Choguel a longtemps hésité avant d’accepter le principe de l’interview, il en a mis davantage avant de nous fixer un rendez-vous ferme. C’est finalement après la fête que nous avons pu le rencontrer dans son champ à Baguinéda.
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rnL’endroit n’est pas à proprement caché parce qu’en fait de champ c’est plutôt une forteresse que les populations connaissent bien parce qu’appartenant, comme elles disent, à un nouveau riche. C’est sa femme qui nous reçoit et nous installe dans un immense salon d’où on peut apercevoir le fleuve. 3 minutes après qu’on ait fini de prendre le thé à la menthe qu’elle nous a servi, Choguel fait son apparition. Il n’était pas beau à voir : il marchait à pas pesants, il portait un habit froissé et des chaussures de couleurs différentes. Et pour ne rien arranger, il se laisse littéralement tomber dans le fauteuil qui, heureusement, était bourré plus que de raison.
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La Nouvelle République : Comment vous sentez vous ?
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Choguel Maïga : Comme quelqu’un à qui on vient de faire un coup d’Etat. J’exagère peut-être un peu mais c’est le sentiment que j’ai. Du jour au lendemain j’ai tout perdu : ma Mercedès qui me donnait l’impression d’être quelqu’un, mon garde du corps qui me protégeait, mon attaché qui faisait toutes mes courses et qui remplissait mes frigos de boissons, sans oublier mes nombreuses voitures de fonction pour moi, mes femmes et mes enfants.
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La Nouvelle République : On dirait que cela vous a rendu malade en plus
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Choguel Maïga : (Il nous montre deux flacons de valium 5 et tranxène 10). Cela vous suffit comme preuve. A l’annonce de la nouvelle, je suis tombé en transe, comme un possédé. Et je vous assure mes chers amis que ce ne fut pas facile pour le docteur de me maîtriser. Il m’a fait avaler du valium pour me calmer d’abord avant de pouvoir procéder à un diagnostic. Et depuis j’alterne le valium pour dormir et le tranxène pour calmer mes nerfs.
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La Nouvelle République : Tout ça parce qu’on vous a enlevé du gouvernement ?
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Choguel Maïga : ça se voit que vous ne savez pas de quoi vous parlez. Vous parlez du gouvernement comme si c’est quelque chose de pas important. Sachez que c’était tout pour moi, je ne vivais que par et pour le gouvernement. Avec ATT, j’ai eu l’occasion de squatter un poste que je ne méritais pas au regard du poids de mon parti ; avec lui, je comptais plus que le parti. Et puis j’en ai profité, ha oui qu’est-ce que j’en ai profité. Et puis tout d’un coup, je ne suis plus rien. (Un de ses portables se met à sonner et on entend Choguel se plaindre que la Mercedès n’est toujours pas venu le chercher alors qu’il doit accompagner le président de la République à l’aéroport). Vous voyez que je ne suis pas encore remis de mes émotions et je crois toujours que je suis ministre. J’allais oublier un point important : celle qui a été nommée ministre était dans mon cabinet et ATT lui-même ne voulait pas d’elle comme simple directrice. Et voilà qu’il la bombarde ministre, ce n’est pas un coup ça ? Et tout cela ressemble au moins à un coup de poignard.
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La Nouvelle République : On dirait que vous ne croyez pas en l’avenir.
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Choguel Maïga : Pour emprunter à notre défunt président du COPPO Almamy Sylla, mon avenir est derrière moi. Avec ATT, c’était l’impunité garantie pour tout et pour tous et vous pouvez me croire, on s’en est mis plein les poches. Au nom de son fameux consensus, on était devenu intouchables. Et puis on sentait bien que nous étions devenus aussi comme la caste des Intouchables de l’Inde, personne ne nous aimait vraiment et personne ne voulait nous approcher. Nous cela nous arrangeait parce qu’on ne pouvait pas partager avec les miséreux ce que nous amassions pour nous-mêmes. Sans oublier que personnellement je m’étais transformé en griot de ATT. Je me rappelle encore de la campagne, je me rappelle encore de mes propos sur le score nord-coréen de ATT (NDLR : Il avait déclaré que c’est par modestie que l’ADP s’était limité au 70%), sur les fiefs des opposants. Voilà que je suis presque réduit à me cacher à Baguineda. Je ne peux pas rester à Bamako et je ne peux pas partir à Ouatagouna.
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La Nouvelle République : Votre mot de la fin
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Choguel Maïga : Quelle fin ? Mais je suis fini moi. Je ne sais même pas si au sein de mon parti, les Tigres ne me feront pas la peau. Vous savez, entre Tigres, nous sommes impitoyables envers les faibles ou les puissants qui chutent. Mais je vais voir si je peux fructifier le commerce de mes boutiques de vente de céréales en attendant.
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