterminée par la signification qu’il revêt pour les populations en termes de bénéfices et de niveau de satisfaction des besoins essentiels».
Et l’Allié de circonstance, sorti de ses propres entrailles en juin 2001, s’est chargé à réduire les élus de la Ruche à la portion congrue. C’est naturellement le retour du bâton ! Avec le nomadisme politique consacré par la tradition parlementaire du Mali, combien d’élus resteront-ils sous les couleurs Rouge-Blanc jusqu’à la fin de la présente législature ? Les paris sont ouverts.
Des frelons héritent des Abeilles dans la Ruche
Et le Parti africain pour la Solidarité et la Justice (Adema/Pasj) ne pourra que s’en prendre aux dirigeants qu’il s’est choisi. Comment les supposés héritiers des Abdramane Baba Touré, Mamadou Lamine Traoré, Kounandy Traoré, Cheick Mohamed Chérif Cissé, Mamadou Diarra, Halidou Touré, Bengoro Coulibaly, Mahamadou Yacouba Maïga, Abdoulaye Barry… peuvent encore nourrir la même peur de l’opposition au point que cela hypothèque leur conviction politique ?
N’ont-ils donc rien appris de la farouche résistance du Front national démocratique populaire (Fndp), fédérateur du Parti malien des Travailleurs (Pmt), du Parti malien pour la Révolution et la Démocratie (Pmrd) et du Front Démocratique et Populaire Malien (Fdpm) ?
Mais, comme le disait un politologue (KARA KORO), il est évident que les jeunes qui l’animent actuellement n’ont rien appris de la morale des pères fondateurs de la chapelle. Pour la majorité d’entre eux, la politique est une voie de réalisation personnelle, et non de conviction morale et idéologique ainsi que d’aspiration populaire.
Toujours est-il que leur «inconsistance dans leurs comportements et choix erronés aux dépends de la volonté de la base a fini par désorienter plus d’un militant». Il est vrai que beaucoup d’entre eux n’ont pas la formation requise pour être de vrais leaders. Dans leur apprentissage, ils sont nombreux à avoir sauté des étapes décisives parce que propulsés au sommet par de parrains puissants ou par leur fortune. Sinon, ils auraient sans doute appris que «la fermeté sur les principes est toujours une valeur sûre en politique». Et que «la pusillanimité, le laxisme» servent toujours les desseins de l’adversaire.
En tout cas, si l’Adema est à nos jours indexée comme l’un des principaux responsables de la mauvaise gestion du pays ces dernières années, surtout de la grave crise institutionnelle que le pays vient de traverser, c’est parce qu’en 2002, elle ne s’est pas assumée comme le souhaitait le peuple malien : prendre le leadership d’une opposition responsable et constructive afin d’éviter que le novice politique qui avait hérité d’elle ne fasse finalement chavirer le navire !
Le Pr. Sangaré sait pertinemment que ce n’est pas seulement le «dynamisme» et la «cohésion» du groupe parlementaire qui permettra à la Ruche d’honorer son pari démocratique. Mais, il faut que ce parti moribond retrouve ses valeurs fondamentales pour assumer son destin et ses convictions les plus évidentes.
Vivement que l’Adema retrouve ses vertus et surtout ses vraies valeurs à partir du congrès du 26 mars prochain. Il y va de la vitalité démocratique du Mali.
Il est souhaitable que cela puisse aboutir à une véritable mue de la Ruche, avec un Comité exécutif (CE) conscient des nouveaux enjeux et surtout capable de réorienter la chapelle dans le sens des aspirations du peuple Adema. Une nouvelle équipe dirigeante qui aura le courage sinon l’audace de se défaire de tous ses clans devenus des obstacles à l’épanouissement de la formation politique car incapables de se muer en véritables courants de débats d’idées pour son bien-être.
C’est à ce prix que l’Adema redeviendra la première force politique du Mali. Ce sang neuf est d’autant souhaitable que l’expérience à démontrer que de nombreuses forces politiques en déclin sont redevenues de véritables machines électorales en revenant à leurs racines, donc aux valeurs fondamentales qui ont toujours fait leur force !
Mais, existent-ils encore des hommes de la trempe d’Abdramane Touré, Alpha Oumar Konaré, Sada Sy… à bord du navire ivre qu’est devenu l’Adema-PASJ pour éviter le naufrage ?
Dan Fodio