Décidément une trouvaille qui ne semble pas trouver recette au Mali, ce fameux Haut Conseil d’Etat dont l’annonce fracassante a dû faire hérisser les cheveux à plus d’un juriste. Une autre invention malienne ? Les pauvres juristes, sevrés de détails, ont dû pousser des ‘’wait and see’’ en attendant de voir clair, dans l’espoir que des sources officielles viendraient apporter plus de précisions sur cet ovni (objet volant non identifié).
On nous a longtemps seriné avec le consensus, et voici le Haut conseil d’Etat ! Ce Haut Conseil d’Etat a, depuis lors, donné libre cours à toutes les supputations et interrogations, entretenues par le pesant et inexplicable silence des officiels à tel point que beaucoup d’entre nous pensèrent à juste titre que l’annonce resterait sans effet et que cette bizarrerie ne verrait jamais le jour.
Cet espoir de voir ce Haut Conseil d’Etat tourner court se justifie par une méfiance légitime des praticiens du droit envers toute trouvaille nouvelle, non inventoriée dans l’arsenal juridique des états modernes, ce qui est le cas en l’espèce où cette institution n’a nulle part son équivalent au monde et ne devrait en cas être confondue avec le Conseil d’Etat, un organe purement juridictionnel et non exécutif que les gens désignent communément dans le langage courant sous l’appellation de « Haut Conseil ». Le consensus ayant fait flop, quoi de plus normal que de craindre de voir notre malheureux pays, déjà très éprouvé, servir de nouveau de cobaye à une expérience hasardeuse, dont personne ne semble détenir les tenants et aboutissants ! Est-ce le meilleur moment, à l’heure où nous traversons la plus grave crise de notre longue histoire, de prendre des risques inutiles qui pourraient engendrer des difficultés insurmontables dans le fonctionnement d’un exécutif déjà affaibli par ce que tous les analystes décrivent comme un triumvirat, c’est-à-dire un pouvoir à trois têtes qui peine à trouver ses marques ?
En outre le silence des autorités après cette annonce n’a pas contribué à rassurer les esprits, ni sur la démarche qui a abouti à cette nouvelle invention, ni sur le fondement sérieux qui l’a sous-tendue. On était légitimement en droit d’attendre que de très larges informations et précisions soient données par qui de droit, mais personne ne pouvait s’attendre à un tel atermoiement à tel point que la conclusion générale était que ce projet n’avait pas été suffisamment muri avant son étalage public. Cette fois-ci les observateurs sont même sevrés des judicieuses contributions des habituels portes-voix officieux du pouvoir, contrairement au consensus et au fameux PDES dont les commentateurs et les supposés concepteurs sont largement venus dans l’arène pour soutenir leur révolutionnaire idée. Ce silence de nos commentateurs et doctrinaires de service a ajouté encore à la confusion, à tel point qu’on se demande quel est le magicien, l’alchimiste qui a accouché de cette prouesse. On image difficilement que le Chef d’Etat ait fait une annonce aussi fracassante sur un simple coup de tête, ni qu’il l’ait élaboré lui-même tout seul sans concertation préalable avec ses juristes. C’est là où la personne de l’inspirateur d’une si lumineuse création a toute son importance.
Elle aurait pu donner plus de visibilité, de crédit et même de force à une telle trouvaille, mais hélas aucun candidat pour officiellement, du moins publiquement, exposer des arguments qui auraient pu convaincre l’opinion et l’amener à y adhérer. Bref l’interrogation demeure sur l’identité du concepteur de ce Haut Conseil d’Etat et par ailleurs sur le contenu à lui donner, exercice auquel beaucoup de doctrinaires se sont cassés les dents, et dans lequel l’usage de nos manuels habituels de droit n’a pu nous être d’aucun secours, ce Haut Conseil d’Etat étant inconnu au bataillon de l’arsenal institutionnel de tous les systèmes politiques semblables ou proches du nôtre. Où sont –ils donc allé dénicher cette merveille de confusion et de flou ? Dieu seul et eux seuls le savent.
