ENTRE DEMANDE SOCIALE ET EXIGENCE DEMOCRATIE : La chute d’ATT
I- Demande sociale
L’un des principaux piliers de la « Vision » et du projet de société proposé par le candidat ATT aux maliens reste la satisfaction des besoins fondamentaux et le bien-être de toutes les maliennes et de tous les maliens. La demande sociale est et reste donc au cœur des priorités du président ATT. Quel jugement portent-ils les maliens sur l’action du président ATT dans ce domaine après 4 années et demi de gestion à la tête du pays ?
1°) Naufrage du Parti de la Demande sociale
A la question de savoir si leur sort s’est amélioré sous ATT, ils sont 1227 (43,71%) des sondés à penser que leurs conditions de vie se sont améliorées (417 dans la rue et 810 dans les journaux et par téléphone) contre 1299 (46,28%) à croire qu’elles se sont plutôt détériorées durant le règne d’ATT dont 744 dans la rue et 555 dans les journaux et par téléphone. 281 sondés (10,01%) restent sans opinion.
Pour ce qui est des attentes et préoccupations quotidiennes, 828 des 1362 sondés sur le terrain les estiment insatisfaites contre 298. Au cumul des procédés 49,27% (1383) des 2807 sondés restent insatisfaits contre 1078 soit 38.40%. Enseignement : le Parti de la demande sociale du président ATT n’a pas atteint ses objectifs. Les maliens restent insatisfaits et déçus sur tous les bords.
2°) Priorités passées à la trappe
Dans sa lettre aux maliens, le candidat ATT avait mis en avant 16 priorités parmi lesquelles :
2-1) L’Ecole
L’on dénombre 915 (32,60%) sondés selon lesquels la gestion de l’école est bonne dont 480 dans la rue et 435 dans les journaux et par téléphone contre 1377 (49,06%) qui croient qu’elle reste mauvaise (662 dans la rue et 715 dans les journaux et par téléphone) ; 515 sondés (18,35%) étant sans opinion. Non seulement les opinions «défavorables » frôlent les 50% (49,06%) au total ; mais aussi, dans la rue, elles retrouvent toute leur expression 662 sondés contre 480.
2-2) L’emploi des jeunes :
Ils sont 815 (29,03%) parmi les sondés qui jugent «bon » la politique de l’emploi des jeunes dont 360 dans la rue et 455 dans les journaux et par téléphone contre 1389 (49,48%) personnes qui soutiennent le contraire dont 774 dans la rue et 615 dans les journaux et par téléphone.
2-3) La sécurité alimentaire :
Nous avons 1045 (37,23%) personnes qui estiment que la sécurité alimentaire est garantie (385 dans la rue et 660 dans les journaux et par téléphone) contre 1238 (44,10%) qui pensent qu’elle ne l’est point dont 748 pour la rue et 490 pour les journaux et par téléphone, avec 524 (18,67%) sondés sans opinion.
2-4) L’habitat :
Les 2164 (77,09%) personnes sondées sont sous le charme de la politique des habitats sociaux du président ATT dont 789 dans la rue et 1375 dans les journaux et par téléphone contre 458 (16,328%) qui n’y trouvent pas leur compte. Constat tout de même, sous forme de bémol : les opinions favorables relayées par les journaux et le téléphone «écrasent » celles de la rue (1375 contre 789) même si la tendance est inversée avec les opinions défavorables (418 contre 40). Les ATT-bougou de Yirimadio et de l’intérieur du pays sont sans doute passés par-là.
2-5) La santé :
Les 2807 maliens sondés sont à 1431 (50,98%) à penser que la gestion de leur santé est bonne (646 dans la rue et 785 dans les journaux et par téléphone) contre 936 (33,35%) à croire qu’elle est mauvaise dont 511 dans la rue et 425 dans les journaux et par téléphone. L’on note que la majorité (50,98%) a une opinion favorable sur le système de santé, un des rares domaines avec l’Habitat où la gestion du régime bénéfice auprès de l’opinion d’un satisfecit.
2-6) Les libertés publiques :
Au moins 1122 (39,97%) sondés sont convaincus que les libertés publiques sont garanties au Mali avec 592 dans la rue et 530 dans les journaux et par téléphone contre 1242 (44,25%) qui n’en sont pas du tout convaincus. L’on constate que les opinions favorables se tiennent presque dans la même fourchette dans la rue (592) comme dans les journaux (530), à l’avantage toutefois de la première qui se laisse distancer dans les opinions défavorables (385 contre 557). Les marches interdites ou perturbées par les forces de l’ordre avec les gaz lacrymogènes, les rapts et bastonnades de journalistes expliquent sans doute le sentiment d’une opinion publique vis-à-vis du régime, coupable à ses yeux de graves entorses et violations des droits de l’homme et des libertés syndicales.
