IBK, après la baraka les tracas

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Le président  Ibrahim Boubacar Keïta
Bamako, le 04 Septembre 2013 au Centre International de Conference de Bamako (CICB). Le Président Elu de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keita dit IBK a prêté serment devant la cour suprême.

Jeuneafrique.com – Certains louent sa lutte anticorruption et sa fermeté à l’égard des anciens putschistes. D’autres déplorent l’aggravation de la situation sécuritaire dans le Nord et son indécision. Mais au bout d’un an de pouvoir, c’est sûr : l’état de grâce est fini.

Le 4 septembre 2013, lors de sa prestation de serment à Bamako, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) promettait aux Maliens des jours meilleurs. Mais, au parterre de notables et de diplomates réjouis par son élection – un plébiscite : 77,6 % des suffrages -, il lançait aussi un avertissement : “Rien de grand ne peut réussir sans sacrifices.”

Le nouveau président savait que la mission pour laquelle les Maliens l’avaient élu était titanesque et que le pays dont il héritait était exsangue. Avait-il pour autant mesuré l’ampleur du désastre ? “Il faut croire que non”, persifle un diplomate européen qui se désole de voir le pays “stagner”. Le même assurait pourtant, au lendemain de l’élection, qu’IBK était “l’homme de la situation”.

L’État était alors considéré comme failli. Son armée s’était fourvoyée tant dans le Nord, face aux groupes insurrectionnels ou jihadistes, que dans le Sud, après le putsch d’un quarteron de sous-officiers. Son administration, corrompue, s’était désagrégée sur une bonne partie du territoire. Ses communautés déchirées… Quant aux caisses de l’État, “elles étaient vides”, explique-t-on depuis des mois au palais de Koulouba. “Il nous a fallu tout reconstruire, repartir de zéro dans tous les domaines, argumente un proche collaborateur d’IBK. Pendant les cinq premiers mois, nous n’avons pas pu nous consacrer à autre chose qu’à remettre les choses en place.”

Engagements de campagne

Pas facile, dans ce contexte, de satisfaire aux engagements de campagne. IBK n’a pas été élu pour son programme (que peu d’électeurs connaissaient), mais pour sa promesse de rendre au Mali “son honneur” et “sa fierté”. Il s’y est attelé, en premier lieu en organisant les législatives dans la foulée de son élection, fin 2013. Un succès salué par la communauté des observateurs – en dépit d’un fort taux d’abstention (60 %) et de simulacres de votes en certaines contrées du Nord -, qui a donné au président une majorité confortable à l’Assemblée nationale, où l’alliance qui le soutient compte aujourd’hui 126 députés sur 147.

Dans la même logique de “retour à l’ordre”, IBK s’est fixé pour priorité le rétablissement de l’État de droit et a déclaré 2014 “année de lutte contre la corruption”. Sous la houlette de Mohamed Ali Bathily, le garde des Sceaux, le pouvoir s’est (timidement) attaqué à la corruption.

Personne n’est au-dessus de la loi, pas même vous, répète IBK à ses collaborateurs.

Des enquêtes ont été diligentées, des hommes d’affaires et des fonctionnaires ont été placés en détention, la justice elle-même n’a pas échappé au coup de balai : plusieurs juges considérés comme corrompus ont été suspendus et incarcérés. “Personne n’est au-dessus de la loi, pas même vous”, répète IBK à ses collaborateurs.

Pour donner corps à ce qui est un leitmotiv chez le président, les députés ont adopté, en mai, un projet de loi sur l’enrichissement illicite qui doit renforcer l’arsenal de la lutte contre la délinquance financière. De son côté, Boubou Cissé, le ministre des Mines, a procédé, en août, à l’annulation de près de 130 titres miniers concédés par les régimes précédents.

La guerre à l’impunité, déclarée par le président, a frappé au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Présenté par ses adversaires comme “le candidat de la junte” pendant la campagne, IBK n’a pas hésité à se débarrasser de l’encombrant capitaine Amadou Haya Sanogo (promu général aux dernières heures de la transition) et de ses proches.

Le 27 novembre 2013, deux mois après avoir été “délogé” de son fief de Kati, Sanogo est inculpé pour “complicité d’enlèvement” et écroué dans le cadre de l’enquête sur la disparition d’une vingtaine de bérets rouges en avril 2012. Depuis, il croupit en prison, comme une bonne dizaine de ses camarades qui ont fait la loi au Mali durant la transition.

Reconstruction de l’armée

Après avoir “nettoyé les écuries d’Augias”, comme il le dit lui-même, IBK a lancé le vaste chantier de la reconstruction de l’armée. Mais celle-ci sera longue, et le chef de l’État ne pourra disposer, pour la mener, de l’un de ses collaborateurs les plus expérimentés : le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, contraint à la démission après la débâcle de Kidal du 21 mai.

