Samedi donc, en début de soirée, on vit des femmes ministres hurler leurs félicitations au président, des griots marteler leurs louanges taillées sur mesure et pour l’occasion : IBK aurait obtenu pour le Mali 18 milliards, 8 milliards, puis 5500 milliards… des chiffres circulent pour le bonheur des alliés. Et un griot, marchant derrière le corps constitué que saluait le président (coupé à un second montage sur l’Ortm), hurlait à la cantonade un verdict en paraphrasant un slogan de campagne : «Tu l’as dit, tu l’as fait».
De l’aéroport à sa résidence de Sébénicoro, pour susciter l’enthousiasme et célébrer le président sur la voie de la rédemption (à moins que ce ne soit une façon d’enfouir sa tête sous le sable pour mieux lui occulter la déception en phase terminale des Maliens), les «obligés» d’IBK ont fait déverser une foule de gens dont certains l’avouaient ouvertement : «On est là parce qu’on nous a donné quelque chose, c’est comme ça. Désormais, on ne sortira plus jamais, si on ne paie pas à l’avance». «Il ne peut plus nous dire qu’on manque d’argent, s’il peut se payer un avion pour voyager», renchérit un autre à côté, qui ajoute avoir pu s’acheter un sac de riz pour la famille.
L’impopularité palpable du «cachottier bourgeois, grand fan des objets et appareils de luxe», nous mène donc à ça : payer pour être reçu et célébré dans son propre pays où il a été élu à une majorité écrasante, moins d’un an auparavant ! Payer aussi pour relire des slogans qu’on a soi-même initiés sur des pancartes financées. Pour les restants des hauts placés partisans d’IBK, il est vrai que c’est un choc, voire un coup de massue quand la réalité qu’ils voient et vivent quotidiennement, efface petit à petit l’étang de convictions qu’ils se faisaient de leur candidat de 2013 : une réputation surfaite de Mandé Massa Premier de Sébénicoro mise à côté des piètres, voire des humiliants résultats obtenus jusque-là, les comportements de satrape affichés, des imparfaits du subjonctif tant conjugués et ressassés pour mieux bomber la poitrine et se prouver à soi qu’on va tout régler au Mali… Tout ceci les pousse aujourd’hui à mettre la main à la poche pour entretenir l’illusion et ne pas voir l’édifice s’écrouler.
Moussa Mara et Boulkassoum Haïdara ont donc, d’un commun accord, décidé (on est en droit de l’imaginer ainsi) de jouer le coup du marchand du sable aux Maliens : l’endormissement ! «On va organiser un très grand accueil populaire et enthousiaste, et Mahamadou Camara fera voir ça aux aigris sur l’Ortm plusieurs fois. Et l’Essor trouvera un titre nord-coréen… Et croyez-nous, les Maliens n’y verront que du feu», semblent-ils se dire sans conviction, bien entendu dans une unité de façade, en attendant que le second ne chasse le premier de la Primature !
Comme on accueillit Moussa Traoré, président en exercice de la défunte Oua, ATT après le Millenium Challenge… ; IBK a eu droit à sa part d’adrénaline lui convaincant de sa popularité. Pour peu que la réflexion fusse poussée (tiens : je conjugue aussi l’imparfait du subjonctif… Ndlr), par Moussa Mara, taxé par une note des services secrets français, à tort ou à raison, comme un leader du sentiment anti-français au Mali, la démonstration organisée s’accouplerait à des injures contre les experts du FMI présents à Bamako. On n’en était pas loin d’autant plus que la générosité de la Chine à l’endroit de notre pays à l’issue de cette visite est justement appréciée pour, quelque peu, faire un pied de nez à l’Occident plus procédurier, conditionnel et voyant dans ce qu’il offre.
Samedi sonne comme une énième infantilisation du peuple malien, déjà reprochée à plusieurs reprises à Amadou Toumani Touré, une façon de défier nos partenaires européens, du FMI, de la Banque mondiale et de la France qui ont couru à notre appel de détresse du jeudi 10 janvier 2013. Ce n’est pourtant pas le moment, car malgré sa générosité que nous saluons tous, ce n’est pas la Chine qui est au chevet du Mali à Alger. Ce sont ceux, contre qui, semblent s’acharner certains de nos concitoyens enclins au rejet, à la moindre contrariété.
Samedi sonne aussi comme une forme d’endormissement : endormir le président en lui faisant penser qu’il a été pardonné des errements et résultats désastreux, voire humiliations affichées à son compteur. Endormir aussi, non pas l’opposition qui, «pour le bonheur des Maliens», joue pleinement son rôle par le trio Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé et Tiébilé Dramé, mais la majorité présidentielle qui va sûrement se convaincre de sa force politique, en attendant qu’elle n’entraîne le Mali vers l’impasse, comme c’est le cas au Nord de notre pays !
HAIDARA Mamadou Lamine
Magnambougou