Fini le suspens. Celui sur la candidature du président sortant, Ibrahim Boubacar Kéita. Lundi, par sa voix et chez lui-même, en sa résidence de Sébénicoro, il a solennellement déclaré sa volonté de briguer un second mandat. Vingt quatre heures seulement après, son dossier de candidature, compilé en bonne et due forme fut déposé auprès de la Cour Constitutionnelle.
Deux week-ends durant, auparavant une demi-douzaine de candidatures, certaines à travers des meetings populaires, d’autres sous la forme statutaire de leur formations politiques ont été déclarées. Il faut s’attendre à d’autres déclarations de candidatures, dans les heures, jours et semaines à venir. Car, conformément au communiqué de la Cour Suprême, les dépôts de candidature sont ouverts du 28 mai au 30 juin et l’ouverture de la campagne est fixée au 7 juillet.
On n’a pas besoin d’une boule de crystal pour déduire que le retard dans la déclaration d’intention de certains prétendants pour Koulouba 2018 est dû au manque de fonds. Manque de fonds d’une part pour payer les 25 millions de caution et, d’autre part, pour acheter le parrainage nécessaire des 10 députés ou des conseillers de toutes les régions et du district de Bamako. Cela est un secret de polichinelle, la signature de chaque député est marchandée à 10 millions de nos francs.
Certes pour raison de stratégie électoraliste, certains postulants, même disposant des fonds nécessaires pour la caution et le parrainage, font le choix d’apparaître en dernière position avec un bon plan de campagne, concocté dans le temps et dans l’espace.
En outre, tous les autres, qui avaient tôt commencé à inonder les réseaux sociaux et les ondes des radios, sont buttés au manque de moyens, à l’insuffisance de ressources financières. C’est pourquoi ceux qui ont nourri l’espoir de rééditer le phénomène Macron chez nous, sont tous, pour la plupart, en train de céder le terrain ou de se résoudre à des alliances. De ce fait, l’horizon de cette présidentielle est en train de s’éclaircir.
Dans un pays en crise comme le nôtre, seuls ceux qui disposent de gros moyens pourront tenter d’amorcer les virages de Koulouba. En la matière, le mérite revient au président du PARENA, Tiebilé Dramé qui, ayant compris cela, a préféré faire basculer les chances de son parti du coté de Soumaïla Cissé. Ce dernier, mesurant tout le sens de ce sacrifice, a transféré la direction de sa campagne au chef du parti du bélier blanc. Toute chose qui a permis de donner vie au siège du PARENA, qui abrite maintenant des réunions, celles de campagne ou d’organisation de marche de l’opposition.
En clair, tout ce qu’on va dire et faire pour convaincre sur la portée de ce scrutin, force est d’admettre qu’il sera budgétivore pour n’importe quel candidat. Et cela pour trois raisons.
D’abord la place de la communication. Sur ce chapitre tout le monde a compris ce que l’agence ivoirienne Vodoo a joué comme rôle dans la victoire du Mandé Massa en 2013. De ce fait, les prétendants sérieux ne vont jamais lésiner sur les moyens pour promouvoir ou soigner leur image. Même si les médias locaux n’en verront que dalle.
Ensuite par rapport à l’importance des régions de l’intérieur et des compatriotes de la diaspora dans la comptabilité des suffrages. Il reste avéré que Bamako n’est pas une décisive localité électorale, comparativement à certaines régions du pays et des résidants de l’extérieur, qui sont des grands électeurs à partir de la consigne de vote qu’ils donnent à leurs villages respectifs. Tout candidat ambitieux devrait dès la période de précampagne, entreprendre des tournées auprès de ceux-ci. Et cela exige de gros moyens. Surtout pour ceux qui comptent sur les voix des régions du Nord.
Enfin, la gestion du processus même nécessitera des investissements colossaux. On peut faire semblant de fermer les yeux sur le niveau réel de citoyenneté de l’électorat malien, sinon de plus en plus l’adhésion politique, l’expression de suffrage est monnayé en espèces sonnantes et trébuchantes. Car en plus de déficit de conviction politique, la population locale est déçue du politique malien et ne donne plus sa voix par volonté citoyenne mais à cause du poids du portefeuille. Les candidats semblent bien imprégnés de cette réalité. Cela si l’on tient compte des grosses enveloppes et autres donations déjà distribuées aux artistes, chroniqueurs et autres activistes.
Rien à faire, cette élection sera la plus coûteuse en termes de participation financière pour les candidats. Ceux qui en doutent peuvent se lancer dans la course pour, à coup sûr, animer la galerie, en attendant de se marchander au 2è tour.
Moustapha Diawara