Quelle claque, que cette bataille de Kidal ! Claque militaire : des dizaines de soldats (officiellement une cinquantaine) ont perdu la vie dans les combats contre les groupes insurrectionnels touaregs, et les autres ont fui, laissant derrière eux leur matériel et l’honneur de leur armée. Claque politique, qui a provoqué la démission de Maïga et les critiques de l’opposition vis-à-vis du Premier ministre tout juste nommé, Moussa Mara, accusé d’avoir mis le feu aux poudres en se rendant dans le fief des Ifoghas, le 17 mai. Claque diplomatique enfin. La veille de l’assaut, le président avait assuré à ses interlocuteurs étrangers qu’il n’y aurait pas de combats.

“Ce qui s’est passé à Kidal résume la présidence IBK, juge un membre du premier gouvernement dirigé par Oumar Tatam Ly. Un président qui ne manque pas de bonne volonté, mais qui est dépassé, tant par les événements que par son entourage, qui n’a pas un projet clair pour son pays et qui, finalement, tâtonne.”

C’est aussi ce que dénonce l’opposition. “Ce président semble n’avoir aucune feuille de route”, se désolait le perdant du second tour de la présidentielle, Soumaïla Cissé, au lendemain du limogeage du Premier ministre Tatam Ly, sept mois seulement après sa nomination.

Même à Paris, où l’on se réjouissait de la victoire d’IBK en août 2013, on déchante.

Cette indécision a été particulièrement frappante concernant la situation dans le Nord. Alors qu’il disposait de soixante jours pour entamer les négociations, selon l’accord de Ouagadougou signé avant son élection entre le gouvernement de transition et les groupes rebelles, IBK a longtemps traîné les pieds. “Il aura fallu la défaite de Kidal pour qu’il se décide enfin à négocier, mais il était alors en position de faiblesse”, peste un officier.

Pendant ce temps, la situation sécuritaire s’est aggravée dans le Nord, où une partie du territoire reconquis en 2013, avec l’aide des troupes françaises et africaines, a été à nouveau abandonnée aux rebelles et aux jihadistes.

Même à Paris, où l’on se réjouissait de sa victoire en août 2013, on déchante. “On a l’impression qu’il est arrivé à ses fins en se faisant élire et que, depuis, il se repose sur ses lauriers”, déplore un diplomate. De fait, les réformes d’envergure se font attendre, même si le gouvernement en annonce pour les prochains mois, dont celle, très attendue, touchant à l’organisation territoriale, et une autre sur le statut de l’opposition.

La grogne sociale menace le gouvernement

La première des cinq années du mandat d’IBK a également été entachée de multiples scandales qui ont mis à mal ses discours de campagne. Il a d’abord été taxé de népotisme. “Ce n’est plus “le Mali d’abord”, c’est “la famille d’abord” !” dénonce l’opposition, en référence au slogan de campagne du président. Plusieurs de ses ministres et collaborateurs sont en effet issus de sa famille ou de sa belle-famille. Son fils, Karim, s’est fait élire (contre l’avis d’IBK) à la tête de la très stratégique commission Défense de l’Assemblée nationale, où il siège pour la première fois et qui a pour président… son beau-père, Issaka Sidibé.

Le chef de l’État a ensuite fait la une des journaux pour ses liens d’amitié avec l’homme d’affaires corse Michel Tomi, mis en examen en France en juin. Les juges lui reprochent notamment d’avoir été trop généreux avec IBK avant son élection et d’avoir ensuite joué les intermédiaires dans des contrats troubles : la formation de la garde présidentielle et l’achat d’un avion présidentiel pour 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros). Cette acquisition avait d’ailleurs valu au Mali bien des critiques.

Le Fonds monétaire international (FMI), qui s’intéresse également de près à l’achat de matériel militaire effectué fin 2013 par le ministère de la Défense (un curieux contrat dans lequel les intermédiaires sont multiples), a marqué son mécontentement, le 15 mai, en repoussant de plusieurs mois sa mission de revue, ce qui a eu pour conséquence le gel d’une partie des programmes d’appui budgétaire depuis la mi-juin.

Dans ce contexte, le Parti pour la renaissance nationale (Parena), de Tiébilé Dramé, l’opposant le plus virulent, a beau jeu d’évoquer un “immense gâchis”. “Douze mois après son élection, l’immense espérance suscitée à l’intérieur et à l’extérieur du Mali s’est transformée en une profonde déception”, estime ce parti.