Pauvre Haut Conseil d’état qui se retrouve tout seul, à la manière d’un mort-né sans défense, privé du moindre soutien, même de celui de ceux habitués généralement à trouver géniale toute idée, si insensée et absurde soit elle, dès qu’elle émanerait de la bouche des Princes du jour ! A croire que les bonimenteurs de circonstance aient jugé prudent de ne pas entamer le peu de crédit qui leur resterait en s’engageant dans une bataille sans intérêt et perdu d’avance qui reviendrait à se faire le héraut de l’indéfendable. Le saut dans l’inconnu est loin de toujours constituer un exercice facile, et se frotter au Haut Conseil d’Etat pour en défricher les méandres risquerait de constituer un véritable parcours du combattant.
C’est pour cette raison, qu’il a fallu peut être attendre des lustres, alors que les esprits commençaient à se tourner ailleurs, pour voir apparaitre les premières informations, à travers les documents péniblement élaborés par la très énigmatique Commission Nationale d’Organisation des concertations nationales des forces vives du Mali(tout un programme) dont on se demande de quelle marge de manœuvre elle dispose, ni surtout sur quelle légitimité intellectuelle elle se fonde pour mener des réflexions aussi profondes.
D’ailleurs cette Commission est –elle autonome et indépendante ? Difficile de l’imaginer quand on se fonde sur son mode de composition, et surtout sur le document produit qui ressemble plutôt au respect scrupuleux, à la manière de soldats aux ordres, de termes de références élaborés et imposés par d’autres sources, bref un travail sans âme dénotant un manque criard de conviction, à croire qu’on s’y soit livré non pas pas par passion ou amour du travail bien fait, mais plutôt pour justifier sa présence et en tirer les dividendes attendues.
Un document élaboré dans ces conditions peut difficilement paraitre satisfaisant, surtout sur une question aussi complexe, et fatalement ne pouvait qu’aboutir à un échafaudage laborieux et désarticulé.
D’autre part, compte tenu de la gravité de la situation que nous vivons, alors que nous peinons déjà à mettre sur place un exécutif équilibré et cohérent, on peut raisonnablement penser que la création de ce Haut Conseil d’Etat est bien peu opportune.
I Un échafaudage laborieux et mal articulé
La lecture de ce document, loin d’apporter la clarté attendue est peut être venue ajouter de la confusion et troubler d’avantage les esprits déjà perdus et sceptiques. On y voit péniblement des scribes nager entre le droit (constitution) et le non droit (la transition) pour aboutir à la création d’une institution boiteuse dont on voit difficilement ce à quoi on pourrait raisonnablement la rattacher ni ce qu’à quoi elle pourrait se concrétiser sur le plan pratique, bref à rien de cohérent ou de fonctionnel.
Ils y donnent naissance à une machine lourde et vouée à la léthargie qui mettrait aux prises un Président du Haut Conseil, pris en tenailles entre deux vices présidents. Parmi ces derniers on cite sans rire le Militaire qui vient en deuxième rang dans l’ordre de préséance et ne serait, dixit dans le document, que le Président de la Commission chargée de la réforme de l’armée, flanqué de surcroit d’un vice-président civil, voué aux seconds rôles.
Un hic déjà dans cette démarche, c’est avant même sa création, échange des bons procédés oblige, cette désignation ad hominem du titulaire du poste réservé à l’armée. Que se passerait-il alors si le pressenti, qui ne manque pas de bon sens, déclinait ce cadeau empoisonné qui le placerait dans la ligne de mire de la Communauté Internationale et de ses contradicteurs nationaux ? N’eut-il pas été bien plus simple de prévoir que le titulaire sera simplement issu des rangs de l’armée, ce qui peut bien paraitre normal dans un pays au bord de la guerre.
Ce texte prévoit que le Haut Conseil d’Etat assistera le Président de la République qui en est pourtant lui-même membre, et aura de ce fait une double casquette, y compris celle paradoxalement de jouer le rôle distinct d’être bénéficiaire de conseil (décideur) et son propre conseiller en même temps.
