Les présidents Emmanuel Macron et Ibrahim Boubacar Keïta ont rendu un hommage émouvant aux héros africains qui se sont battus pour la France pendant la première guerre mondiale. Cent ans après l’armistice de 1918, les deux chefs d’Etat ont inauguré le mardi 6 novembre dernier à Reims, dans l’est de la France, un monument en bronze, dédié à l’armée coloniale. Détruit par les nazis lors de la seconde guerre mondiale puis refait, il a été installé dans le parc de Champagne depuis 2013 et il n’avait pas encore été inauguré. Il a son statut jumeau à Bamako sur la Place de la Liberté, sculpté par Moreau Vauthier et inauguré depuis le 10 janvier 1924.
En effet, l’histoire nous apprend qu’en 1924, deux monuments sculptés par Moreau Vauthier, furent érigés à Reims et à Bamako pour honorer l’armée noire, les tirailleurs Sénégalais, qui se sont battus pour la libération de la France lors de la première guerre mondiale. Celui qui avait été construit à Reims pour rappeler le sacrifice des soldats noirs fut démonté et détruit pendant la seconde guerre mondiale sous l’occupation allemande.
Par respect aux troupes africaines des anciennes colonies, morts pour la France et pour les nouvelles générations, un autre monument a vu le jour en remplacement de l’original. Il est installé depuis le 9 novembre 2013 au parc de champagne à Reims.
L’inauguration de ce monument par les deux présidents est donc un événement historique marquant un lien fort entre la France et ses anciennes colonies africaines. Une reconnaissance du mérite aux troupes africaines qui ont payé un lourd tribut pour la défense de la France.
« Merci à la France et à son peuple pour ce sens si aigu de l’histoire. Un merci sincère et profond à vous, monsieur le président, pour l’élégance et la tranquille sérénité avec laquelle vous incarnez et assumez cette histoire. Un merci sincère, profond et tout simplement chaleureux à la population de cette grande et belle ville de Reims, solidement construite, qui porte si fièrement le sceau de l’histoire, de la grande histoire », a déclaré le président Ibrahim Boubacar Keita lors de son intervention.
« Cité des sacres, cité des rois, Reims, lieu de brassage et carrefour de tant de marqueurs de l’histoire de l’humanité, porte l’empreinte de bien de grandes civilisations. Dans cette ville, déjà capitale de Rome au deuxième siècle avant notre ère, l’on innova dans l’enseignement du dessin, des mathématiques, de l’anatomie, de la chimie et je pourrais poursuivre l’interminable liste. Dans une dimension différente, peut-être un peu moins prestigieuse pour vous, mais combien importante pour mon pays et pour le peuple malien, l’université de Reims Champagne-Ardennes, est le creuset formateur d’une élite de qualité de par la France, de par le monde. Nombre de cadres, parmi les meilleurs de mon pays, y ont été formés et pour faire simple, je vous dirai que deux des anciens Premiers ministres du Mali sont sortis de cette université », a-t-il rappelé. Avant d’expliquer le message que Moreau Vauthier, soldat de la première guerre mondiale, survivant de Verdun et sculpteur d’exception, a laissé pour les nouvelles générations à travers ces deux monuments. Il le traduit en trois mots simples : solidarité, discipline et loyauté.
Pour IBK, sa représentation d’un chef blanc à la tête des combattants noirs n’avait rien de suprématiste car le soldat-sculpteur a voulu signifier qu’au front où l’ennemi était en face, identifiable et traçable et où il s’agissait de tuer ou de mourir, ceux du même camp n’avaient d’autre salut que de s’accepter, de s’aimer, de s’aider l’un, l’autre et de braver la mort l’un, pour que l’autre survive quand la survie n’était pas possible pour tous deux.
A en croire le président IBK, un tel esprit de sacrifice demandait de nouveaux éléments de langage en lieu et place des clichés réducteurs tels que « soldat inconnu », « tirailleur sénégalais», etc.
« Recruté par réquisition plutôt que par conscription, il n’avait rien de commun avec le tireur maladroit que la légende sectaire de l’après-guerre a tenté de dépeindre. Les batailles épiques de Fort-Douaumont, de Verdun, des Dardanelles et plus tard, de Bir-Hakeim, de Provence en sont la bonne preuve. Et des bataillons entiers ont été décorés de la Croix de guerre, en se distinguant sur les champs de bataille, en luttant jusqu’au dernier souffle et parfois, en perdant au cours d’une seule bataille plus du millier d’hommes…Ce sont ces héros que Paul Moreau-Vauthier a honorés à Reims comme à Bamako », a précisé le président IBK.
La France et le Mali unis par l’histoire
Le président IBK a rappelé une autre dimension de l’histoire, cette fois-ci récente, qui tisse un lien fort entre les deux pays. Il s’agit de l’intervention que la France a menée au Mali en 2012 pour stopper l’avancée des groupes terroristes du septentrion malien vers la capitale.
«Lorsque le Mali a été agressé en 2012 et qu’il a été rapidement annexé aux deux–tiers par des forces djihadistes, c’est la France qui, la première, s’est portée à son secours, entraînant dans son sillage, de nombreuses autres nations. Le 11 janvier 2013, les autorités politiques françaises, sans perdre de temps, ont lancé au Mali, l’Opération Serval, aujourd’hui remplacée par l’Opération Barkhane qui épargna alors à notre nation et à notre peuple, une tragédie que nous n’osons toujours pas imaginer », a-t-il laissé entendre. Avant de rendre hommage au Lieutenant Damien Boiteux, pilote d’hélicoptère, membre des forces spéciales françaises, premier élément de l’armée française tombé à Konna, ainsi qu’à tous les militaires tombés au front pour le Mali.
Moussa Sékou Diaby