IBK-MARA : Du Duo au Duel?

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Mara sauve IBK d’un naufrage politique
Le président Ibrahim Boubacar Keita et le PM, Moussa Mara

C’est une certitude, le Mali est au bord d’une crise institutionnelle. MĂȘme si le pouvoir veut s’en cacher il reste que le peuple lui, en ressent les prĂ©mices au point de gĂ©nĂ©rer une dĂ©motivation gĂ©nĂ©rale, prĂ©judiciable au bon fonctionnement de l’Etat.

Pour une fois, les oiseaux de bons ou de mauvais augures (c’est selon) ont entrepris leurs jacasseries, corsant du coup un climat dĂ©jĂ  dĂ©lĂ©tĂšre qui pourtant, en appelle plus que jamais au respect du pacte de responsabilitĂ©, donc Ă  l’idĂ©al commun permettant de conjurer les situations les plus dĂ©confites. Mais les Ă©lĂ©ments sĂ©quentiels Ă©manant des institutions phares de la RĂ©publique laissent prĂ©sager moins de symbiose que d’antimonie. Ce qui relance le debat sur la survie mĂȘme du gouvernement Mara qui, en quelques mois , a vu des mures et des pas vertes. Dans cette morositĂ© ambiante, qu’en pense le PrĂ©sident Ibrahim Boubacar Keita, le premier des maliens ? Pour beaucoup, l’homme a aujourd’hui le cƓur lourd, trĂšs lourd mĂȘme du fait d’une conjonction de facteurs aussi attristants qu’alarmants dans un contexte oĂč son parti d’origine le RPM, tombe Ă  bras raccourcis tous les ‘’naturalisĂ©s RPM’’ aprĂšs les prĂ©sidentielles de 2013 et mĂȘme les alliĂ©s les plus farouches comme Moussa Mara, la cible Ă  abattre dans cette grisaille. MalgrĂ© cette posture peu reluisante du Premier ministre aux yeux des tisserands, son mentor IBK, jusqu’à ces derniĂšres semaines, est restĂ© de marbre face aux multiples rĂ©criminations Ă  l’encontre de son poulain. Mais la force de sape des irrĂ©ductibles semble avoir aujourd’hui raison du locataire de Koulouba. Entre le premier ministre et lui, tous les indicateurs laissent supposer que les entrevues auparavant empruntes de cordialitĂ© ont laissĂ© la place Ă  des apartĂ©s aux tonalitĂ©s relativement corsĂ©es.