Ne nous étalons pas dans cette laborieuse acrobatie entre l’application de la Constitution en certaines de ses dispositions et son rejet simultané dans d’autres de ses dispositions, comme si la loi fondamentale ne formerait plus un tout.
Ne nous étalons pas non plus sur la macabre démarche qui consisterait à vouloir établir lequel des deux vices présidents devrait remplacer le Président en cas de vacance du pouvoir, et qui finit pince sans rire pour en déduire que ce ne pourrait être logiquement que le vice-président militaire puisque c’est lui qui vient en premier rang dans l’ordre de préséance.
Ne nous attardons pas d’avantage sur ce Conseil National de la Transition au nombre pléthorique de 131 membres et qui seront de surcroit nommés par un décret non pas du Président de la République mais de celui du Haut Conseil d’Etat, un organe dont on sait qu’il n’est là qu’à titre d’assistance (sic). On peut déjà imaginer les empoignades à venir entre tous ceux qui ne voudraient pas manquer d’embarquer dans ce qui pourrait être la dernière vague juteuse de la transition, notamment parmi ces innombrables candidats de jadis à une fonction ministérielle.
II Un bouleversement inopportun et contreproductif
Il est difficile aujourd’hui, surtout à un moment où le système mis en place commence, faute de mieux, à avoir l’aval d’une partie de la Communauté internationale prête à se satisfaire de presque tout pour nous aider à sortir de ce bourbier, de convaincre que ces bouleversements ont pour seul but de réglementer le régime de la transition et de permettre à nos institutions de jouer pleinement leurs rôles. On peut bien se satisfaire du statu quo actuel et se concentrer sur les priorités du moment, la libération du Nord et l’organisation des élections.
Ce bouleversement ne pourra pas non plus nous convaincre, alors que nous allons dans les conditions normales vers la fin de cette période troublée, que ces créations puissent paraitre d’une quelconque utilité pour le pays. Bien au contraire elles risqueraient de nous détourner des vrais objectifs du moment, et de nous enfoncer dans de vaines et inutiles querelles de clochers et d’intérêts qui auraient pour effet de bruler le peu de sympathie que les regards extérieures garderaient encore de nos responsables nationaux.
En tout état de cause, il est clair que cette création d’organes dont le rôle semble flou, même dans l’esprit de ses concepteurs, n’aura d’autre effet que d’amener des dysfonctionnements inutiles dans une gestion déjà assez compliquée de la chose publique, où on peine à discerner quel est le véritable rôle de chacun de ceux qui ont notre destin en charge. Le risque est de nous voir revenir aux vieux démons du chaos que nous avons connu dans les mois qui suivirent le coup de force, avec des autorités militaires en position de force et peu décidés à lâcher du lest et des responsables civils aux ordres. Ce n’est pas en ce moment, où sous la pression des faits, alors que les auteurs du coup de force ont choisi d’avoir le profil bas pour permettre une bonne coopération avec la communauté internationale, qu’il faut nous ramener à la case départ avec un Haut Conseil où les représentants civils n’ont ni les moyens, ni même apparemment la moindre volonté de s’imposer et de jouer pleinement le rôle qui leur est dévolu.
A vouloir trop règlementer, par esprit de zèle, ou pour d’autres douteuses motivations, dans l’espoir de donner des gages à celui qui n’en a guère besoin, on rendra sans doute un très mauvais service à l’armée et à ceux qui y détiennent la réalité du pouvoir, eux à qui on ne manquera pas d’imputer la cause de tout échec de ces futiles démarches, et cela du seul fait de leur présence dans ce Haut Conseil d’Etat, eux qu’on voudrait voir se tenir loin de tout centre d’exercice du pouvoir exécutif. On perçoit alors très peu l’utilité que pourrait présenter un tel montage pour les maliens, et pour le Président de la Commission de réforme de l’armée lui-même, si sa présence pourrait contribuer à troubler nos rapports, déjà bien difficiles, avec la Communauté internationale.
