Ibk et la nouvelle transition : Du pain sur la planche

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Réconciliation nationale, réformes politiques et institutionnelles, reconstruction de l’armée, lutte contre la corruption, hausse du pouvoir d’achat des populations. Ce sont là, entre autres, les défis, plus urgents les uns que les autres, auxquels le nouveau président de la République doit s’attaquer au plus vite dans un pays où tout semble prioritaire.

 

 

Ibrahim Boubacar Keïta, IBK, à Bamako, 25 juillet 2013. RFI
Ibrahim Boubacar Keïta, IBK, à Bamako, 25 juillet 2013.
RFI

Investi en principe le 4 septembre prochain, le nouveau président de la République hérite d’un Etat exsangue parce qu’atteint jusque dans ses fondements par une crise multidimensionnelle dont il sort à peine. Tel un médecin, Ibrahim Boubacar Keita est donc appelé à administrer les «soins» nécessaires pour permettre à ce grand corps en état de convalescence qu’est le Mali de se remettre sur pieds. C’est ainsi dire que les défis auxquels il doit faire face sont d’autant grands que le nouveau locataire de Koulouba se retrouve avec un Etat où tout est prioritaire. Aussi, il doit satisfaire aux exigences d’un peuple qui attend de lui qu’il opère un profond changement dans la gestion des affaires publiques pour ainsi tourner de manière définitive la page de 20 ans de mal gouvernance dont IBK, il faut le dire, a été en grande partie l’un des maîtres d’œuvre.

 

 

 

Ainsi, une fois les autres institutions de la République renouvelées pour leur donner beaucoup plus de légitimité, le premier grand chantier qui devrait s’inviter sur la table d’Ibrahim Boubacar Keita, président d’un pays qui se remet d’une grave crise, c’est bien la réconciliation nationale. En effet, à partir des évènements de mars 2012 qui ont abouti à la chute du régime d’Amadou Toumani Touré, les différentes phases de la crise ont contribué inexorablement à creuser le fossé entre des éléments d’une même couche de notre société, de sorte que celle-ci s’est trouvée presqu’en lambeaux. Ce fut le cas par exemple de la classe politique, l’armée, la société civile et même la communauté musulmane qui a pourtant été l’un des acteurs clé du processus de sortie de crise qui est jusque là en cours. S’il est vrai que la tenue de l’élection présidentielle dans un climat calme et apaisé jette les bases de cette réconciliation, le nouveau président du Mali se devra de réunir, au delà de la seule question du Nord, tous les fils du Mali autour d’une même table  afin de mettre à plat, en toute vérité mais surtout dans la justice, les problèmes qui ont contribué à l’effondrement de notre pays, et dessiner ainsi les contours du nouveau Mali auquel nous aspirons tant. La Commission dialogue et réconciliation créée par les autorités transitoires il y a quelques mois doit être, comme son nom l’indique, la cheville ouvrière de cette réconciliation du peuple avec lui-même.

 

 

Egalement comptable de la mal gouvernance

L’autre grand défi auquel le nouveau chef de l’Etat doit s’attaquer rapidement est la construction d’une armée républicaine, débarrassée de l’amateurisme, du favoritisme et de la médiocrité. Quoi qu’on dise, il faut reconnaître que l’humiliation à laquelle le peuple malien a été soumis jusqu’à l’arrivée des troupes étrangères sur notre sol à partir de janvier 2013 dans le cadre de l’opération Serval, la Misma et autres, s’explique en grande partie par la mollesse de notre grande muette.

 

 

En effet, nos  «hommes» se sont pliés devant l’ennemi de manière aussi spectaculaire que les 2/3 du territoire national du Mali avaient fini par être sous la coupe de la horde de sans loi qui y ont semé la terreur des mois durant. Pour mieux dissimuler leur incapacité, ils avaient jugé bon de se cacher derrière une mutinerie qui avait étonnamment eu raison d’un régime, l’un des plus laxistes que notre pays ait connu. Jadis respectées sur le continent pour y avoir participé avec brio à plusieurs missions de maintien de la paix, les forces armées maliennes, par le fait de la mal gouvernance qui a caractérisé les pouvoirs successifs, venaient à montrer à la face du monde qu’elles n’étaient plus que l’ombre d’elles-mêmes et avaient dès lors perdu toutes l’estime et la confiance d’une frange importante du peuple. Il s’agira donc pour le nouveau régime de doter notre pays d’une armée restructurée, bien formée et mieux équipée pour faire en sorte qu’elle puisse répondre aux nouvelles exigences sécuritaires qui se posent à nous. Toute chose qui aura d’ailleurs été l’une des promesses fortes de sa campagne électorale lors de la dernière présidentielle. C’est à ce seul prix que le Mali pourra non seulement gagner le pari de sa stabilité, mais surtout réconcilier nos forces de défense avec le peuple et reprendre la place qui est la sienne dans le concert des nations.

