Intime conviction : «Fêter la démocratie» dans une galère innommable

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Le talon d’Achille du président Ibrahim Boubacar Kéïta est que, dans la turbulence des scandales auxquels son régime semble s’accommoder et s’abonner désormais, il n’est pas solidement et efficacement soutenu ni par son parti (Rassemblement pour le Mali-Rpm), ni par la Mouvance présidentielle. Une donne que le Bureau politique national (Bpn) du Rpm veut changer en profitant de l’erreur judiciaire du Biprem.

Et ils n’ont trouvé mieux que de sillonner les communes de Bamako pour tirer sur «le corbillard», pardon, charger cette pauvre association en promettant d’organiser une «Fête de la démocratie» le 26 mars 2016 en l’honneur de leur Champion dans l’arène politique. «Nous sommes au pouvoir et nous l’assumons» ! La déclaration est de Nancouma Kéïta, secrétaire politique du Rpm sur les ondes de la Radio nationale du Mali dans le journal de la matinée du 14 mars 2016. Des propos recueillis par les confrères lors de la tournée d’information du Bureau politique national du parti des «Tisserands» pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une atteinte à la première institution de la République : le président de la République !

Pour la première fois au Mali, le président en exercice a été visé par une plainte déposée le mardi 1er mars par le Bloc d’intervention populaire et pacifique pour la réunification entière du Mali (Biprem) auprès de la Haute cour de justice (Hci) du Mali. Cette association accuse le chef de l’Etat du Mali de «haute trahison et gestion scandaleuse de l’argent public». Une plainte d’ailleurs jugée irrecevable par cette institution judiciaire pour plusieurs raisons, dont la qualité du requérant.

N’empêche que le parti présidentiel est déterminé à abattre le Biprem pour, sans doute, dissuader d’autres «aigris» de s’attaquer à l’image de son champion dans l’arène politique. C’est ainsi que le bureau politique a sillonné la semaine dernière des communes de Bamako pour dénoncer cette plainte, défendre l’image et l’honneur du chef de l’Etat en lui assurant surtout qu’il peut (enfin) désormais compter sur sa famille politique, pour ne plus être impunément traîné dans la boue. Si la démarche est normale, nous ne pensons pas que les idées prônées soient toujours comprises des Maliens. Comme celle d’organiser une «Fête de la démocratie» en l’honneur d’Ibrahim Boubacar Keïta. Une reconnaissance à l’égard d’un président qui incarnerait les valeurs pour lesquelles les Maliens ont accepté le sacrifice suprême pendant les années de l’implacable dictature. Un combat qui a connu son couronnement politique le 26 mars 1991 avec la chute du général Moussa Traoré et l’avènement de la démocratie.

Evitons de banaliser le sacrifice des martyrs de la démocratie

Le 26 mars est un héritage voire un patrimoine commun aux Maliens. Chacun est libre de célébrer cette date, comme il l’entend. Mais, dans le respect strict de l’esprit du combat héroïque du peuple et du sacrifice de nos martyrs. Mais, vu la situation actuelle du Mali qui n’est pas totalement à l’abri du chaos frôlé en 2012, est-il bien réfléchi de vouloir organiser une «Fête de la démocratie» pour célébrer quoi ou qui que ce soit ?

En tout cas, notre intime conviction est que «fêter» est l’un des mots que les Maliens doivent bannir aujourd’hui de leur vocabulaire. Et cela, parce que le Malien lambda vit dans une galère et dans une misère qui ont aujourd’hui dépassé les limites de l’imaginable. Ce n’est donc pas le moment de réjouissance, surtout que c’est un secret de polichinelle, que ce sont les deniers publics qui servent toujours à financer de telles actions. Tout comme cette initiative n’arrange pas l’image d’un président qui a déjà du mal à se départir de celle de «bourgeois» ou d’un «bon vivant» que lui reproche une grande partie de ses compatriotes.

Pour l’image du pays, nous ne pouvons pas tolérer que notre président vive comme un mendiant. Mais ce n’est pas pour autant que le peuple doit fermer les yeux sur son goût effréné pour le luxe et l’opulence. C’est dire que cette idée de «Fêter la démocratie» ne rend nullement service au président de la République, qui semble montrer les limites de sa capacité à gérer ce pays, comme l’espéraient les 77,6 % des Maliens qui avaient misé sur lui en 2013. Nous faisons malheureusement partie du lot.

