La Loi électorale N°06-044 du 04 septembre 2006 et le décret N°06-568/P-RM du 29 décembre de la même année ont été adoptés pour écarter les candidatures indépendantes, farfelues et fantaisistes à l’élection présidentielle réservée aux seuls politiciens de métier, favorisés par le système. Une élection présidentielle est une chose trop sérieuse, estime le pouvoir, pour permettre à n’importe quel individu de perturber la «Cour des grands».
Tous les Maliens ne se valent pas
Parce que tous les Maliens ne se valent pas, pour aspirer à la magistrature suprême, il faut d’abord avoir les moyens de rembourser au trésor public ce qu’on a dérobé d’une manière ou d’une autre. A savoir la rondelette somme de dix millions de Fcfa. Pour brouiller les pistes et amuser la galerie, beaucoup de candidats font croire qu’ils ne disposeraient pas de ce montant, aussi mobilisent-ils des militants et sympathisants qui consentent à investir cette somme en vue d’éventuelles contreparties. Au cas où…Un de ces candidats mystificateurs sur lequel des militants ont investi, mais qui a la réputation, non volée, d’être très riche, promet monts et merveilles aux enfants des victimes du Mnla, en cette saison des promesses électoralistes. Mais paradoxalement, notre candidat est incapable de s’acquitter de deux, voire trois mois d’arriérés de salaires qu’il doit aux travailleurs de deux de ses sociétés. Pire, ceux qui s’aventurent à hausser le ton sont congédiés sans indemnités et sans aucune autre forme de procès. Parce que toutes les morales ne se valent pas.
Tous les élus ne se valent pas
Tous les élus non plus ne se valent pas. Ainsi, le gouvernement, qui ne rate jamais une occasion pour faire adopter des LGR (Lois génératrices de revenus), impose aux candidats d’avoir des «souteneurs» officiels. Ceux-ci doivent être élus soit à l’Assemblée nationale soit dans une commune. Au choix, le candidat doit recueillir la signature de 10 députés ou de 45 conseillers communaux (soit 5 édiles dans chacune des 8 régions et autant dans le district de Bamako. Autrement dit, 01 député est égal à 4,5 conseillers communaux.
On pourrait croire que cette mesure gouvernementale défavoriserait les candidats qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale ou qui ne comptent pas de conseillers communaux dans leurs rangs. Erreur, pour une fois, tous les partis se valent : depuis quelque temps, ils ont lancé des OPV (Offres publiques de vente) en réponse aux OPA (Offres publiques d’achat) de signatures des prétentieux à la couronne d’ATT.
Les plus gros pourvoyeurs de «souteneurs» officiels seraient connus de même que les mises à prix. Ainsi, le député serait «vendu» entre 1,5 et 2 millions de Fcfa contre 300 000 à 500 000 Fcfa pour le conseiller communal. Les 10 députés parrains souteneurs signataires coûteraient entre 15 et 20 millions à un candidat ; les 45 conseillers parrains souteneurs signataires, entre 13 500 000 et 42 500 000 Fcfa. Les transactions se feraient sous le manteau et la morale est sauve.
Ce qui n’est pas le cas pour les électeurs qu’on «achète» le jour du vote. Payés entre 1000 et 2000 Fcfa, ils sont transportés par cargaison de «sotrama» au vu et au su de tout le monde.
Que ce soit de la part des élus qui font valider les candidatures ou de celle des électeurs faiseurs de roi, le choix n’est pas fait sur la base d’un programme de société ou d’un projet de gouvernement, mais est facteur des moyens dont dispose le candidat.
Mais qu’il soit défalqué en public ou en privé, à tous les niveaux l’argent est roi. Pour faire valider sa candidature, il faut payer des élus dont personne n’ignore comment ils ont eux-mêmes été élus. Pour battre campagne, il faut de l’argent dont personne n’ignore comment il a été acquis. Pour monter sur la plus haute marche, il faut payer encore plus. Ce qui enlève toute universalité au suffrage censé être l’expression de la volonté populaire.
Normal alors qu’une fois élu, l’on fasse des pieds et des mains pour s’assurer un retour sur investissement.
La Loiélectorale N°06-044 du 04 septembre 2006 et le décret N°06-568/P-RM du 29 décembre 2006 sont censés être des garde-fous. Et en effet, ils le sont contre les « fous» pauvres qui n’ont pas les moyens de se frotter aux «grands» et quela Loi tiendra toujours à l’écart.
Cheick Tandina