2-7) La justice bonne :
Elle reste toujours sur le banc des accusés. Ils sont seulement 601 (21,41%) sondés à placer leur confiance dans la justice (291 dans la rue et 310 dans les journaux et par téléphone) contre 1664 (59,28%) qui pensent qu’elle est mal distribuée. Non seulement peu de gens (21,41%) lui font confiance ; mais également la majorité (59,28%) a une opinion négative sur la justice. La rue et les journaux étant sur ce sujet à peu de chose près sur la même longueur d’onde.
2-8) La sécurité et la paix sociale :
L’on compte 1107 (39,44%) qui estiment que la sécurité et la paix sociale sont garanties au Mali avec 477 dans la rue et 630 dans les journaux et par téléphone contre 1170 (41,68%) qui estiment le contraire. Autant dire que les opinions contraires sont presque «paritaires » avec respectivement 29,44% et 41,68%, mais la mauvaise appréciation générale l’emporte sur la bonne.
Au total donc, les maliens restent sur leur faim, pour ne pas dire déçus de l’action du président ATT sur le terrain de la demande sociale qui était pourtant l’une de ses principales priorités. Encore une fois, nul ne dit que rien de positif n’a été fait depuis le retour d’ATT au pouvoir, mais les maliens, à travers le présent sondage, estiment négatif son bilan social. Quid de la gouvernance démocratique ?
II- Gouvernance démocratique
Globalement, les maliens sondés dans le District de Bamako entre le 16 octobre et le 03 novembre, n’ont pas une appréciation sévère de la gouvernance démocratique sous la houlette du président ATT. S’il y a une année, leur opinion était nuancée, aujourd’hui elle est presque tranchée quant à :
1°) La gestion du pays
A la question le pays est-il bien géré, sur 2807 sondés, 1148 (40,90%) pensent que oui (423 dans la rue et 725 dans les journaux et par téléphone) contre 1311 (46,70%) à dire non. L’on note en général que l’appréciation négative (46,70%) l’emporte sur celle positive (40,90%) même si les sans opinions restent à peu près identiques dans la rue (178) comme dans les journaux (170). Il faut sans doute chercher l’explication de cette tendance dans la persistance de la corruption et la culture de l’impunité, mais aussi parce que la pauvreté gagne chaque jour du terrain en dépit des discours lénifiants qui ne changent rien dans le mal-vivre des populations rurales et périurbaines.
2°) La démocratie :
A la question, la démocratie malienne a-t-elle progressé sous le président ATT, 1086 (38,69%) sondés répondent par l’affirmative (456 dans la rue et 630 dans les journaux et par téléphone) contre 1352 (48,17%) qui pensent qu’elle a plutôt régressé pour une proportion de 369 (13,15%) de sans opinions. Constat : il existe 10 points d’écart entre les pourcentages positif (38,39%) et négatif (48,17%) et que, par ailleurs, cet écart entre la rue et les journaux est plus grand dans l’un (456 contre 630) que dans l’autre (717 contre 615) dans ce cas de figure. Mais l’opinion générale, c’est que la démocratie malienne a régressé à cause du faux consensus qui a fait retourner le Mali à la case départ : le parti unique de fait et l’informel politique à travers le Mouvement citoyen qui joue au parti sans en être un. Comme le dirait le Pr Issa N’DIAYE, du parti unique, on est aujourd’hui à l’homme unique.
3°) Le consensus :
Que pensent-ils du consensus ? 1006 (35,84%) sur 2807 sondés le jugent comme un progrès (396 dans la rue et 610 dans les journaux et par téléphone) contre 1364 (48,59%) à estimer que c’est un recul pour la démocratie plurielle et multi partisane (774 dans la rue et 590 dans les journaux et par téléphone). La tendance exprimée dans la rue est en effet nettement tranchée : les maliens rejettent le consensus et estiment que c’est un recul. La raison, c’est que le Mali vit avec ATT (un président indépendant) dans un «parti unique de fait » et que le fait majoritaire (même relatif) n’a jamais été reconnu à l’Assemblée nationale.
4°) La rébellion :
Le régime du président ATT a-t-il bien géré la rébellion avec la signature de l’Accord d’Alger ? Sur 2807, au moins 865 (30,82%) sondés estiment que la nouvelle rébellion au Nord a été bien gérée (210 dans la rue et 655 dans les journaux et par téléphone) contre 1564 (55,72%) qui sont persuadés qu’elle a été mal gérée. Dans la rue, sur 1362 personnes interrogées 1034 contre 530 estiment que le régime à mal géré la rébellion. Il y a non seulement la gestion solitaire et antidémocratique du dossier en amont ; mais aussi, la fuite en avant à travers l’Accord d’Alger et la culture de l’impunité accompagnée d’une discrimination négative, en aval. Le plus grave, c’est que l’impasse est aujourd’hui totale, ledit accord ne pouvant être appliqué en l’état.
