Si l’intervention militaire français «Serval» du 11 janvier dernier a permis de soustraire le Mali des griffes des terroristes et de ramener la sécurité dans les régions du Nord, sur le plan politique, le pays est toujours confronté à un avenir incertain, surtout avec l’arrestation de notre confrère Boukary Daou qui a soulevé des tollés au sein de l’opinion nationale et internationale relatifs à l’immixtion répétée des putschistes de Kati dans les affaires politiques du pays.
Si tout le monde s’accorde à dire qu’il faut des élections pour sortir le pays de cette impasse qu’il traverse depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, dans le fond, les choses ne semblent pas bouger comme il se doit. Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que ce n’est que par le biais d’élections, ni par l’installation d’un pouvoir légitime, que le pays peut trouver une solution à la crise qu’il traverse. C’est probablement pour rappeler ces évidences au Président Dioncounda Traoré et au Premier ministre Diango Cissoko que lors de son séjour à Ouagadougou après l’étape de Bamako, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a exhorté les autorités à organiser comme prévu une élection présidentielle en juillet. «Il faut que les élections se tiennent dans le mois de juillet, du moins les élections présidentielles», a-t-il déclaré à l’issue d’un entretien avec le Président burkinabé, Blaise Compaoré. Pour Dioncounda Traoré et Diango Cissoko, il n’est donc pas question de maintenir le statu quo afin de rester au pouvoir, comme certains acteurs politiques les soupçonnent d’ailleurs de vouloir le faire. Mais ce qui fâche, c’est l’immixtion incessante des militaires dans la vie politique depuis le coup de force du 22 mars 2012.
Dialogue et réconciliation : la pomme de discorde
La France, qui commence à se rendre compte de la détermination des terroristes à lui résister, ne semble pas également avoir apprécié le fait que le Président Traoré n’ait pas initié un dialogue avec les rebelles du MNLA, surtout après les mandats d’arrêts internationaux lancés contre certains responsables de ce mouvement. Le constat a d’ailleurs contraint Jean-Yves Le Drian à rappeler les autorités maliennes à l’ordre et à leur demander d’installer la Commission dialogue et réconciliation officiellement créée cette semaine. «Il faut que parallèlement, la réconciliation et le dialogue aient lieu…C’est de la responsabilité et de l’initiative du gouvernement malien. L’initiative a été prise mercredi avec la création d’une Commission dialogue et réconciliation (CDR). Il faut maintenant qu’elle se mette en place», a insisté le responsable français qui ajoute : «C’est dans ce cadre-là que la réconciliation et l’unité du Mali devront se mettre en œuvre».
Si, à travers la déclaration de M. Le Drian, il apparaît évident que la France cherche à se désengager le plus tôt possible du Sahel afin d’en sortir la tête haute, des spécialistes de la région pensent que ce serait une erreur de sa part de partir avant que le Mali n’ait trouvé des solutions durables à ses problèmes politiques. Dans un Mali au nationalisme sourcilleux, la France marche sur des œufs tant dans la question touarègue que dans celle des élections. À trop s’investir, elle pourrait vite ruiner le crédit gagné ces derniers mois les armes à la main et cela, personne ne l’ignore. «Nous sommes acteur dans le militaire, mais nous ne sommes que conseiller dans le domaine de la démocratie», a rappelé Le Drian.
Avec l’appui de l’Union européenne, la France s’active aussi pour former l’armée malienne et déployer des troupes africaines capables de la remplacer. Cette force verra le jour dans le cadre de l’ONU. Les contours de la future MINUMA restent flous, tout comme le rôle que Paris pourrait y tenir. C’est alors seulement que l’armée française pourra se retirer. «Pour l’instant, il n’y a pas de date. Cela se fera de manière pragmatique, en fonction de la situation sur le terrain», explique un officier. Bref, le problème malien reste encore entier.
Gare donc aux fausses solutions !
Paul N’Guessan