IBK, deux ans après, que d’espoirs déçus !

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Son Excellence Ibrahim Boubacar Keita
Son Excellence Ibrahim Boubacar Keita

La morale publique comme première victime, l’honneur des Maliens aux chiens, le bonheur des Maliens sur le bûcher, l’absence totale de vision et de cap, point d’offre politique en perspective… La classe politique toute tendance  confondue exclue de fait de la solution des problèmes d’un pays qu’on vend par tranche sous nos yeux. En vérité, depuis deux ans, ce pouvoir ne dégage aucun souffle présageant un avenir serein pour notre pays. Bien entendu, le slogan «Le Mali d’Abord, pour l’honneur des Maliens», cinquième copie de «D’abord la France» du Front national français, a pris  la coloration locale de la «famille d’abord».

Les Maliens qui, au lendemain des élections présidentielles de 2013, pouvaient presque toucher avec leurs mains l’espoir d’un pays uni et réconcilié, démocratique et d’un Etat restauré, juste et propre, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. On nage en plein régime dans le narcissisme au sommet de l’Etat. C’est la stratégie «Boom Beach» : ce général dont l’armée est en train d’être décimée, ne songe qu’à ses méga-épaulettes. Le temps qu’il met à se les coller, son armée est anéantie.

L’accord d’Alger étale la désunion du Mali à perte de vue dans un très proche futur avec la gestion communautariste du pays érigée en système de gouvernance. Une vision réductrice de la nation tient lieu de discours de réconciliation au quotidien ; une armée nationale condamnée à l’errance ou, au cantonnement sur son propre territoire ; la lutte contre la corruption, à défaut d’être abandonnée en raison de son ampleur dans les cercles du pouvoir, devenue une stratégie d’intimidation des adversaires politiques ; le développement de cercles mafieux impulsé depuis le sommet de l’Etat. Pendant ce temps, le pays est à l’abandon ; le président ne répond plus des Maliens, aucun projet structurant en vue.

Soixante-dix (70) voyages à l’extérieur pour une virée dans la région de Sikasso. Le Mali sort péniblement du cauchemar terroriste en 2013 pour se réveiller dans les bras d’un pouvoir aussi bruyant (de ses communiqués) qu’inefficace. La raison est qu’en deux ans, le Pouvoir n’a évalué que des registres culturels négatifs. Ce faisant, il a ramené tout débat politique sur des questions sérieuses à des arguments périphériques et/ou à des considérations personnelles : «ils me haïssent, ils sont contre moi, ce sont des hasidi, des aigris…». Le débat est resté une question de personne. Point de Mali et des intérêts de la nation. Comment dans ces conditions s’étonner aujourd’hui qu’il ne fût jamais à la hauteur des responsabilités qu’imposent la recherche d’une solution nationale à la crise ?  Il a été incapable de réaliser un consensus minimal national autour de la démarche, du rythme et du fond des pourparlers, dans le processus d’Alger.

En vérité, l’équipe qui porte l’heureuse issue de la crise malienne se fait attendre

«L’homme de la situation» a fini de ruiner la légitimité, la crédibilité et même la créativité de toutes les femmes et tous les hommes, les acteurs et les collectifs qui ont pour certains de bonne foi voulu servir la nation à ses côtés. Il s’est suffisamment employé pour les retourner les uns contre les autres, faire imploser d’autres et enfin de compte créer le vide autour de lui et dans la direction du pays. Résultat : le pays tourne à vide. Par sa faute, il a manqué au Mali la mémoire nationale et l’intelligence collective dans la gestion de la présente crise, les querelles de personnes imprimées au débat national ont primé sur les valeurs et les principes. Une démarche qui visait à mettre toute opposition en conserve s’est retournée contre la nation. Le président français, François Hollande, avait certainement en tête, la situation du Mali lorsqu’il déclarait que  «…Alassane Ouattara a été l’heureuse issue de la crise ivoirienne». Les  Maliens, quant à eux, ne sont pas loin de penser que «l’homme de la situation» qu’on leur a proposé a provoqué une fausse couche de la renaissance de leur nation. De Kidal à Fakola en passant par Tènèkou, Nampala et Misseni, la nation fout le camp.