Les Maliens, pour l’heure, semblent faire preuve d’une plus grande patience. Mais, déjà, la grogne sociale menace le gouvernement, qui, fin août, a dû faire face à sa première grève générale des travailleurs.

 

02/10/2014 à 18:12 Par Rémi Carayol

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11 COMMENTAIRES

  1. A la suite de la reprise de l’aide au développement par les bailleurs précités, le gouvernement a élaboré un projet de loi de finance rectificative en vue de
    prendre en charge toutes les nouvelles ressources et procéder à leur allocation en fonction des priorités de la Feuille de Route pour la Transition à savoir:

    – la libération des régions de Tombouctou, Gao, Kidal et d’une partie des régions de Mopti et de Ségou occupées;

    – le retour de l’Administration dans les zones libérées;

    – les activités de la Commission Dialogue et Réconciliation;

    – l’organisation des élections;

    – la protection des acquis en matière d’éducation et de santé;

    – la relance de l’activité économique.

    Ainsi, les ressources passent de 1 007,1 milliards de F CFA dans la Loi de Finances initiale à 1 433,0 milliards de F CFA dans le collectif budgétaire 2013, soit une
    hausse de 42,30% et les dépenses évoluent de 1 057,2 milliards de F CFA dans le budget initial 2013 à 1 465,1 milliards de F CFA dans la loi de

  2. Pourtant, la gestion financière de la Transition est un bel exemple de rigueur de gestion rigoureuse des finances publiques. En témoigne l’exécution du Budget d’Etat 2013.

    Situation d’exécution du Budget d’Etat 2013

    La Loi de Finances initiale au titre de l’exercice 2013 a été élaborée sur des bases prudentes compte tenu de la crise sécuritaire et institutionnelle. La prudence du
    Gouvernement au moment de la préparation du Budget d’Etat 2013 a consisté à élaborer un budget basé uniquement sur les ressources internes.

    L’adoption de la Feuille de Route pour la Transition le 29 janvier 2013 par l’Assemblée nationale, a permis de renouer avec la communauté internationale, et par conséquent, la reprise de la coopération financière internationale à travers des annonces d’appui budgétaire et la levée de la suspension des financements extérieurs des projets de développement.

  3. Le gouvernement de la Transition (avril 2012-août 2013) a réalisé les deux missions spécifiques de la Feuille de route pour la Transition, à savoir le rétablissement de l’intégrité du territoire national et l’organisation de l’élection présidentielle, dans un climat de paix et de mobilisation exceptionnelle des électeurs.

    Pour ce faire, il a bénéficié, d’une part d’une forte mobilisation des Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur et, d’autre part, du concours de la communauté internationale.

    Au plan financier, le Gouvernement est parvenu à éviter un dérapage budgétaire grâce à une gestion rigoureuse des finances publiques : efforts exceptionnels des régies de recettes et maîtrise des dépenses.

    Dioncounda a donc légué à IBK un pays rétabli, débout et prêt pour la consolidation des nombreux acquis. Justement, dans les perspectives, les défis qui restaient à relever par le régime d’IBK se résumaient à la poursuite des actions de sécurisation et de stabilisation de l’ensemble

  4. Jeune Afrique est un véritable journal de griots sans vergogne et dont le seul objectif est: l’argent.

    Un journal de déstabilisation de l’Afrique.

    Chers lecteurs, je vous prie de prendre conscience de ce que j’avance ici:

    Depuis l’accession d’IBk au pouvoir, jeune Afrique s’est plutôt érigé en répondeur automatique de l’homme qu’un journal traitant impartialement les informations.

    Tenez-vous bien droits.

    Jeune Afrique, depuis 2007, a vu le jeune président Congolais, Joseph Kabila les bouder, c’est pourquoi, ils ont toujours tapé sur l’homme. Malgré tout, Kabila leur a dit ceci: ”Si c’est le culte de personnalité que vous recherchez, vous vous trompez!”

    +Vous dites: ….”Quant aux caisses de l’État, “elles étaient vides”, explique-t-on depuis des mois au palais de Koulouba. “Il nous a fallu tout reconstruire, repartir de zéro dans tous les domaines, argumente un proche collaborateur d’IBK. Pendant les cinq premiers mois, nous n’avons pas pu nous consacrer à autre chose qu’à re

    • mettre les choses en place.”….”
      –Je dis: c’est faux et archi-faux, car voici ce qu’IBK a trouvé en matière de finance le 4 septembre 2013 quand il parvenait au pouvoir.

      En plus, vous dites que c’est un proche d’IBK qui a persiflé ça à Koulouba… Alors, depuis quand les proches d’IBK disent la vérité?

