Le 06 avril dernier, le président de la République, Amadou Toumani Touré et son Premier ministre, Mme Cissé Mariam K. Sidibé ont formé leur équipe. Le moins que l’on puisse, c’est que le Maliennes et Maliens ne sont pas sortis de la chambre froide. Car, de toute évidence, ce Gouvernement ne travaillera pas !
ATT a entamé son premier mandat sous le signe du consensus. Il voulait absolument boucler le deuxième et dernier mandat sous le consensus. Il a été affecté par les fissures survenues à la veille des élections de 2007. Il n’a pas apprécié la naissance d’un embryon d’opposition qui mettrait du sable dans la chaîne de sa gouvernance voulue sans anicroches. A quatorze mois de la fin, alors que le pays désespérait de le voir congédier un groupe usé et improductif qui n’était plus capable de mobiliser et de motiver, il a enfin mis à la porte Modibo Sidibé, et de manière abrupte. Pendant des jours, il a consulté, écouté et promis. ATT connaît le Mali et les Maliens, il connaît les limites de la résistance du Malien à l’appel du pouvoir et de son corollaire, l’argent facile et les honneurs. Il savait qu’il était possible pour lui d’obtenir des réponses positives à ses sollicitations et il ne s’est pas trompé.
Tous les grands partis, à l’exception notable du Sadi du Dr Oumar Mariko, ont répondu à son appel. Et les leaders ont envoyé des candidats. Certains promus, d’autres recalés. Tout le monde est content (sauf évidemment les recalés). Mais il faut analyser cette ruée de manière calme et réfléchie : certes on reprochait à l’équipe Modibo Sidibé sa sclérose et pourtant, ce nouveau Gouvernement qui a tout l’air du réchauffé sec ne travaillera pas. Il s’agit purement et simplement d’un appel au partage du gâteau. Voilà, la table est mise, tout le monde peut se servir et c’est le Mali qui paiera la note au bout.
Il est illusoire de croire que des personnes issues de partis aux intérêts aussi divergents que l’ADEMA, le RPM, le CNID, l’URD, le Parena, l’UM-RDA, le MPR, le PDES et quoi d’autre encore, se mettront autour d’une table de travail, dans une synergie créative et une symphonie magistrale pour coordonner leurs efforts et leur énergie au seul bénéfice du Mali. Nous sommes aujourd’hui menés par un exécutif au sein duquel chaque ministre, avant de penser au jeu collectif, mouillera d’abord le maillot pour sa formation, son clan, sa coterie et pourquoi pas, pour demain qui s’annonce déjà aussi proche.
La feuille de route proposée par le Général est claire : elle est faite d’un sentiment d’urgence face aux défis proches qui sont : reformes institutionnelles pour sortir notre démocratie de la léthargie, moralisation de la vie politique et de la gestion des fonds publics, redynamisation de l’Etat, atteinte d’objectifs de croissance, etc. Cependant, dans la simple démarche, dans la gestation puis l’accouchement de cette équipe, le sentiment d’urgence a disparu. Il a fallu attendre une semaine, sept jours, pour connaître le nom du successeur de Modibo Sidibé. Et les ministres, nouveaux comme anciens n’ont rencontré leur chef que le lendemain de la publication de la liste. Les passations de service n’ont commencé que le vendredi 08 avril. Dix jours ont passé sans que l’on sache exactement qui fera quoi dans ce pays. Et pendant ce temps, toute l’administration fonctionnait au ralenti. Le Mali était devenu une vaste salle d’attente et les bureaux des lieux de commérages et de prestidigitation.
Ni ATT ni Mariam K. Sidibé ne feront rouler ce Gouvernement à leur rythme et selon le tempo défini. Les ministres rouleront pour eux-mêmes et leurs partis. Le président ne tardera pas à se retrouver devant des choix difficiles : soit fermer les yeux et laisser chaque chef de département en faire à sa tête ; soit constater qu’une partie des nommés ne joue pas le jeu et s’en débarrasser au risque de provoquer un clash avec la formation d’origine.
Et les partis politiques ne seront pas à l’abri de révisions déchirantes et de querelles fratricides. Ceux qu’ils ont envoyés au sommet de l’Etat ne sont plus des militants mais des serviteurs de la Collectivité toute entière. Auront-ils la hauteur d’esprit et le sens du devoir pour comprendre qu’un ministre n’est pas au service d’un parti mais de tout le Mali ? Et ces ministres qui ne manqueront pas de s’enrichir dans ce partage du gâteau, auront-ils la « reconnaissance du ventre » pour se sentir redevables envers les compagnons qui ont permis leur ascension sociale et professionnelle ?
En voulant réunir tout le monde autour du plus petit dénominateur commun, nous craignons fort qu’ATT ait crée un Léviathan dont il perdra très vite le contrôle à défaut de laisser faire, pressé qu’il est de cultiver son jardin de Hamdallaye. Dans tous les cas, ce sera à son successeur de mettre fin à cette culture de prédation, cette dérive qui, aujourd’hui, est à l’origine de la multiplication des formations politiques : créer sa propre secte pour se mettre en embuscade, attendre le partage du gâteau et s’en aller avec sa ration.
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