5°) Le Mouvement citoyen :
Que pensent les maliens de l’immixtion des « amis du président ATT » sur la scène politique ? Si 702 (25,01%) sur les 2807 des sondés n’y voient aucun inconvénient, ce sont au total 1351 (48,13%) qui pensent le contraire avec 756 dans la rue et 595 dans les journaux et par téléphone. La raison, c’est que le Mouvement citoyen un instrument qui sert à marginaliser et à piétiner les partis politiques, car il joue au trouble-fête politique au mépris de toute éthique en la matière : c’est un parti qui ne dit pas son nom et qui est traité dans les faits comme tels.
6°) Partis politiques
Quelle est la formation politique qui incarne le mieux les aspirations des maliens ? Sur les 2807 opinions exprimées, le Parti du tisserand se taille la part du lion avec 1151 avis favorables suivi du PDJ du Doyen Abdoul BA avec 396, du PIDS avec 329. L’Adéma est lourdement sanctionnée par l’opinion et reléguée à la 4ème place suivi de son allié du moment l’URD.
Sur la rue, les tendances sont inverses, les grands partis étant confrontés à leur électorat sur le terrain : le RPM vient en tête avec 422 avis favorables sur 1362 opinions recueillies par notre équipe de sondage, suivi de l’Adéma (194), de l’URD (143), du Parena (72) du MPR (43) et du CNID-FYT (33).
7°) Le RPM dans l’opposition est bien, mauvais et autre :
Le destin du RPM se trouve-t-il dans l’Opposition ? En tout cas, le parti de Ladji Bourama est en train de réunir sur lui l’unanimité oppositionnelle. En effet, sur les 2807 opinions exprimées à travers ce sondage, 1799 (64,09%) sont favorables à un RPM (Rassemblement pour le Mali) dans l’opposition au régime ATT (929 dans la rue et 870 dans les journaux et par téléphone) contre 637 (22,69%) défavorables.
Peut-être parce que la nature, même politique, a horreur du vide ; mais plus sérieusement, parce que les Maliens voient au RPM une alternative crédible aux atermoiements du régime ATT face aux dossiers brûlants de l’heure : la rébellion au Nord, la lutte contre la corruption et la délinquance financière, la bonne distribution de la justice de manière équitable et impartiale, le crédit et l’autorité de l’Etat, etc.
8°) La plate-forme :
On en compte 813 (28,96%) sondés à estimer que la plate-forme politique en gestation est une bonne chose dont 408 dans la rue et 405 dans les journaux et par téléphone contre 1196 (42,61%) à croire qu’elle est mauvaise. Il convient de noter à ce sujet que l’opinion générale désapprouve la plate-forme en question (42,61% conte 28,96%). Néanmoins, le taux élevé de «sans opinions » avec 28,43% montre que les gens ont peu d’information sur cette plate-forme qui peine justement à prendre forme et que, par ailleurs, elle est perçue comme une alliance contre nature où l’on tenterait de ménager la chèvre et le choux ou de garder dans la même bergerie le loup et l’agneau.
III- Action gouvernementale
Que pensent les maliens du Premier ministre Ousmane Issoufi MAIGA et de son gouvernement ? Ont-ils été à la hauteur ? Sont-ils encore dignes de confiance pour poursuivre l’œuvre, notamment piloter les élections ?
1°) Le gouvernement Pinochet :
Les 1198 (42,68%) Maliens sondés ne cachent pas tout le bien qu’ils pensent du gouvernement Pinochet dont 423 dans la rue et 775 dans les journaux et par téléphone contre 1167 (41,57%) qui le jugent mauvais. En général, les Maliens sont mitigés sur les bons (42,68%) et les mauvais (41,57%) points à distribuer à Pinochet, quoique le positif l’emporte légèrement sur le négatif. Est-ce parce qu’ils se sont habitués à lui ou qu’il ne voient de successeur digne de sa «neutralité » ou encore que cela ne vaut pas la peine de changer de chef de gouvernement à quelques encablures (6 à 7 mois) des élections présidentielles et législatives, surtout que ledit changement de monture risque de créer plus de problèmes à ATT qu’il n’en résout en fait d’autant plus que le président dit n’avoir pas «toutes les cartes en mains » pour ce faire ?
