On voudrait nous présenter ce voyage de Hollande au Mali comme le clou d’une programmation. Or ce qui frappe avant tout, c’est la dimension des évènements qui l’entourent. N’en faisons donc pas une captation médiocre, notre pays doit y gagner en gros plans.
Chronique formidablement dense et détonante d’un voyage élyséen après un « blitzkrieg » et qui commençait à Sévaré, en passant par la case Tombouctou, ce qui est inédit. Il faut surveiller au plus près chaque pas de nos hôtes, chaque déplacement, filmer les visages au plus près si possible des officiels des deux côtés. Le démineur qui nous rend visite (voir le titre d’un précédent article «La France, option Mali», Hollande, démineur de Dioncounda Traoré a désormais une vocation qui n’a rien à voir avec une quelconque conviction altruiste. C’est qu’il se retrouve avec une «patate chaude» en main, un dossier sur lequel son nom risque d’être attaché et dont il peut escompter des agios. Un voyage présidentiel qui suscite l’appétit. Le Président Dioncounda Traoré, au hasard d’un calendrier, avait dû reporter son déplacement sur Paris quelques 72 heures après l’intervention militaire française sur Konna. En recevant François Hollande, les Maliens ne vont pas bouder ce plaisir, même s’il sera très peu partagé en quelques petites heures seulement, tant ce voyage va charrier de la mémoire, du savoir et du récit. Alors, est-ce à une hallucinante autopsie que va nous inviter le Président François Hollande ?
Les relations franco-maliennes redeviendront singulières
Hollande revient à la case Bamako après l’étape de Sévaré et Tombouctou. S’il y a aujourd’hui un compte de soutien européen à l’endroit du Mali, on le doit à Hollande. Dans l’emploi de cette rencontre avec les Maliens, il faut rappeler que le cœur même, et surtout, ne doit se passer de raison. Ce que Hollande a fait pour les Maliens, c’est de nous avoir évité un coup de couteau dans le dos de la main des djihadistes à partir de Konna car on ne s’y attendait pas. Ce faisant, la France même se retrouve plongée au cœur d’une action dont elle n’a pas encore fini de prendre toutes les mesures. Sauf à prendre ce concours onusien qui se peaufine autour d’une révision de la Résolution 2085 remodelant l’action des Casques bleus pour prendre le relais. La guerre des sables contre les islamistes s’internationalise, et on ne pourra plus réduire la voilure. Entre nos deux pays, entre amis, il ne faut pas habiller l’histoire d’un pathétique requis ou l’en déshabiller du reste arbitrairement. On doit pouvoir se dire tout ce qu’on a à se dire. Les petites notes entendues sur les positions prises à Kidal ne pourront influer sur la qualité de nos relations actuelles car cette même histoire de nos relations avec la France a souvent été qualifiée d’incestueuses dans la foulée des années d’indépendance. Un monde de relations, comme on l’a écrit, qui témoignaient du moment où le chaos et l’ordre ont pu être perçus non comme contradictoires, mais s’entremêlant. La Françafrique, pour l’appeler ainsi, appellera à une domestication des pulsions. Le marché passé avec un De Gaulle est connu. Paris soutiendra des régimes à sa botte et fermera les yeux sur leurs turpitudes, en contrepartie des richesses de leurs sous-sols. Les entreprises françaises vont avoir une quasi-exclusivité et les mots de Présidents postiches ou de marionnettes s’installent. A la clé, un circuit de pouvoirs parallèles. Dans cette opacité, des noms comme ceux de Jacques Foccart, un Secrétaire général à l’Élysée. Nous sommes loin aujourd’hui de ces temps héroïques, et le néologisme de Françafrique conçu comme une collaboration harmonieuse entre la métropole et ses ex-colonies a pris un autre sens. Un système qui prospéra sous Valery Giscard d’Estaing et perdurera sous François Mitterrand. Avec le passage marqué de la Baule, Jacques Chirac fera ronronner la machine et Nicholas Sarkozy commencera à son tour un autre temps de l’interventionnisme sur le sol africain (en Côte d’Ivoire, en Lybie). Avec Hollande, entrera-t- on, dans le temps d’un recentrage du regard, dans les relations franco-africaines. Il y a 50 ans, le Président Modibo Keïta recevait le Prix Lénine de la Paix attribué en 1963 des mains de M. Skobetyne à Bamako. Aujourd’hui, le Président François Hollande recevra les insignes honneurs de l’amitié des Maliens, des populations qui n’oublieront rien et qui ne négligent rien. Les nôtres à Paris lui avaient déjà donné des noix de colas. François Hollande s’attendrait à un passeport malien, on le lui tient au chaud en attendant qu’il revienne nous voir à la maison un autre jour. Ceux qui tireront des dividendes de ce voyage : les gouvernants et, last but not least, le Président Dioncounda Traoré en personne. L’Exécutif s’offre déjà les statuts d’une incontournable référence.
S. Koné