C’était trop beau pour durer ! Ne cherchez pas loin, nous parlons de la Transition politique au Burkina. Au moment où les Burkinabè espéraient voir bientôt le bout du tunnel avec l’élection du successeur de Blaise Compaoré (le premier tour était prévu le 11 octobre 2015), ce dernier les rappelé à ses tristes souvenirs. Le 16 septembre 2015, des éléments de Régiment de la Sécurité présidentielle (RSP) ont fait irruption en plein conseil des ministres pour prendre le «PF» (Président du Faso) Michel Kafando, le Premier ministre Isaac Zida et son gouvernement en otage. Et ce qui était au départ un coup de sang, pardon un «coup de force» d’un régiment inquiet de son avenir est vite devenu un coup d’Etat avec un fidèle et loyal serviteur de Blaise Compaoré : le Général Gilbert Diendéré proclamé ou autoproclamé président du Conseil national pour la démocratie (CND).
La réapparition sur la scène politique de l’ancien chef d’état-major particulier de l’ancien président Blaise Compaoré est loin d’être une surprise pour les chroniqueurs politiques. C’était le poulain tout indiqué pour gérer la transition politique dans les intérêts du Clan Compaoré. Malheureusement pour les barons, la rue en a voulu autrement en le mettant à la touche. Mais l’homme n’attendait qu’une opportunité de prendre sa revanche et accomplir sa mission. Il déclare être «passé à l’acte pour empêcher la déstabilisation du Burkina». Une chanson bien maîtrisée par tous les putschistes en Afrique. Mais, nous avons toujours pensé que tant que ce régiment (1300 hommes surentraînés et créé de toutes pièces pour protéger Blaise, son clan et leurs intérêts) n’est pas démantelé, il allait peser sur non seulement la transition, mais aussi le président issu des élections comme une épée de Damoclès. «Tant que ce régiment n’est pas démantelé, c’est Blaise qui est au pouvoir», avions-nous schématisé dans un débat sur la question. Démantelé, oui ! Mais pas dissout.
La dissolution d’un régiment est une erreur stratégique grave. Le capitaine Amadou Haya Sanogo l’a appris à ses dépens en voulant dissoudre la compagnie des parachutistes au Mali. Et on prête aux autorités de la transition cette volonté sur l’insistance du Premier ministre Isaac Zida, issu de RSP. Le démantèlement devait s’opérer en plusieurs phases visant à éloigner progressivement (mutés dans des ambassades par exemple) la hiérarchie imposée par Compaoré de la base. Celle-ci (base), au finish, qui allait se retrouver avec un nouveau commandement. En voulant brusquer la rupture, on a donné un prétexte d’agir à ce corps des armées du Faso.
L’exclusion est contraire à la démocratie
Et ce n’est pas d’ailleurs la seule erreur commisse par les autorités de la Transition au Burkina. La plus incompréhensible a été de vouloir coûte que coûte écarter les barons de l’ancien régime du scrutin présidentiel. Un acharnement perçu par de nombreux observateurs comme une volonté de règlement de compte. Ce n’est pas pour rien que, dans ses premières déclarations, le Général Diendéré a indiqué vouloir organiser des «élections inclusives». La transition avait malheureusement privilégié le contraire en rejetant les dossiers des proches de Blaise Compaoré, notamment Djibril Bassolé, Yacouba Ouédraogo et Eddie Komboïgo. Une transition ne doit pas se donner comme mission d’écarter systématiquement des anciens dirigeants du processus de refondation d’un système politique. La démocratie, c’est aussi donner une chance à toutes les forces vives de se soumettre au vote du peuple. Et celui du Burkina Faso est loin d’être amnésique pour donner une chance à ceux qu’il a combattus dans la rue au prix de la vie de nombreux citoyens.
Instauré à la suite de l’insurrection victorieuse du peuple des 30 et 31 octobre 2014, soulignent des observateurs, «le régime de transition s’est progressivement écarté des objectifs de refondation d’une démocratie consensuelle». En commettant et en persistant dans ses erreurs (en voulant surtout écarter coûte que coûte les anciens dignitaires du processus électoral), les autorités de la transition ont prêté le flanc à un retour de manivelle. Et par leur faute, le Burkina est en train de «tomber plus bas que terre» ! Mais quels que soient les motifs évoqués (arguments ou prétextes), rien ne saurait justifier cette interruption du processus vers un nouveau départ plus démocratique au Burkina Faso. Ce coup de force doit être condamné et dénoncé sans ambages. Et cela d’autant plus qu’il arrive à quelques semaines d’un scrutin qui devait mettre fin à la transition en remettant le pays sur les rails d’un fonctionnement normal de ses institutions. Agir au-delà de la dénonciation et de l’indignation. Nous ne devons pas simplement nous «indigner de cette rupture brutale du processus démocratique enclenché par le peuple burkinabè, il y a seulement un an». Nous devons nous mobiliser à tous les niveaux contre ce coup de force qui est «un grave recul démocratique et ouvre les portes à une instabilité sociale et économique» comme l’a si bien dénoncé «SOS civisme/Mali».