2°) La reconduction de Pinochet :
A la question les maliens souhaitent-ils voir reconduire Pinochet, ils sont 1025 (36,52%) sondés à penser que Pinochet doit être reconduit à la tête du gouvernement avec 505 dans la rue et 520 dans les journaux et par téléphone contre 1479 (52,69%) à croire qu’il doit vider le plancher de la Primature. La rue et les journaux sont sur la même longueur d’onde (505 et 520) pour plaider en faveur du maintien de Pinochet à la Primature, mais les journaux (835) devancent la rue (644) pour souhaiter son départ, celle-ci prenant sa revanche (213 contre 90) avec les «sans opinions ». Ce qui est toutefois patent, c’est que la majorité écrasante (52,69%) souhaite le départ de Pinochet qui n’est supporté que par une minorité (36,52%). D’autre part, cela est en contradiction flagrante avec les statistiques «mi-figue, mi-raisin » ci-dessus concernant la gouvernance Pinochet.
3°) La confiance pour piloter les élections :
L’on dénombre 1177 (41,93%) des Maliens sondés qui ont confiance dans les élections à venir dont 442 dans la rue et 735 dans les journaux et par téléphone contre 1224 (43,61%) qui n’ont point confiance. La rue mène la danse par deux fois pour apprécier négativement (679 contre 545) comme pour les «sans opinions » (241 contre 165). Mais ce sont les journaux qui lui dament le pion (735 contre 442) pour opiner favorablement sur les élections. La confiance comme le manque de confiance restent en deçà de 50% même si, en règle générale, les septiques (43,61%) sont légèrement plus nombreux que les gens confiants (41,93%). Les inquiétudes étant nourries par les conditions d’installation (incomplète) de la CENI 2006, mais également par la gestion du fichier électoral par la DGE qui s’est brouillée (est-ce exprès ?) avec son «technicien-maison » qu’était Tata informatique.
4°) Le classement des ministres
C’est Modibo SYLLA qui réalise le meilleur score de 39,12%. Il est suivi de MM. Ousmane THIAM (7,09%), Moctar OUANE (5,27%), Nancouma KEITA (4,74%), Choguel Kokalla MAIGA (4,20%), Natié PLEAH (4,10%), les autres étant en dessous de la barre de 4%. Si Modibo SYLLA est «plébiscité » avec 1025 voix obtenues dans les journaux et au téléphone, c’est Ousmane THIAM qui caracole en tête dans la rue avec 164 votes favorables, suivi de Moctar OUANE (128) qui est talonné par Nancoma KEITA (123) et Natié PLEAH (105) qui boucle les 100 points, les autres étant en deçà. L’explication apparente, c’est qu’il s’agit des ministres les plus en vue sur le terrain pour diverses raisons.
5°) Une femme Premier ministre : oui, non et autre :
Les maliens sont-ils prêts à accueillir une Dame à la Maison du Peuple ? Si 691 (24,62%) sondés ne voient pas d’inconvénient à voir nommer une femme à la tête du gouvernement malien (451 dans la rue et 240 dans les journaux et par téléphone) par contre 1848 (65,84%) s’offusqueraient d’une telle éventualité…
Est-ce parce que les maliennes n’en ont pas l’étoffe ou qu’elles souffrent encore des pesanteurs sociales qui les confinent dans les rôles secondaires ou subalternes ou bien que la démocratie malienne n’est pas assez mûre pour cela ?
IV Présidentielle 2007 :
En tant que premier responsable de la gouvernance, le président ATT reste aux yeux des maliens comptables de toutes les frustrations et autres impatiences. Pour n’avoir pas su entretenir l’illusion (au contraire) et laissé son régime entre les mains d’un clan affairiste, corrompu et incompétent, le président ATT prend un sérieux coup dans l’estime de l’Opinion et sa coté subie la chute la plus vertigineuse depuis son arrivée au pouvoir : plus de 10 points en moins de 6 mois. Toute chose qui profite à ses adversaires et challengers potentiels pour la présidentielle de 2007.
C’est donc en toute logique que IBK s’impose avec 1272 opinions favorables (45,32%), suivi de ATT (35,20%), de Boubèye (12,65%) et de Kida (0,68%), les sans opinions se partageant les 2,64% qui restent. Le président du RPM doit son score à la rue où il engrange 754 points contre 303 pour ATT et 153 pour Boubèye, Kida n’ayant obtenu que 10. En revanche, c’est ATT qui a le plus grand nombre de points (685) dans les journaux, étroitement suivi de IBK (518), Boubèye bouclant le trio de tête (202), Kida occupant la dernière place (9).
Le président ATT subi un sérieux contre coup de l’opinion, parce c’est la première fois depuis 2002 qu’il descend au dessus de la barre des 40%. Peut-être aussi que c’est la première fois depuis 2002 que l’opinion est appelée à choisir entre lui et d’autres candidats ? Ou est-il simplement lâché par les maliens à la suite de l’Accord d’Alger, des révélations du Sphinx, des agitations stériles de son camp, de l’échec de sa gouvernance ?
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