Le Prétoire : Le 29 avril 2012, le peuple malien ira aux urnes pour l’élection de son président. Vous êtes un des candidats à la course. Ne voyez vous pas que vous êtes jeune pour briguer la magistrature suprême?
Moussa Mara: Je respecte la condition d’âge pour prétendre à cette fonction. Je peux paraître jeune surtout face à la plupart des candidats, mais l’âge n’est pas gênant quand on dispose des qualités de base pour diriger le Mali, c’est-à-dire connaître et aimer le pays, avoir une ambition et une vision pour le pays, disposer des moyens, compétences, expériences et crédibilité pour conduire le peuple vers cet objectif et cette vision. J’estime que ma jeunesse est au contraire un avantage aujourd’hui car elle est synonyme d’une énergie et d’une grande capacité de travail, d’une plus grande disponibilité à l’égard de mes compatriotes, d’une plus grande ouverture d’esprit sur le monde et sur ses mutations dont la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de communication et d’une plus grande proximité avec la majorité de la population.
Depuis quelques semaines, vous portez à l’opinion nationale des propositions. Est-ce à dire que les précédents régimes successifs, de 1991 à nos jours, ont échoué ?
Les élections présidentielles ne se sont pas souvent jouées sur les idées et propositions, mais sur l’image et la qualité supposée des personnes. Nous souhaitons changer et ramener la politique malienne vers la normalité. Il est temps que les électeurs soient sensibilisés aux questions de programme et d’idées et qu’on les amène progressivement à comprendre ces questions pour engager une fois pour toutes le chemin de la citoyenneté et de la responsabilité populaire dans notre pays. C’est ce qui nous fonde à bien détailler notre programme et à le vulgariser progressivement afin que nos compatriotes l’appréhendent, le comprennent et le soutiennent.
Pouvez-vous dire concrètement pourquoi vous êtes pour le Code de la famille et de l’enfant, lequel Code soulève encore des divergences au sein de certaines organisations de la société civile?
Le texte dans sa mouture actuelle rejoint l’esprit de ce que doit être une règle publique, c’est à dire intégrer les orientations majeures des individus et de la société, les croyances et coutumes des individus et des sociétés pour tendre vers l’harmonie entre ce qui est légitime et ce qui est légal. Un texte ne doit pas contenir des dispositions contraires à la volonté populaire et aux acceptations de la masse, sinon il ne sera pas appliqué. Pire, il divisera la société. Le texte actuel intègre enfin ce fondement essentiel. Ensuite, il fait explicitement référence à nos valeurs fondamentales et religieuses, valeurs plus importantes pour les individus que les règles publiques mêmes les plus fondamentales, comme la Constitution de la République. Enfin, contrairement à ce que pensent certaines personnes, il est plus protecteur pour les femmes que le dispositif précédent. Sachons tous que le vrai enjeu de la promotion des femmes se trouve dans la santé, l’éducation, la formation, l’emploi; ce n’est pas dans une prétendue “égalité” décrétée et qui ne nous amène nulle part.
Peut-on savoir pourquoi il y a eu des démissions au sein de votre parti dans la Cité des rails ?
Yéléma est un parti ayant des idées fortes et qui adopte une façon différente de faire la politique. Nous privilégions les idées, l’honnêteté, la crédibilité des responsables, la vérité à porter à nos militants et le renforcement de leurs aptitudes à communiquer autour de ces valeurs. Cette façon de faire minimise l’argent et les faveurs autour desquels la politique est souvent exercée dans notre pays. Cela dévient donc difficile pour certains militants et responsables. Il faut mettre la démission de quelques cadres du parti à Kayes dans ce chapitre. Ils ont indiqué eux mêmes que le parti n’a pas de moyens et qu’ils préfèrent aller là où il y a de l’argent. L’état actuel de notre démocratie permet d’expliquer ce genre d’attitudes. Il nous reste à continuer à nous battre pour que l’argent et le matériel soient très minimes dans le choix des Maliens et dans la vie politique au Mali.
Que proposez-vous aux Maliens et Maliennes sur l’insécurité, si vous êtes élu à la tête du pays ?
L’insécurité présente plusieurs visages et plusieurs aspects en fonction de la zone du pays où vous vous situez. Dans les villes, notamment à Bamako, on ne fait pas face aux mêmes menaces qu’au Nord comme on le voit malheureusement aujourd’hui. La restauration de l’autorité de l’Etat, le fonctionnement strict de l’Etat conformément aux principes républicains, l’équipement et la ferme utilisation de nos forces de l’ordre, la collaboration avec les populations, notamment dans le cadre de la prévention, l’inviolabilité de notre territoire, l’intangibilité de nos frontières, le bannissement de tout particularisme régional sont, entre autres, des règles qu’il faut engager pour réduire de manière significative l’insécurité au Mali. Je vous renvoie au site du parti www.yelema.net où vous pourrez voir certaines de nos propositions relatives à ces différents thèmes.
