Institution des autorités intérimaires, une violation de la loi fondamentale Les arguments Juridiques du COPPO

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De G à D : Daouda Touré et Boubacar Karamogo Coulibaly (au milieu), et Djiguiba Keita du parti Parena, pendant la conférence de presse commune des partis maliens d'opposition le 13 avril à Bamako. © RFI/David Baché

Le Collectif des partis politiques de l’Opposition a animé  une conférence de presse à la Maison de la Presse. L’ordre du jour portait sur la violation de la loi fondamentale par la majorité présidentielle. Voici la déclaration liminaire dudit collectif.

 EXPOSE  LIMINAIRE 

Mesdames et messieurs les journalistes et hommes de médias,

Camarades militants et sympathisants des partis membres de l’opposition,

 

Fidèles à son devoir d’informer l’opinion nationale et internationale sur les questions d’intérêt national, les partis membres de l’Opposition Républicaine et Démocratique vous remercient vivement d’avoir répondu à leur invitation pour partager avec vous  les quelques sujets qui les préoccupent sérieusement.

 

1- Sur le cadre de concertation Opposition/ Majorité

Vers la fin du dernier trimestre de l’année 2015, l’Opposition et la Majorité avaient projeté de se rencontrer dans le cadre d’un dialogue permanent afin de proposer des solutions aux préoccupations des maliens. Cette nouvelle, largement commentée dans les colonnes de vos journaux et sur les antennes de vos radios, a été perçue par nos compatriotes comme une démarche républicaine porteuse d’espoir. C’est pourquoi la rencontre du 2 décembre 2015 entre l’Opposition et la Majorité avait conclu à l’introduction dans l’ordre du jour proposé de la question vitale de la gouvernance dans notre pays. Compte tenu du fait que la majorité présidentielle n’était pas suffisamment préparée, les débats ont été reportés. Les différentes dates proposées n’ont pu être respectées du fait de la non disponibilité des uns et des autres.

Le 28 février 2016, à l’initiative de l’opposition politique, une rencontre a regroupé la classe politique, la société civile et les groupes armés. Cette réunion a décidé de la création d’un mécanisme de suivi des engagements des signataires dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix issu du processus d’Alger. Le Président de la Majorité a été chargé de la coordination de ce mécanisme.

Depuis le 2 décembre 2015 nous sommes dans l’attente du démarrage du dialogue républicain.

Dans cette attente nous avons été désagréablement surpris, comme vous d’ailleurs, d’entendre le secrétaire général du principal parti de la majorité présidentielle, le RPM, accuser publiquement vers fin mars l’opposition politique d’être entrain de préparer “un coup d’Etat contre le Président de la République et les institutions pour le 26 mars 2016.”

Ces gravissimes accusations constituent une sérieuse entorse au dialogue républicain que nous voulons instaurer et un danger pour la paix et la quiétude de notre pays si durement éprouvé depuis 2012.

Nous avons écrit au Président de la majorité présidentielle pour nous indigner de cette attitude inadmissible du secrétaire général du RPM et avons conditionné la reprise du dialogue à l’administration de la preuve du complot et de l’identification de ses auteurs par l’accusateur, ou, à défaut, la présentation d’excuses publiques à l’opposition politique qui, au demeurant, ne s’est jamais départie de son attitude légaliste, républicaine et démocratique notamment durant les heures sombres de 2012, où, on s’en souvient comme si c’était hier, elle s’est montrée anti putschiste jusqu’au bout des ongles, au moment où ceux qui siègent à Koulouba se sont totalement confondus et compromis avec les auteurs du coup d’Etat le plus stupide au monde.

 

2- Sur la saisine de la cour constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité

Mesdames et Messieurs les journalistes et hommes de médias,

Le 31 mars 2016, l’Assemblée Nationale du Mali a adopté la loi portant modification du code des collectivités pour y introduire l’institution des autorités intérimaires dans toutes les régions du nord de notre pays.

 

A la veille de cette délibération, nous vous avons entretenu dans cette même salle sur les dangers de cette modification du code des collectivités sur l’unité de notre nation. Nos députés ont relayé nos inquiétudes lors des débats à l’Assemblée Nationale dans des conditions parfois qui frisent l’indignité. Ils étaient obligés de quitter la salle par ce qu’on leur a refusé la parole. La loi a été finalement adoptée avec des atteintes graves à la constitution de notre pays, et en ayant en son sein les germes de la partition du Mali dont la parfaite illustration est l’attribution d’un statut particulier aux régions du Nord.

 

Nous considérons que les articles 11 (nouveau), 12 (nouveau), 86 (nouveau), 87 (nouveau), 152 (nouveau) et 153 (nouveau) violent le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 98 de la Constitution ; nous considérons que l’article 86 (nouveau) viole l’article 70 de la Constitution ; nous considérons également que la loi a été adoptée en violation de l’article 99, alinéa 3 de la Constitution.   

Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est posé par l’article 98 de la Constitution qui dispose : « Les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et dans les  conditions fixées par la loi. »

 

Le droit positif malien retient ce principe à travers les articles 204 et 206 de la loi N°06-044 du 4 septembre 2006 portant loi électorale modifiée.

