Ibrahim Boubacar Keïta à l’Élysée : quand Paris peine à placer le curseur politique

9

Malgré une rencontre fructueuse avec Emmanuel Macron, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta a quitté Paris un brin perplexe. A quelques mois d’un présidentielle qui s’annonce disputée, l’hôte du palais de Koulouba, qui avait prévenu très tôt ses interlocuteurs français qu’il ne serait pas leur “gouverneur”, goûte peu l’« IBK bashing » des cercles parisiens…

Édito. C’est une sorte de club où la familiarité vous colle à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock. Un petit gotha d’entre-soi au sein duquel, à peine élu, Emmanuel Macron a naturellement trouvé sa place. Et peu importe si « le monde d’hier » y règne encore en maître.

Comme, avant lui, Chirac, Sarkozy et Hollande, le locataire de l’Élysée navigue dans l’univers frNançafricain comme un tilapia dans l’eau. Il tutoie et appelle par leurs prénoms ses pairs subsahariens avec une nette prédilection pour ceux d’Afrique de l’Ouest, échange avec eux des SMS, se montre volontiers tactile et – en tête à tête – souvent compréhensif et solidaire quand ces derniers évoquent, par exemple, leurs échéances électorales. Ainsi vont les règles du club.

Littérature, politique et sécurité
Effet garanti : Macky, Alassane, Alpha, Mahamadou, Ibrahim, Idriss, Roch, George et les autres ressortent tous ravis et séduits de leurs entretiens avec un président « results-oriented », compact, attentif, qui tranche et décide – ou à tout le moins leur en donne l’impression, la netteté du choix l’emportant parfois sur son contenu réel –, le tout sans une once d’ingérence déplacée.

Impressionnés, donc, mais aussi, occasionnellement, un peu désorientés. Prenons le cas du Malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), accueilli à l’Élysée le 19 février et qui me reçoit le surlendemain dans sa suite du Mandarin oriental. Avec Macron, l’échange s’est très bien passé, et pas seulement celui des citations entre ces deux férus de littérature française, Montherlant et Michelet (IBK) versus Char et Bernanos.

De quoi ont-ils parlé ? De sécurité d’abord, de cette opération Koufra qui se poursuit dans le Nord-Est, dont l’objectif est d’éradiquer les jihadistes de l’ennemi public numéro un, Iyad Ag Ghaly : 23 « cibles » abattues en une seule nuit, à la mi-février, à moins d’un kilomètre de la frontière algérienne – un raid qui a fait sérieusement grincer des dents du côté d’El-Mouradia.

De la conférence de Bruxelles sur le Sahel ensuite (qui s’est tenue quatre jours plus tard et à laquelle les deux hommes d’État ont participé), sommet dont Emmanuel Macron attendait beaucoup en matière de mutualisation des efforts financiers et humains européens dans cette région de tous les dangers. De l’élection présidentielle, enfin, annoncée pour le 29 juillet.

Certes, le Français a, lors de la séquence élargie de l’audience, insisté sur la transparence du processus, l’envoi d’observateurs, l’audit du fichier et le respect de la loi, mais du tête-à-tête qui l’a précédée son homologue malien a surtout retenu les encouragements formulés à son égard. Ce second mandat que vise IBK, Macron l’a évidemment dans son propre collimateur pour 2022 – de quoi susciter une certaine empathie.

« IBK bashing »
D’où vient alors cet air un brin perplexe affiché par le président Keïta au terme de son séjour parisien ? De la dichotomie manifeste entre le cocooning macronien et l’agressivité de l’« IBK bashing » pratiqué presque hebdomadairement par le ministère de la Défense, celui des Affaires étrangères et la communauté des spécialistes français du Sahel.

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les dernières analyses de Serge Michailof ou de l’ex-conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy, Bruno Joubert : si la France veut éviter de basculer dans une guerre sans fin au Mali, elle se doit, à leurs yeux, de favoriser un changement de pouvoir dans ce pays.

Ajouter que Jean-Yves Le Drian, patron du Quai d’Orsay après avoir été celui de l’Hôtel de Brienne, est sur la même longueur d’onde relève de l’euphémisme : IBK, ou comment s’en débarrasser…

L’exemple malien est dans le fond assez symptomatique de la difficulté de Paris à placer au bon endroit son curseur politique
Le problème est qu’Ibrahim Boubacar Keïta, quels que soient les reproches que son opposition ne se prive pas de formuler à l’encontre de sa gouvernance, n’est ni le Ngo Dinh Diem ni le Hamid Karzai du Mali. « Je ne serai pas votre gouverneur », avait-il dit au même Le Drian au lendemain de son élection, en 2013, avant d’exprimer son désaccord quant à l’interdiction signifiée aux troupes maliennes de mettre à profit l’opération Serval pour se lancer à la reconquête du Nord, au-delà du 15e parallèle.

Une attitude dont l’hôte du palais de Koulouba, sous ses dehors patelins, ne s’est jamais départi depuis. Comme quoi on peut être un ancien sorbonnard pétri de latinisme « et en même temps » – comme dirait Macron – le descendant cambré d’une glorieuse dynastie mandingue.

… suite de l’article sur Jeune Afrique

Commentaires via Facebook :

9 COMMENTAIRES

  1. Vraiment ces SuprémactisTrumpistes n’ont honte de rien après avoir manipulé l’Afrique, ces ManipulaTrump sont en train de retenter leurs sales coup$ par la fenetre!
    Leur Thierry Mariani recement passé chez les RN ces mythoccidentaux déplorent l’islamisation, mais c’est son parti de Sarkozy qui a largement collaboré avec le Qatar, fait cadeau de leur PSG, Tanneur, et autres Vente-Privee, construit 2200 mosquées pendant son mandat, fait des écoles musulmanes et des instituts formations pour imam!
    Vraiment ces hypocrites n’ont vraiment pas honte de manipuler comme ça!

