Ajournées il y a deux semaines pour cause d’absence des ministres concernés, les séances d’interpellations sur la gestion des engrais, la sécurité alimentaire et les cartes d’identité biométriques ont eu droit au chapitre, jeudi, lors de la plénière de délibération consacrée à l’agenda législatif des députés. Les hostilités ont été ouvertes par un bras-de-fer très corsé entre le député Araba et le ministre de l’Agriculture, Nango Dembelé, au sujet de la problématique quasi insoluble de gestion des engrais. Après l’équivoque des ‘engrais frelatés’, la question des intrants a rebondi à l’Assemblée nationale sous un autre visage tout aussi complexe : celui des subventions que l’Etat accorde aux paysans en vue de booster la production agricole. Si les objectifs de campagnes sont relativement atteints, il n’en est pas de même de la gestion des intrants, à en croire le député, qui pense en avoir déceler des pratiques clair-obscures, de la corruption, de la magouille et de l’arnaque. Pour le mettre publiquement à nu, l’Honorable est passé par une kyrielle de questions relatives entre autres au nombre d’exploitations, aux montants prévisionnels selon les campagnes critères de choix des fournisseurs d’engrais, etc. Autant de questions dont les réponses ont permis de révéler l’étendue des superficies exploitées, leurs proportions pour chaque nature de spéculation (céréales, cultures de rente, etc.), le montant de la commande d’engrais pour la campagne en cours et sa répartition par spéculation et par région, entre autres. Ce n’est pas tout. Le ministre Nango Dembelé s’est en outre appesanti sur le mécanisme d’évaluation et d’identification des besoins intrants, de sélection des fournisseurs et de contrôle de qualité ainsi que sur la procédure d’attribution des commandes publiques dudit produit. Aucune déficience constatée en zone Cmdt et la qualité s’est beaucoup améliorée d’années en années, a soutenu le ministre sur le sujet, en révélant que le volume des commandes d’engrais de 2018 s’élèvent à plus de 48 milliards. Quant à l’accès des producteurs à la subvention, elle repose essentiellement sur la caution technique et passe par une méthode assez participative, a soutenu le ministre. Ses affirmations ont été battues en brèche sur toute la ligne par son vis-à-vis : d’abord par une protestation contre la prépondérance des cultures de rente sur les denrées de consommation dans la répartition d’engrais subventionnés par spéculation, ensuite par une contestation des proportions de subventions qui n’atteignent guère les 50% annoncés avec les fluctuations de prix.
Le député élu à Koutiala dénonce par ailleurs une complaisance évidence dans l’attribution des marchés d’engrais en relevant les cas de fournisseurs en contentieux avec l’Etat et pris en défaut pour fraude ou manquement à leurs obligations contractuelles. Pendant ce temps, plaide-t-il, d’honnêtes soumissionnaires aux marchés sont arbitrairement éliminés et font les frais de leur endettement auprès des banques avec le risque d’être dépossédés de leur unique maison pour certains. De là à remettre en cause la sincérité des marchés d’engrais et là moralités des dépenses publiques y afférentes, il n’y a qu’un pas aussitôt franchi par l’interlocuteur de M. Nango, qui soupçonne notamment une violation des principes aux fins des prébendes claniques.
L’autre dossier ayant polarisé l’intérêt parlementaire, c’est la confusion autour du marché de fourniture de la carte d’identité biométrique Cedeao couplée à l’AMO. Après avoir longtemps alimenté la polémique, la question a connu un retentissement à l’hémicycle où elle est portée par le député de l’opposition Oumar Mariko à travers une interpellation du ministre en charge de la sécurité. En cause, la suspension unilatérale de la procédure de passation du marché ayant régulièrement fait l’objet d’appel d’offres suite à laquelle l’entreprise Cissé Technologie a été retenue comme adjudicataire provisoire. Les manœuvres mercantiles qui paraissent entourer le dossier n’ont guère échapper à la vigilance du député élu à Kolondieba qui, face au ministre, s’est étonné d’un intrigant arrêt de la procédure au moment où le fournisseur retenu a accepté les conditions du gouvernement sur le prix et en dépit des multiples avantages économiques et fonctionnels liés à l’identification des citoyens au moyen des cartes biométriques proposées par Cissé Technologie. Aux yeux du représentant de la Nation, en effet, le prix de cession (6000 francs par carte) d’un document susceptible de servir de pièce d’identité, de cartes médical, bancaire et d’électeur, l’offre financière aux yeux du représentant de la Nation, ne saurait être l’unique motif d’annulation de procédure, au mépris de l’avis de la justice, de l’autorité de régulation des marchés et même du chef du Gouvernement. «Qui tire les ficelles ? », s’est interrogé en définitive le député devant la persistance du ministre à vouloir démontrer qu’un désaccord sur le prix est la cause exclusive de l’arrêt de la procédure. L’échange entre les deux hommes s’est achevé sans lever les nombreuses équivoques qui entourent un dossier en passe de s’engluer dans une saga judiciaire, avec tout ce qu’il recèle de traces administratives défavorables à l’Etat malien. Au nombre desquelles figurent des correspondances et même des instructions dans le sens d’une attribution définitive du marché à Cissé Technologie. En attendant, le feuilleton parlementaire ouvert par Oumar Mariko connaîtra d’autres épisodes avec l’interpellation d’autres ministres concernés par le même dossier.
A Keïta