L’article 204 dispose : « En cas de vacance pour quelque cause que ce soit, d’un siège de conseiller communal, le candidat venant sur la liste immédiatement après le dernier élu est appelé à occuper le siège vacant. Il est procédé ainsi jusqu’à épuisement de la liste. Dans ce dernier cas, il y a lieu à élection partielle, sauf si la vacance intervient dans les douze (12) derniers mois du mandat communal» ; et l’article 206 (Loi 014-053) ajoute : « En cas de vacance d’un siège de conseiller de cercle, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à une élection partielle au sein du conseil communal pour pourvoir au siège vacant conformément aux dispositions du code des collectivités territoriales. En cas de vacance d’un siège de conseiller régional ou du District, le candidat venant sur la liste immédiatement après le dernier élu est appelé à occuper le siège vacant. Il est procédé ainsi jusqu’à épuisement de la liste. Dans ce dernier cas, il y a lieu à élection partielle, sauf si la vacance intervient dans les douze (12) derniers mois du mandat.»

Ces dispositions permettent la prise en charge de toutes les éventualités mises en avant pour justifier l’institution des autorités intérimaires.

Prescrire dans la loi le remplacement de conseils élus  par des organes   dont les membres sont nommés par le Pouvoir central consacre une mise en cause du principe de libre administration  par le législateur au profit de la déconcentration.

En le faisant, il est évident que le législateur a mis en cause le principe de libre administration, donc a violé la Constitution.

Le fait d’avoir substitué  les autorités intérimaires aux délégations spéciales de la loi en vigueur ne saurait valablement faire obstacle à la déclaration d’inconstitutionnalité des nouvelles dispositions instituant les autorités intérimaires en ce qu’il est constant qu’une disposition inconstitutionnelle dont il n’a pas été demandé au  juge de déclarer la non-conformité à la Constitution se maintient dans le droit positif.

Sur un plan purement formel, en application de l’article 99 de la constitution, le Gouvernement devait saisir pour avis le Haut Conseil des collectivités territoriales. Cela n’a pas été le cas, le ministre l’a reconnu à l’Assemblée Nationale lors du vote de la loi.

Voilà entre autres raisons qui nous ont amené à saisir, à travers nos députés du groupe parlementaire VRD, la cour constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité de la loi adoptée le 31 mars 2016. Nous attendons la suite de cette action.

3- Sur le départ de nos représentants de la salle de réunion du cadre de concertation Ministre de l’Administration Territoriale / Présidents des partis politiques le 12 avril 2016

L’ordre du jour de la réunion du mardi, 12 avril 2016 concernait le projet de relecture de la loi électorale, de la charte des partis, l’agenda et le chronogramme des élections etc… Cet ordre du jour démontre éloquemment le refus du gouvernement de tirer les leçons des tentatives antérieures d’organiser les communales et les régionales en faisant fi de la situation sécuritaire générale du pays et des engagements qu’il a pris dans le cadre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

Ce constat dénote la politique de fuite en avant qui caractérise l’action gouvernementale au Mali depuis deux ans et demi.

L’ordre du jour de cette réunion montre à suffisance l’incapacité du Gouvernement à avoir une vision d’ensemble des questions institutionnelles et électorales.

C’est pourquoi les partis politiques de l’opposition républicaine et démocratique

ont décidé solennellement qu’à partir d’hier , ils n’accepteront plus de s’associer à une quelconque concertation qui ne prend pas en compte les vrais problèmes politiques et institutionnels du pays.

Dix mois après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, le gouvernement est toujours au stade de tâtonnement et de tergiversation là où  il a pris des engagements explicites pour:

– l’adoption de textes réglementaires, législatifs voire constitutionnels,

– la révision de la loi électorale de manière à assurer la tenue d’élections au niveau local, régional et national permettant la mise en place et le fonctionnement du nouveau cadre institutionnel prévu par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger

(cf l’annexe 1).

Par ailleurs, les partis politiques de l’opposition républicaine et démocratique exigent :

  • la résolution immédiate des questions relatives aux 900 000 cartes NINA qui, selon le Vérificateur Général, sont de trop ;
  • l’introduction de la biométrie dans le système électoral comme c’est le cas dans la plupart de nos pays voisins.

En conséquence, nous avons annoncé à Monsieur le Ministre que nous quittons le Cadre de concertation qu’il préside pour  y revenir le jour où les questions institutionnelles, politiques et électorales seront mises à discussion dans une vision globale.

Une déclaration écrite lui a été remise dans ce sens.

 

4- Sur l’organisation d’une marche de l’opposition politique

Mesdames et Messieurs les journalistes et hommes de médias,

Nous avons alerté ! Oui nous  avons dénoncé toutes les dérives qui ont caractérisé la Gouvernance de notre pays ! Nous avons été traités de tous les noms d’oiseaux ! Notre pays souffre! Les espoirs s’effritent !  

  Ce tableau catastrophique de notre pays ne doit pas nous faire perdre de vue que notre peuple aspire à la paix, à la quiétude dans la solidarité  et le partage. C’est pourquoi nous invitons les Maliennes et les Maliens à une marche le samedi 23 avril à partir de 09heures pour non seulement dénoncer les dérives du régime, donc contre :

  • La mauvaise gestion du Nord
  • Les autorités intérimaires
  • La mauvaise gouvernance
  • La corruption généralisée
  • La dilapidation de nos maigres ressources
  • L’arrogance et le mépris, mais aussi et surtout pour exiger la paix la quiétude dans un Mali uni et prospère.

TOUS POUR LE MALI !

Je vous remercie.

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