C’est un président Amadou Toumani Touré des mauvais jours qui débarque à Koulouba ce mardi 26 avril 2011. La journée a commencé par un train d’enfer, tant le personnel du protocole et de l’intendance n’avait vu le chef d’humeur aussi massacrante. Il n’a adressé la parole ni au directeur du Protocole d’Etat ni aux gardes du corps. Quand Samaké s’est avancé pour lui ouvrir la portière de la voiture, il lui a crié « Je ne suis pas manchot ! Laisse-moi ouvrir ! » Puis, il s’est engouffré dans la limousine en marmonnant et menaçant du regard les paras plantés à sa porte.
Arrivé à Koulouba, il passe un savon à l’adjudant qui tient lieu de chef de poste. Sans daigner jeter un regard à quiconque ni saluer, il entre dans son bureau. Il fait venir Mangal Traoré, son secrétaire particulier. « Prends une feuille blanche et propre et un nouveau stylo, je vais te dicter une série de décrets ! » En balbutiant de gêne, Mangal ose : « Mais Amadou, tu as oublié, c’est Django qui s’occupe de ces choses. » ATT s’avance, comme un léopard, vers Mangal, lui met l’index au milieu du visage et l’avertit : « C’est la dernière fois que vous vous permettez de m’appeler par mon petit nom. Nous venons tous de Mopti certes, mais la familiarité, c’est fi-ni ! Désormais et jusqu’au 08 juin 2012, à midi pile, vous direz Excellence, Monsieur le Président de la République ! Pigé ! Maintenant, écrivez… »
Le chef de l’Etat tournoie dans son bureau et se dit à voix basse : « Il faut que je frappe les esprits. Les DAF, les impôts, douanes, domaines de l’Etat, etc., ça ne suffit pas… » Puis, pour un laps de temps, un éclair illumine son visage. « Notez, le Président de la République, chef de l’Etat, Chef suprême des Armées, Président du Conseil supérieur de la magistrature, Président du Conseil supérieur de l’Agriculture et amis des enfants les tout-petits, décrète : Vu la Constitution et tout le reste là… Article premier : Mme Touré Lobbo Traoré, sage-femme d’Etat est relevée de ses fonctions de présidente de la Fondation pour l’enfance à compter de ce jour. »
Mangal qui est sur le point de perdre son latin arrête d’écrire. Il se ressaisit rapidement en pensant que son patron est ceinture noire de close-combat. Il prend une autre feuille. Et ATT se met en arrière de lui : « Un autre décret, je vais régler les comptes de tout le monde : Article Premier, Monsieur Sékou Diakité de la Commine dé, ancien ministre de la Solidarité, est demis de ses fonctions de Directeur du serveur informatique de la Caisse nationale d’assurance maladie. Article 2 : Il est interdit à Monsieur Oumar Ibrahim Touré, ancien ministre de la Santé, de distribuer des moustiquaires imprégnées. Article 3 : Il est interdit à Monsieur Sidi Sosso Diarra, ancien Vérificateur Général d’utiliser le terme -manque à manger- dans tout lieu public du Mali, en outre, il lui est interdit de lever le coude ! Article 4 : Mme Gakou Salamata Fofana est interdit de balade sur les berges du fleuve Niger, le long de l’espace vide abritant le futur Monument de l’Indépendance. »
Très satisfait, il se tourne ver s le colonel Abidine Guindo qui venait d’entrer : « Aucun président du Mali n’a osé ce que je suis en train de faire aujourd’hui, hein ? » Le colonel se gratte la nuque et n’ose pas répondre. Et le préposé au thé fait son entrée. Le président boit son breuvage et éclate de rire. Abidine sort et prend le théman au collet : « As-tu mis du almoukaykay dans le thé du patron ? » Il jure que non. Guindo revient dans le bureau et trouve ATT seul qui tournoie dans son fauteuil. Il se tourne vers son aide de camp et rit enfin : « Quand on lira tout à la télé vision, j’aurai réussi le meilleur poisson d’avril de l’histoire. » Abidine secoue la tête et lui dit : « Président, il reste quatorze mois, du courage, on partira la tête haute ! ».
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