C’est le lieu enfin de dénoncer notre propension à l’improvisation et à s’engager à la légère dans des actions vitales pour notre pays sans s’assurer de disposer de l’expertise nécessaire, fut-elle d’origine extérieure, l’essentiel étant de procurer à des proches des revenus sans se préoccuper de leur capacité véritable à accomplir valablement une mission de cette importance. Ce fut le cas de la Constitution dont nous dénonçons aujourd’hui les imperfections et failles, c’est aussi le cas pour la composition de cette commission à laquelle aucune compétence véritablement reconnue ne semble avoir été associée, cette mission étant confié à des fantômes, des alchimistes du droit jouant les mentors et donneurs d’idées, prêts à imaginer les créations les plus absurdes pour flatter l’ego de nos dirigeants et gagner leur pain. Ces alchimistes se soucient très peu des conséquences désastreuses qu’une mauvaise analyse pourrait entrainer pour le pays tout entier.
Gageons que pour une fois, en raison de la grave crise que nous traversons, que ceux qui tiennent le destin de notre pays en mains sauront se ressaisir pendant qu’il est temps, et qu’ils réfléchiront encore par deux fois avant de nous engager dans une nouvelle aventure que beaucoup jugent périlleuse pour notre cohésion nationale. Les sujets devant faire l’objet d’un véritable débat ne manquent certainement pas, mais ce ne sont pas ceux qui porteraient sur de vaines créations de couteux et inutiles organes. Utilisons nos maigres ressources à soulager nos frères du nord, et même à créer des conditions plus motivantes pour l’armée appelée à se battre contre des adversaires redoutables, mais de grâce ne les gaspillons pas dans des futilités qui ne profiteraient qu’à des intérêts égoïstes et non pas à ceux du peuple malien.
Par Abdoulaye GarbaTapo, Juriste, écrivain
Bonjour,
Pourquoi à travers la gouvernance consensuelle et participative, le haut conseil de l’État ET ses composantes ne pourraient pas être crées ou juste, comme le demande la CEDEAO, créer le conseil national de transition dont le rôle (consultatif) ne sera pas de se substituer à l’assemblée nationale ?
Pourquoi à travers les concertations nationales et de façon consensuelle, le haut conseil de l’État et ses composantes ne pourraient pas être crées en liaison avec l’assemblée nationale pour la création de lois idoines ?
Sans assemblée nationale, comment avait été crée le conseil consultatif du Niger ? Ce dernier, constitué des représentants des partis politiques et de la société civile, a piloté toute la transition du Niger, proposé une constitution qui a été adoptée, certes, par référendum.
Recourir au référendum prendrait beaucoup de temps.
Contrairement au Niger lors sa période de transition, le Mali dispose actuellement d’une assemblée nationale.
Alors, pourquoi la complexité juridique, dont vous parlez, du processus va bloquer le Mali et n’avait pas bloqué le Niger qui ne disposait pas pourtant d’assemblée nationale lors de sa transition ?
Les Maliens doivent aller les uns vers les autres, travailler ensemble A TRAVERS LES CONCERTATIONS NATIONALES afin d’établir les consensus qu’il faut pour débloquer la crise pour le bonheur de tous et pour l’intérêt général.
Le plus tôt sera le mieux: c’est l’attente qui complique de plus en plus les choses car les délais se resserrent et les populations Maliennes souffrent des effets induits par cette crise, qui a déjà trop duré.
Bien cordialement
Dr ANASSER AG RHISSA
EXPERT TIC ET GOUVERNANCE
E-mail: Webanassane@yahoo.com
Me Tapo, le Consensus est un concept politique et ne peut etre codifie par aucun “juriste” ou matheux. Sans ce concepte, aucun accord npolitique n’est possible en democratie les ineterts sont divergents d’une personne a une autre, d’un groupe a un autre, d’une region a une autre, d’un pays a un autre.
Enfin en tout ce que nous faisons,APPRENONS A NE PAS BLAMER LES IDEES, LES CONCEPTS, MAIS PLUTOT LES PERSONNES chargees de LES APPLIQUER. Que ce soit par rapport a la democratie, la politique de facon generale etc….
coco=blanche neige= sanene ba kulé fa kulé den kulé itakou bakou 👿 ❓ 😆
retraité toubab degeux faSS kul de babouin: ——————–> 😳
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