C’est d’une autre forme de soutien dont il a besoin de nos jours pour soigner son image, en corrigeant ses erreurs. Et ce n’est que dans la réflexion et la consultation que cela est possible. Le 26 mars est une date symbolique qui aurait dû être mise à profit, par exemple par le Rpm et ses alliés politiques, pour organiser une large concertation nationale permettant d’ouvrir le débat sur la gouvernance actuelle du Mali. Qu’est-ce qui a été fait ? Qu’est-ce qui n’a pas été fait et qu’est-ce qui était programmé ? Qu’est-ce qui a marché ? Que faut-il poser aujourd’hui comme actes et réaliser comme actions pour qu’IBK puisse boucler son mandat en apothéose ? Autant de questions auxquelles cette concertation aurait pu apporter des réponses appropriées.

On n’abandonne pas son champion dans la difficulté. Mais on ne lui rend pas service non plus en le soutenant dans ses erreurs. Organiser une «Fête de la démocratie» en l’honneur d’un chef de l’Etat en lui attribuant des valeurs qu’il a cessé d’incarner depuis longtemps aux yeux de l’opinion nationale, c’est faire fi de la réalité et banaliser le sacrifice de nos martyrs. À part ses familles sociale et politique, très peu de gens sont aujourd’hui satisfaits de l’exercice du pouvoir par le locataire actuel de Koulouba, ou disons, de Sébénincoro.

Décadence des valeurs de la démocratie

Le mécontentement est tel que les valeurs que lui reconnaissent ses partisans peuvent paraître comme de la pure démagogie aux yeux de l’opinion. Il est vrai que les valeurs (démocratie, justice, égalité de chance, probité morale et rigueur dans la gestion des affaires publiques, culte du travail bien fait et de l’excellente…) pour lesquelles nos martyrs ont sacrifié leur vie, n’ont cessé de s’effriter avec les différents régimes «démocratiques» que nous avons connus de 1992 à nos jours. Mais leur décadence semble atteindre aujourd’hui le paroxysme depuis deux ans.

Ce n’est pas l’ignorance du Biprem en matière de l’organisation institutionnelle du pays qui blanchit le président de la République. Les motifs évoqués dans la plainte de cette organisation sont malheureusement réels. «Je ne suis pas associé à cette plainte ni à sa conception, mais je pense que les citoyens s’interrogent aujourd’hui sur la problématique de gestion du pays. Exiger la transparence et la rigueur des autorités élues, c’est une démarche qu’il faut soutenir», avait défendu Dr. Oumar Mariko du parti Sadi sur une radio internationale. Ce qui est le comble de désillusion pour ceux qui l’ont plébiscité en se fiant à sa détermination à bâtir un nouveau Mali, plus vertueux, plus prospère, plus uni. «Je ne crois pas avoir échoué», s’était défendu le président de la République dans un entretien publié dans un magazine panafricain en décembre 2015. Mais il n’a pas non plus réussi (pas encore) à redonner aux Maliens cette confiance et cet espoir perdus depuis des décennies. Pis, ceux-ci semblent de plus en plus désespérés de le voir s’embourber chaque jour davantage dans des considérations partisanes et politiciennes. Toute chose à l’abri de laquelle ses compatriotes l’avaient placé en votant massivement en sa faveur, sans distinction de chapelles politiques.

En bientôt trois de mandat, difficile de retenir de sa Présidence autre chose que les scandales liés à l’affaire de l’achat de matériels militaires, à l’affaire de l’avion présidentiel, à l’affaire Tomi, à l’affaire des mille tracteurs, au feuilleton des engrais frelatés… En agissant pas concrètement, le président prête le flanc aux critiques de son opposition et de l’opinion. Il est vrai qu’il avait décrété 2014, l’année de lutte contre la corruption et que plus de 200 dossiers ont été déposés devant les tribunaux. Mais, pour quel résultat ?

Kader TOE

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1 commentaire

  1. la fête de la démocratie exige la vérité pour l'honheur des martirs.ça ne doit pas ètre l'occasion pour d'autres soi disant démocrate pour abuser du peuple et avoir toujours des postes politiques pour manger immoralement. Est ce que cette révolution de mars 91 est réellement la faute du Généreal Moussa Traoré? Il faut que le président Alpha O Konaré nous dise pourquoi il a gracieu cet homme qu'on considère comme le responsable de tout ce massacre. Il y a vraiment une incohérence. Vive la verité pour l'honheur des martirs et le bonheur du peuple Malien. Vive la democratie comme socle de vérité pour le bonheur du peuple.Que Dieu benis le Mali dans la verité et maudit les indignes!

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