 

 

 

Le président de la République devra aussi revoir notre pratique démocratique qui est à repenser. Car, au moment même où la démocratie malienne était citée en exemple à travers le monde, celle-ci s’est, comme un château de cartes, s’est effondrée à la première bourrasque en 2012, comme pour dire que notre système démocratique ne reposait sur rien de durable par le fait d’une démission collective au nom d’une gestion consensuelle du pouvoir qui a fini par nous conduire dans le gouffre duquel nous nous tirons aujourd’hui encore avec grand peine. A présent, IBK doit opérer les réformes politiques en profondeur qui s’imposent. Ce, à travers des institutions fortes pour mettre sur pied un véritable Etat de droit et une démocratie digne du nom. Mieux, cela aura l’avantage de rétablir la confiance que le citoyen a perdue en la chose politique parce que longtemps demeuré le dernier souci des hommes politiques à qui il sert de bétail électoral au moment du choix des dirigeants. Cette allergie vis-à-vis  de l’élite politique s’était même ravivée à la suite du coup d’Etat du 22 mars  2012 à cause de l’incapacité de la classe politique malienne à parler d’une seule voix au même moment où cette vielle nation qu’est la nôtre était menacée jusque dans ses fondements. Il y a donc à espérer que ce quinquennat d’IBK contribue à un renouvellement de la classe politique de manière à moraliser enfin l’action politique dans notre pays. Tout ceci devra se faire dans un Etat qui aura retrouvé son autorité perdue. En effet, le précédent régime, celui d’ATT en l’occurrence,  a affiché un goût tellement prononcé pour le populisme et un «sinankuya» (cousinage à plaisanterie) souvent mal placé qu’il avait réussi à faire du Mali un champ du laisser-aller, avec son corollaire de banalisation du pouvoir d’Etat. Cela avait eu comme conséquence la culture de la médiocrité à tous les niveaux de l’administration publique. Le sens de la rigueur auquel Ibrahim Boubacar Keita doit en grande partie son élection sera un élément déterminant dans cette volonté de reconstruction d’un Etat fort mais juste. Celui où la récompense du mérite sera enfin une réalité.

 

 

 

Augmenter le pouvoir d’achat

L’augmentation du pouvoir d’achat des populations, voici un autre chantier sur lequel les Maliens attendent beaucoup du président IBK. A travers un micro-trottoir que votre journal a récemment réalisé, nous avons pu comprendre que la priorité pour nombre de nos compatriotes, le Malien lambda notamment, reste les prix des produits de grande consommation tels que le riz, le mil, l’électricité, le gaz domestique, le carburant. Les populations rêvent tellement de constater une nette amélioration dans leur quotidien que le délai de grâce accordé au nouveau chef de l’Etat sur ce point pourrait bien être court. Mais rien de cela ne sera possible que si Ibrahim Boubacar Keita, tel qu’il le promettait il y a juste quelques jours, engage une lutte implacable contre la corruption. De mémoire de Maliens, si le «kokadjè» a été l’un des maîtres mots lors des évènements de mars 1991 qui ont conduit à la chute du général dictateur Moussa Traoré, la corruption est paradoxalement allée crescendo depuis cette date, sapant ainsi tous les efforts de développement de notre pays. Il revient ainsi au nouveau président de la République, qui peut difficilement se dédouaner autrement, d’ouvrir cette boite de pandore autour de laquelle les régimes démocratiques qui se sont succédé jusque-là n’ont fait que du tapage. Même la création d’un Bureau du vérificateur n’a rien apporté de mieux dans un pays où la corruption s’est presque érigée en système.

 

Le terrain ainsi balisé, le nouveau président pourra s’investir de manière résolue sur des chantiers non moins importants pour le développement de notre pays, notamment ceux de l’éducation, la santé, l’agriculture, l’emploi, l’économie, pour ne citer que ceux-ci.

 

 

Bakary SOGODOGO

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