Se faire passer pour le chef en lieu et place du chef, Docteur Ibrahima Ainéa Camara l’a fait. Et il ne s’est pas seulement contenté de s’autoproclamer président de la Transition du Mali. Il a osé saisir la Cour constitutionnelle par exploit d’huissier pour inviter cette institution à constater la vacance du pouvoir. Il avait donc son plan à exécuter. Mais en connivence avec qui ? Là gît le mystère à élucider par les enquêtes ouvertes.
Il avait pourtant averti de ne plus reconnaître les autorités de la Transition à partir du 27 février. Mais personne ne le prenait au sérieux. Ses déclarations tonitruantes étaient lues en riant sous cape, tant elles avaient tout l’air d’un bluff, disons d’une stratégie politique d’un jeune politicard en mal de popularité et qui agissait ainsi pour attirer l’attention sur lui. Faire le “buzz”, comme on le dit actuellement. C’est dire que personne ne le prenait au sérieux jusqu’à ce jour où les Maliens apprennent qu’il s’est autoproclamé chef d’un nouveau gouvernement chargé désormais de conduire la transition au Mali. Il a donc mis sa menace à exécution, même s’il a pris le soin d’aller se réfugier en Côte d’Ivoire pour faire cette déclaration.
Il a donc osé. Naturellement, la réaction des autorités de la Transition n’a pas tardé et une enquête a été ouverte par la justice parce qu’il venait de poser ainsi un acte jugé très grave, considéré comme de la subversion pour déstabiliser l’Etat.
Mais les Maliens doivent comprendre que le président du Mouvement Républicain (MR), Ainéa Camara, avant de commettre son crime de lèse-majesté en terre ivoirienne, avait aussi osé saisir la Cour constitutionnelle aux fins d’un constat de vacance du pouvoir.
En effet, par requête en date du 03 mars 2022, transmise à la Cour Constitutionnelle le 04 mars 2022 par Maître Mohamed SANOGO, Huissier – Commissaire de justice à Bamako, enregistrée au Greffe de la Cour sous le n°004 du 08 mars 2022, Docteur Ainea Ibrahim Camara, président du parti politique Mouvement Républicain, saisissait la Cour constitutionnelle, en constatation de la vacance des autorités de la Transition.
Selon les termes de sa requête, au soutien de ses prétentions, Docteur Ainea Ibrahim Camara invoque l’expiration du mandat des autorités de la Transition à la date du 27 février 2022 et sa non prorogation par la Cour constitutionnelle, un vide constitutionnel, la volonté du Gouvernement de Transition de proroger de cinq (05) ans la durée de la Transition, le rejet par la Cédéao de cette prorogation, suivi de sévères sanctions à l’encontre du peuple malien et la violation des articles 4, 22, 24 et 32 de la Constitution.
La Cour constitutionnelle a statué sur cette requête et après en avoir délibéré, l’a déclarée irrecevable comme le précise l’Arrêt rendu à cet effet, sous le N°2022-02/CC du 09 mars 2022. La Cour considérant, après avoir procédé à l’analyse combinée des articles 36, 85, 86, 87, 88 et 90 de la Constitution du 25 février 1992 et des articles 25 à 55 de la Loi n°97-010 déterminant le champ de compétences de la Cour constitutionnelle, ainsi que les Institutions et personnes physiques ou morales pouvant saisir ladite Cour, que le requérant ne fait pas partie des personnes légalement habilitées à saisir la Cour constitutionnelle en matière de constatation de vacance. Qu’il y a, dès lors, lieu de déclarer sa requête irrecevable.
C’est sur cette base qu’en la forme, la Cour constitutionnelle déclare la requête irrecevable pour défaut de qualité du requérant et a ordonné qu’on lui notifie l’Arrêt et de procéder à sa publication au Journal officiel.
Mais cela n’a pas refroidi ses ardeurs et comme on le voit, l’affaire Ainéa Ibrahima Camara ne relève pas d’un jeu, disons de l’amusement, parce qu’il était en train de dérouler tout un plan dont le dernier acte est sa déclaration d’être Chérif à la place du Chérif. Les services en charge de la sécurité de l’Etat devaient donc le voir venir pour en arriver à cette situation, surtout que dans ses déclarations, il donnait l’impression de ne pas être seul dans sa tentative. Il avait même promis une liste de membres de son gouvernement. Il ne pourrait donc s’agir d’un acte isolé. Où sont les autres ? Que sont-ils devenus ? S’ils étaient convaincus de leur démarche et de leurs prétentions, pourquoi ne les ont-ils pas défendues ? Là, gît tout l’intérêt de l’enquête ouverte parce que, apparemment, Ainéa Ibrahim Camara n’aurait pas posé ces actes sur un coup de tête, tout seul.
A.B.N.