      Héritage lègue par la transition : Un trésor dilapidé sous IBK !

      Si la majorité des Maliens jugent qu’ils vivaient largement mieux sous la transition de 2012 que maintenant, c’est que la situation est extrêmement grave. Cela est d’autant plus compréhensible que le régime d’IBK a mis à l’eau tous les acquis légués par la Transition de Dioncounda Traoré, aussi bien en matière de gestion économique et financière que sur dossier du nord du Mali. Tout a été dilapidé. Dans des dépenses de prestige, qui enfoncent aujourd’hui le président, et, au-delà, tout le peuple malien. Pourtant, pour éviter un dérapage budgétaire, IBK aurait dû s’inspirer de la gestion financière de la transition.

  5. S’il existe un baromètre fiable pour évaluer la côte de popularité de IBK, sa légitimité serait gravement atteinte au point qu’il ne puisse plus gouverner ce Pays.

    J’avais plaidé il y a juste quelques mois de cela le nécessaire coup d’État pour chasser ce grand voleur du siècle.
    IBK ne cherche plus de légitimité mais il doit s’atteler à sauvegarder sa dignité s’il en avait eu une bien sûr!

  6. 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆
    J’avais bien recommandé à ZON BRIN depuis son inauguration … d’écouter régulièrement “KOUNADIA” de Oumou SANGARE … une de mes artistes favorite… 😆 😆 😆 😆 😆

    http://m.youtube.com/watch?v=yXTlTDiuix8

    Il m’a ignoré et il le regrettera … PROMIS …!!! 😥 😥 😥 😥 😥 😥

    Moussa Ag,… Dirigé une nation est une chance exceptionnelle … seulement si on le fait correctement …

    Quelqu’un risque de sortir par une porte plus petite que le GÉNÉRAL PARA ALPINISTE … 😉 😉 😉 😉 😉 😉 😉 😉

    • Soldat Raté
      “Quelqu’un risque de sortir par une porte plus petite que le GÉNÉRAL PARA ALPINISTE …”

      Salut mon frère! 😉 😉
      Le problème est le suivant:
      UN: Ibk est tellement prétentieux et imbu de lui-même, qu’il ne “s’abaissera” jamais à démissionner comme le ferait N’IMPORTE QUEL président digne de ce nom, après tous ces scandales honteux cumulés depuis un an!…

      DEUX: L’histoire des 29 Milliards volés par l’état (Ibk, Karim, et leurs proches!) ainsi que L’HUMILIATION (méritée) que le FMI vient d’infliger au Mali constitue pur les Maliens LA GOUTTE D’EAU QUI FAIT DEBORDER LE VASE! (Après le Boeing, après Tomi-le-mafieux, après le cortège de motard, après la visite à Kidal, après… après… après… etc! Donc, il est désormais CERTAIN qu’Ibk NE PEUT PLUS RESTER AU POUVOIR!

      Conclusion, comme ce vieux voleur ne voudra pas partir de lui-même, et comme les Maliens n’accepteront plus désormais qu’il reste (et pour cause! 🙄 ), on risque un nouveau coup d’état!

  7. dioss

    “IBK est tout sauf un patriote,IBK est tout sauf un homme intègre,IBK n’est pas non plus cet homme de rigueur et expérimenté qu’on croyait”

    Je crois hélas que sans crainte d’exagérer, il est même EXACTEMENT le contraire!…

    Il faut impérativement qu’à sa prochaine apparition en public, ce vieux magouilleur soit publiquement hué par tout le monde! Qu’il sache enfin que le peuple Malien, ON NE LE TRIMBALLE PAS! :mrgreen: :mrgreen:

  8. “Personne n’est au-dessus de la loi, pas même vous, répète IBK à ses collaborateurs”

    “Pas même vous”…

    Pas con, le vieux voleur! Il s’était bien gardé de dire “Pas même NOUS”! :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:

  9. Les mots me manque pour qualifier la conduite de IBK.Ce comportement dépasse tout entendement.Non IBK ne peut pas pousser sa fausseté jusqu’au suicide.C’est très dommage,ce peuple qui t’a honoré se sent trahi sur toute la ligne et le dernier carré de tes vrais partisans est totalement désarmé.Nous pouvons plus défendre l’indéfendable au risque de subir une autre humiliation.Nous t’avions choisi pour pour ta supposé patriotisme, rigueur,intégrité morale,expérience dans la conduite des affaires publiques,malheureusement nous sommes passés totalement à côté et le constat est très amers.IBK est tout sauf un patriote,IBK est tout sauf un homme intègre,IBK n’est pas non plus cet homme de rigueur et expérimenté qu’on croyait.Nous nous sommes gravement trompés.

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