Comment sauver aujourd’hui la transition issue de la Révolution populaire d’octobre 2014 ?
Le problème, c’est la menace de la guerre civile car les autres corps de l’armée en veulent beaucoup au RSP pour le traitement spécial qui lui était réservé pendant le règne de l’enfant de Ziniaré (Blaise Compaoré) à leurs dépens. Les organisations comme la Cédéao, l’Union africaine, et les Nations-unies ont condamné le coup de force. Et déjà, le président Macky Sall qui préside le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao s’est rendu à Ouagadougou avec Dr. Boni Yayi du Bénin pour prendre langue avec les putschistes, les autorités de la Transition et la société civile. Mais, c’est surtout la position de la France qui risque d’être déterminante. Et ce n’est un secret pour personne que l’Elysée et le Quai d’Orsay avaient lâché Compaoré malgré eux-mêmes. Sans compter que la transition allait à l’encontre des intérêts de l’Hexagone qui voit d’un mauvais œil la tentative de l’émergence d’une nouvelle élite décomplexée au Burkina voire en Afrique. Oui, la France fait tout pour faire élire à la tête de nos Etats des dirigeants qui lui doivent beaucoup pour lui refuser quoi que ce soit. Certes, elle a diplomatiquement condamné la tentative d’interruption de la transition démocratique. Mais beaucoup d’observateurs voient la «main de la France» dans cet acte suicidaire du RSP avec le Général Gilbert Diendéré à la manœuvre. Ce dernier a été très proches des rouages du pouvoir pour oser prendre le pouvoir sans des garanties sûres des parrains (la France et la Côte d’Ivoire) de son parrain, Blaise Compaoré. D’ailleurs, ADO se fait discret depuis le coup de force alors qu’il avait mobilisé la Cédéao et la communauté internationale contre Sanogo et compagnie après le putsch du 22 mars 2012 au Mali. Le fait d’être en campagne pour sa réélection et de ne plus présider la Cédéao n’explique pas entièrement ce silence à la limite de la complicité. On sait que c’est sur le retour au pays des éléments du RSP qui avaient accompagné Compaoré dans son exil ivoirien que Diendéré à misé pour faire son coup.
Une opportunité de «balayer les vestiges du défunt régime»
Mais, pour soutenir nos frères Burkinabè, il ne faut plus compter sur ces puissances occidentales ou toutes ces organisations sous-régionales, régionales ou internationales hypocrites. Nous devons surtout compter sur les Burkinabè eux-mêmes. Pour tenir en échec Diendéré et ses parrains dans l’ombre, il ne faut pas minimiser le pouvoir de la rue. Et cela d’autant plus que «quand l’injustice devient loi, la résistance devient un devoir» pour les patriotes. Le peuple burkinabè l’a déjà prouvé le 30 octobre 2014 en expédiant son bourreau en exil. Malheureusement, la Révolution est restée inachevée avec l’irruption des militaires pour sauver la tête du président Compaoré en lui permettant de prendre la tangente. Mais, comme le dirait l’autre, «on ne peut ensevelir un cadavre à moitié». Et à quelque chose malheur est souvent bon. Ainsi, avec ce coup de Poker de GGD (Général Gilbert Diendéré), les Burkinabè ont l’opportunité d’achever leur révolution en se débarrassant de toutes ces forces néfastes qui vont tout faire pour les ramener en arrière, le Régiment de la Sécurité présidentielle surtout.
Il faut, pour paraphraser un internaute, «complètement balayer les vestiges du défunt régime» afin de remettre la Patrie des Hommes intègres définitivement sur les rails du développement. Nous pouvons donc compter sur les jeunes Burkinabè armés de leur «Balai citoyen» pour donner raison au président Idriss Deby Itno du Tchad pour qui «la vraie richesse de l’Afrique n’est ni les matières premières ni l’aide extérieure, quel qu’en soit le montant ou la forme, mais sa jeunesse» ! Elle a raison, notre sœur Sangaré Coumba Kéita quand elle dit, «tant que les élites africaines, civiles ou militaires ne cesseront de se comporter en prédateurs, avec comme seul objectif de servir des intérêts corporatistes ou claniques au détriment de l’intérêt général, le continent restera à la marge du développement socio-économique» !
C’est un constat qui doit inspirer toute la génération consciente africaine. Nous, jeunes démocrates africains, nous n’avons d’autre choix que de nous situer dans «le camp des maximalistes». Comme le dit si bien Hamidou Anne (membre du think tank l’Afrique des Idées et chroniqueur pour Le Monde Afrique), «c’est un marqueur de notre génération. C’est donc avec rage qu’il faut défendre la démocratie, partout et pour tous». La patrie ou la mort ! Nous devons vaincre car la renaissance africaine est au bout de notre engagement !
DAN FODIO
Non Monsieur. L’erreur de la transition n’est pas d’avoir exclu ceux qui ont provoqué l’insurection, mais de n’avoir pas été assez ferme en dissolvant purement et simplement le CDP et son bras armé qu’est le RSP, d’être laxiste envets ceux qui ont sucé le sang des Burkinabè pendant 27 ans. Ils payent le prix de leur compromission.
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