Quelles sont les causes de votre départ des PUR ?
L’impréparation de nos différents appareils politiques, peut-être aussi une certaine immaturité à gérer des questions de leadership ont créé les conditions de divergences menant à la séparation entre Yéléma et certains de ses amis au sein des PUR. Nous estimons toutefois que l’alliance des PUR est une bonne initiative et nous souhaitons qu’elle puisse se poursuivre dans les années à venir. Il faut regarder de l’avant, franchir le cap des élections générales et regarder vers le futur.
Peut-on avoir une idée des stratégies que vous êtes en train de mettre en place pour conquérir la diaspora malienne ?
Notre candidature est bien soutenue à l’extérieur grâce à une plus grande visibilité avec l’évolution des technologies de communication. La diaspora appréhende nos idées et nos propositions et l’apprécie dans sa majorité. Nous allons continuer à l’associer à nos initiatives et à l’informer encore plus sur nos ambitions. Nous comptons engager une politique qui associera la protection (physique et juridique) de nos compatriotes à leur promotion dans toutes leurs initiatives. Nous comptons jeter les ponts entre les Maliens, au-delà de leurs pays de résidence, pour que les compétences et expériences des uns et des autres soient utilement mises à contribution au profit du pays. Dans tous les domaines, la diaspora peut être d’un bon apport. Sur le plan institutionnel, nous comptons créer une administration permanente en charge de la diaspora dont l’une des tâches premières sera d’effectuer un recensement exhaustif des Maliens de l’extérieur pour mieux les suivre, mieux travailler avec eux et mieux mettre l’Etat à leur service.
Que comptez-vous faire au cas où vous êtes élu pour restaurer l’ordre au sein de l’école ?
L’école est la menace principale pour notre pays. Elle bénéficiera d’une politique de redressement que nous concevrons en six mois et que nous soumettrons à referendum. Cette politique nécessitera 20 ans pour donner tous ses résultats, mais nous nous engageons à ce que chaque année soit meilleure que l’année précédente. Notre politique évoluera autour d’un triangle: 1) la gestion du flux en rapport avec la démographie et ses incidences à chaque niveau d’enseignement sur une période de 20 ans, 2) la question de l’école qui forme un citoyen connaissant et aimant son pays, 3) la question du Malien formé et qui multipliera ses chances de trouver un emploi. La politique sera articulée autour des 490 recommandations du forum sur l’éducation auxquelles nous ajouterons quelques idées complémentaires en terme d’intégration de l’école et du marché de l’emploi ou encore d’orientation plus précoce des enfants vers les formations techniques courtes.
De plus en plus les confessions religieuses s’intéressent à la chose politique. Votre avis ?
Je n’ai pas encore vu de parti dit religieux au Mali. Cela reste interdit et personne, y compris les leaders religieux, ne le contestent. En revanche, le fait que la plupart des leaders politiques estiment que nos valeurs traditionnelles et religieuses doivent être promues et soutenues comme des ferments de la société et des facteurs d’harmonie sociale, est plutôt une bonne chose. L’Etat ou la République sont au service de la société et des citoyens, pas le contraire. Nous devons tenir compte des valeurs de référence des citoyens, parmi lesquelles la religion est particulièrement importante. Les leaders religieux ne disent pas autre chose. Ils sont également dans leur rôle quand ils stigmatisent les dérives de la vie publique comme la corruption ou d’autres pratiques négatives. Cela est souhaitable car ils sont aussi des leaders de conscience qui ont le devoir de guider le citoyen vers des chemins d’harmonie, de progrès, des chemins souvent indiqués par les religions. Connaissons mieux nos religions et nous y verrons que ce ne sont pas seulement des outils de bonheur dans l’au-delà, mais surtout des facteurs de quiétude individuelle et collective ici bas!
Parmi vos propositions, vous aviez parlez de remettre de l’ordre dans l’implantation des maisons closes. Croyez-vous que cela est réalisable quand on sait que le phénomène de débauche à pris une proportion inquiétante dans notre pays ?
C’est absolument réalisable si on a la volonté politique pour le faire. Si cette politique est impulsée par les plus hautes autorités, comme nous allons le faire, il n’y a aucun doute qu’elle sera suivie d’effets car il ne s’agit ni plus ni moins que de faire appliquer des textes qui existent déjà.
Propos recueillis par Destin GNIMADI