  2. Pire IBK n’est pas Gouverneur de France au Mali mais le Premier Ministre de Macron au Mali. Une verite d’Allah.

  3. Mesdames et Messieurs , une chose est sure , IBK est tres loin de faire le bonheur du Mali. Apres 5 ans sans resultat, vraiment inutile de raconter ce qui m’interesse pas le peuple . Cet homme est incapable de diriger le Mali en guerre depuis 2012. Son salut, c’est de renoncer a se representer a l’election presidentielle du 29 Juillet proclain. Le peuple veut une alternance democratique sans IBK et ses allies politiques .

  4. Plus que dans les paroles,c’est dans les ACTES que les maliens espèrent quelques choses de leurs présidents qu’ ils ONT triomphalement élu.
    L’ attitude d’Ibk est tellement incompréhensible qu’ il a bénéficié de la légitimité populaire pour affirmer la dignité de son peuple.
    IBK a accepté que les groupes armés s’installent à kidal avec la bénédiction de la FRANCE.
    On aurait aimé qu’ IBK refuse toute négociation avec ces groupes tant qu’ils ne sont pas désarmés.
    D’ailleurs c’était son postulat de départ.
    L’ affaire TOMI est passée par là.
    Les MALIENS ne sont pas naïfs,ils savent qu’ ils ont élu un président qui leurs a caché son passé de connivence avec la MAFIA corse que la FRANCE exploite.
    Les MALIENS ont compris le fond du désaccord entre lui et ALPHA OUMAR KONARE qui a déclaré qu’ il ne reconnait plus l’homme qu’ il a nommé en 1994 premier ministre avant de passer le témoin à son successeur.
    IBK,pendant sa primature,a tissé des relations avec la famille BONGO et EYADEMA qui l’a changé complètement.
    D’un homme de principe que les maliens ont apprécié,il est devenu un homme d’argent proche des mafieux d’Afrique.
    Il a aidé ATT à être élu sachant que ce dernier aussi est ami à OUMAR BONGO .
    Il se méfie foncièrement de SOUMAILA CISSE qui n’est pas de cet ordre.
    La France aime ce genre de personnage sale pour s’implanter.
    Apparemment,il n’est pas aussi fidèle aux desiderata de la FRANCE qui consistent à manœuvrer pour permettre l’ application d’un accord imposé par la FRANCE.
    Il a déçu le maître.
    Son problème est là.La France constate qu’ il est incapable d’appliquer l’accord car n’ayant plus la confiance du peuple.
    Sa réélection créera une autre tension au sud qui va enterrer définitivement l’accord d’Alger ,peut-être la désintégration de la nation MALIENNE.
    Le MALI cherche son président à l’image du premier président MODIBO KEITA .
    La présence française est souhaitée et souhaitable,mais dans le respect de la souveraineté malienne.
    Les MALIENS exigent que la FRANCE les respecte en évitant de mettre leurs dirigeants au même pied d’égalité que les séparatistes ce qu’ elle n’accepte pas chez elle.
    On veut un président qui impose L’AUTORITÉ du gouvernement malien aux partenaires extérieurs,seule attitude permettant de ramener la sécurité.

  5. “…Le problème est qu’Ibrahim Boubacar Keïta, quels que soient les reproches que son opposition ne se prive pas de formuler à l’encontre de sa gouvernance, n’est ni le Ngo Dinh Diem ni le Hamid Karzai du Mali. « Je ne serai pas votre gouverneur », avait-il dit au même Le Drian au lendemain de son élection, en 2013, avant d’exprimer son désaccord quant à l’interdiction signifiée aux troupes maliennes de mettre à profit l’opération Serval pour se lancer à la reconquête du Nord, au-delà du 15e parallèle….”
    IL NE SERT A RIEN “d’exprimer son désaccord” SI CELA N’EST PAS SUIVI D’EFFET. CE MEME LEDRIAN TRAITAIT IBK COMME UN PATIN SANS QUE CE DERNIER N’EN TROUVE A REDIRE . OH IL NE S’EN ENDAIT MEME PAS COMPTE, PLUS OCCUPE PLUTOT PAR LA JOUISSANCE DU POUVOIR.
    D’habitude, un “acharnement Francais” contre un President Africain devrait amene a se poser des questions et a s’y opposer, mais dans le cas d’IBK, … c’est une action saine, meme si la methode est perfide…

  6. Il y’a ce qui est dit haut et ce qui n’est pas dit dans les relations entre les dirigeants africains et le france. Lorsqu’il y’a divergence de point de vue entre eux que que les intérêts de la france en pâtissent, de façon officieuse la france essaie de nuire à ce président africain dans la presse afin de pilier celui-ci à leur avantage. C’est ce qui se passe actuellement entre le président IBK et la france. Les médias français ont pris la personne du président IBK pour cible avec des mensonges car celui-ci avec la mise en place de la force conjointe du G5 et la montée en puissance de l’armée malienne veut libérer totalement le Mali. Ce qui n’arrange pas les français qui gère kidal depuis 2013. Mais bien entendu cela n’est pas dit hautement. Ce qui est certain comme le président IBK l’a dit son sort et le sort du Mali ne sont pas entre les mains de la france. Sa candidature est pour le Mali et non pour la france.

    • Le G5 gênerait la France alors que le vrai chef d’orchestre c’est le président Macron??? Visiblement ton atrophie du cerveau est grave.

Comments are closed.