Que faire devant ce tableau noir de la situation, du 4 septembre 2013 au 04 septembre 2015, en deux ans de règne qui  sonne comme une punition pour le Mali ? Comme dans les livres divins qui nous enseignent comment Dieu a foudroyé les peuples insouciants et transgresseurs de tabous et d’interdits, et aussi dans la mythologie grecque où les Danaïdes et Sisyphe ont été condamnées à remplir un tonneau percé et à faire monter éternellement une pierre sur une colline, le Mali, est aujourd’hui réduit à une existence douloureuse. Naguère présenté comme un des  pays d’Afrique où il fait bon vivre (parmi les cinq pays africains en progrès constant) et la  nation la mieux constituée en Afrique de l’Ouest, le Mali n’a jamais atteint des profondeurs abyssales qu’en ce moment. Faut-il croire que la nation malienne a été frappée de malédiction, pour lui rappeler le souvenir du vrai bonheur que l’on n’apprécie que lorsqu’on l’a perdu ? Faut-il penser que Dieu Lui-même a inauguré la parenthèse d’une équipe venue conspuer les nombreuses chances de notre pays ?  Une équipe qui a initié le temps des grandes déchirures, de la culture de la clanisation et la tribalisation du pays et du débat politique, la catégorisation des citoyens, le développement exponentiel de  la culture de la curée ? Nombreux sont nos compatriotes qui ont la ferme conviction que Dieu a décidé d’éprouver le peuple malien, comme cela a été le cas en Egypte sous le règne du Pharaon, pour nous amener à méditer sur nos moments de grandeur et de splendeur.

LUI voudrait aiguiser davantage notre aptitude au refus des impostures ?

Le monde sait que le Mali reste fort et capable lorsqu’il se donne la chance d’avancer, car au cours de ses siècles d’existence, il a appris que l’on peut trébucher sur une pierre et être capable de gravir une montagne. Nous savons aussi que Dieu ne change l’état d’un peuple que lorsque ce peuple change ce qui est en lui-même. C’est pourquoi, il faut croire que les conditions objectives d’un changement politique profond ne sont pas seulement mûres, elles ont commencé à pourrir. Mais sans une mobilisation unitaire et offensive des forces vives, la catastrophe qui menace notre pays pourrait devenir irréversible. Tout dépend des citoyens et, au premier chef des dirigeants des partis politiques dans toutes leurs nuances et des citoyens de tout bord.

La crise dans laquelle le Mali s’enfonce n’est plus de la responsabilité du pouvoir en place. Elle est de la responsabilité des partis politiques de proposer et de réaliser une alternative nationale et patriotique. Après avoir élu un président qui joue manifestement contre son camp (affaire du retrait du GATIA de Anefis), les Maliens n’ont plus le droit d’adopter la posture de spectateurs restés sur la touche à compter les points marqués contre le pays par le gouvernement.

Après deux ans de douleur, d’angoisse et d’espoirs déçus pour le peuple malien, on a envie de rappeler encore au Premier responsable du pays, ces mots du philosophe : «Ne vous souciez pas d’être meilleur que vos contemporains ou vos prédécesseurs, essayez d’être meilleur que vous-mêmes» car, c’est connu, les espoirs déçus ont un effet dévastateur.

Souleymane Tièfolo KONE

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2 COMMENTAIRES

  1. Certes, IBK a été élu.
    Certes, le peuple a investi IBK à plus de 77% de votes favorables.
    Certes, la situation du pays reste préoccupante, malgré tout ce qui se dit ou fait.
    Mais, IBK reste avant tout un homme.
    Peut-être, un homme seul et bien seul. Car, pris en otage qu’il est par une meute d’opportunistes et de mange-mils politicards.
    IBK a besoin d’être secouru, d’être aidé.
    Faudrait encore que lui-même soit disposé à cela.
    En fin de compte, seul doit compter LE MALI, au-delà de toutes autres considérations et nonobstant toutes aux contingences politico-politiciennes.
    UN PEUPLE – UN BUT – UNE FOI!
    Jamais ces quelques mots n’ont revêtu autant une signification profonde qui nous interpelle tous.
    Le pays n’est pas qu’au bord du précipice, il est au fond du gouffre!

  2. Je partage cette belle analyse de S. Koné. Tout est dit avec courtoisie et politesse.Sans un mot blessant! c’est beau! Les internautes doivent s’en inspirer.

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