Il a suffit que le PrĂ©sident IBK, demande au P.M de le rejoindre dans ses bureaux aprĂšs le conseil des ministres du mercredi 5 novembre pour comprendre que l’heure n’est pas Ă  la fĂȘte. Pendant plus d’heure, les deux hommes se sont parlĂ© entre quatre yeux. Si rien n’a filtrĂ© de cet entretien, les membres du gouvernement restĂ©s dans la cour, Ă  les attendre, ont dĂ» sentir le souffle. C’est dans une mine des mauvais jours que Moussa Mara a repris plutard son cortĂšge, au grand soulagement de certains ministres dĂ©jĂ  en ligne avec leurs marabouts, certainement pour conjurer le mauvais sort. On peut passer sous silence, l’absence du Premier ministre Ă  l’aĂ©roport qui relĂšverait plus d’un dĂ©ficit de communication que d’un snobisme de mauvais aloi dont Mara pourrait bien se passer. Certains en ont fait leurs choux gras, c’est Ă  bon droit. Seulement, il suffisait tout simplement de trouver la bonne heure d’arrivĂ©e du PrĂ©sident Ă  l’aĂ©roport, prĂ©vue, selon nos sources Ă  16h puis remise Ă  18h. En optant ainsi pour la seconde heure, la mauvaise, la bonne Ă©tant 16h, Mara ne peut que croiser le prĂ©sident et son cortĂšge arpentant la colline de Koulouba. En interrogeant le bon sens, on peut aisĂ©ment dĂ©duire de la bonne ou mauvaise foi du Premier ministre qui serait dans le mĂȘme cas d’ailleurs que le PrĂ©sident de l’AssemblĂ©e Nationale Ă©galement absent des corps constituĂ©s. Une telle brĂšche ne pouvait Ă©chapper aux pourfendeurs de Moussa Mara qui ont usĂ© et abusĂ© des cors et cornemuses pour vilipender ‘’le descendent de Toukoto Ly’’. L’incident est certes inĂ©dit, d’aucuns y voient mĂȘme une savante manipulation de l’information Ă  dessein, mais toujours est-il, que la RĂ©publique pourrait bien s’en accommoder au nom du sacro-saint principe de l’infaillibilitĂ©. Malheureusement, cela ne semble pas calmer les ardeurs des adversaires de Mara qui rĂ©clament sa dĂ©mission pure et simple pour crime de lĂšse-majestĂ©. Ils sont rejoints par ceux-lĂ  qui le tiennent pour responsable de la dĂ©bĂącle de l’armĂ©e malienne Ă  Kidal le 21 mai 2014. Mis bout Ă  bout, ces rĂ©criminations Ă  l’encontre de Mara, semblent avoir produit des effets au sein d’une partie de l’opinion nationale. Des jugements de valeurs pourrait-on dire qui seraient moindre, devant les scandales financiers relevĂ©s par le FMI dans l’achat d’équipements pour l’armĂ©e malienne et qui Ă©claboussent des affidĂ©s du PrĂ©sident IBK. Sans tomber dans l’introspection, on peut lire dans les mĂ©andres de la pensĂ©e du prĂ©sident une forte prĂ©occupation entremĂȘlĂ©e de dĂ©ception et d’effarement face Ă  la corruption Ă  grande Ă©chelle. Il ne peut en ĂȘtre autrement pour qui connait les valeurs dont IBK a fait siennes. Aujourd’hui, le constat d’échec seulement ne suffit pas. Les bailleurs de fonds attendent un signal fort du cotĂ© de Koulouba. Des sanctions doivent tomber irrĂ©mĂ©diablement d’autant que les prĂ©sumĂ©s responsables seraient identifiĂ©s. De lourds soupçons pĂšsent sur certains membres du gouvernement. Si IBK doit sĂ©vir, il serait amenĂ© Ă  dissoudre le gouvernement avec le risque de jeter le bĂ©bĂ© avec l’eau du bain. Aujourd’hui Moussa Mara semble ne rien se reprocher et l’article 38 de la constitution en son titre III, si cela lui sied, pourrait ĂȘtre pour lui un levier imparable, en tout cas dans sa formulation actuelle, Ă  savoir : « le PrĂ©sident de la rĂ©publique nomme le Premier ministre. Il met fin Ă  ses fonctions sur prĂ©sentation par celui-ci de la dĂ©mission du gouvernement ». Dans l’esprit comme dans la lettre de cet article la seule volontĂ© du PrĂ©sident de la RĂ©publique ne suffit pas pour dĂ©mettre le gouvernement. L’adhĂ©sion du Premier ministre Ă  ce projet en est le prĂ©alable. En clair, si le Premier ministre refuse de rendre la dĂ©mission du Gouvernement, on se trouverait devant un blocage. Et ces jours-ci, c’est cette hypothĂšse Ă  dĂ©faut d’avoir une  information fiable du cotĂ© de Koulouba, qui alimente les conversations dans les diffĂ©rents ‘’grins’’. A pousser la rĂ©flexion, on peut se demander si le PrĂ©sident de la RĂ©publique ne peut pas se tailler des motifs, vu l’étendue de son pouvoir, pour dĂ©mettre le Premier ministre contre son grĂ©. A ce sujet, les constitutionnalistes sont catĂ©goriques. Pour ces praticiens du droit, ce passage en force du PrĂ©sident donnerait la latitude au Premier ministre concernĂ© de saisir la cour constitutionnelle pour dĂ©noncer ce qui serait Ă  ses yeux un hold-up constitutionnel.

Entre IBK et Moussa Mara, il est peu probable que ce scĂ©nario catastrophique prospĂšre, mais on ne peut non plus empĂȘcher les spĂ©culations en absence d’informations dignes de foi. Dans certains pays notamment en Cote d’Ivoire, le PrĂ©sident de la RĂ©publique en prĂ©vision de tout blocage du Premier ministre fait signer deux actes Ă  ce dernier : celui le nommant et celui qui le dĂ©met. Au delĂ  de ce juridisme, et dans le contexte politique actuel, le Premier ministre Moussa Mara joue sa carriĂšre politique. Etant Ă  la tĂȘte d’un parti, il est redevable de ses militants pour les actions menĂ©es Ă  la tĂȘte du Gouvernement. Le dĂ©barquer reviendrait Ă  l’ opposer des arguments Ă  mĂȘme de convaincre ses militants. IBK en a-t-il, vĂ©ritablement qui soient de valables pour se sĂ©parer de ce jeune loup aux dents longues et accĂ©der aux dĂ©sidĂ©ratas de ses camarades du parti du tisserand ? On s’en doute, mais pour l’honneur et la gloire du Mali, IBK pourrait bien compter sur Moussa Mara, le moment convenu pour rendre le tablier dans la pure tradition rĂ©publicaine et africaine.

Amadou SANGHO  

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