Rétrospection :Comment faire travailler nos Ministres ?

0

«Il faut se remettre au travail le plus rapidement possible, le temps presse». Cette injonction du président de la République s’adresse bien sûr aux Ministres. Elle est devenue comme une rengaine, entendue après chaque «remaniement ministériel, réajustement gouvernemental ou réaménagement technique». On comprend qu’à chaque fois, ATT soit excédé, ayant le sentiment que les Ministres, nouveaux ou anciens, ne font rien pour faire avancer son PDES, en panne depuis des années. Cette fois-ci, il y a eu plus d’empressement que d’habitude. Il n’a fallu qu’une semaine, jour pour jour, au Chef de l’Etat pour remplacer les chef de gouvernement et Ministres démis, avec les passations en prime. Mais peut-on bousculer ces gens ?

Pour cause de remaniement longtemps attendu, en effet, personne (les « ministrables ») ne travaillait plus réellement. Etant dans l’expectative sur le sort que leur réserve le grand manitou, les Ministres et ministrables (ces derniers, généralement hauts commis de l’Etat) avaient initié des activités tendant à forcer le destin. Profitant de voyages personnels ou de missions officielles, les uns et les autres s’évertuaient à consulter devins et voyants qui se chargeaient de leur lire l’avenir et, éventuellement, trafiquer le sort. Bien entendu, marabouts et charlatans, tout en s’enrichissant facilement au passage, ne se sont pas abstenus de présenter à leurs «patients» une ardoise lourde, pour leurs honoraires, et une note salée, en faveur de leurs complices et alliés «pharmaciens», vendeurs d’herbes magiques, de poulets, d’œufs, de cabris et d’autres boucs. Donnant du coup un regain de travail aux ménagères contraintes de ramasser, chaque matin, les ordures (coquilles d’œufs, feuilles, racines, écorces, etc.).
Le 06 avril dernier, ATT a coupé court à toutes les supputations et levé le suspens, et a désigné les 32 Ministres qui vont siéger dans le gouvernement de la Grande inconnue. Mais, après tous ces mois d’inertie et de paralysie, sur fond d’incompétence et d’incapacité, les Ministres vont-ils se mettre pour autant dans l’immédiat au travail ?

Malgré l’impatience du Prince du jour, rien n’est moins sûr. C’est vrai que Kaïdama et son Chef affirment vouloir aller vite. Moins de 24 heures après leur nomination officielle, les nouveaux élus étaient convoqués à la Primature pour prendre connaissance des exigences du Maître et des grands traits de leurs feuilles de route respectives. Quarante-huit heures plus tard, un jour de repos, s’est tenu le premier conseil des ministres.

Mais, si pressé soit-il, le Chef de l’Etat va bientôt déchanter et se rendre compte que les Ministres ne sont pressés que pour occuper leurs strapontins et maroquins. En guise de travail de «mission et d’action», nos braves et fiers Ministres vont d’abord passer le temps à étudier les C.V de leurs amis, relations et parents, en quête de promotion. Et s’entourer de collaborateurs et subordonnés discrets et prompts à fermer les yeux, la bouche et les oreilles sur les inévitables indélicatesses, à se boucher le nez sur les odeurs pestilentielles des malversations et corruptions. Le limogeage des directeurs financiers et du matériel n’y changera strictement rien.

Après s’être bien entourés au cabinet et au secrétariat général, les ministres devront alors faire face à la valse d’autres subordonnés: ceux qui dirigent les démembrements et services déconcentrés. Ces directeurs nationaux, généraux, régionaux, locaux feront, pour la plupart, le voyage pour féliciter de vive voix leur Ministre de tutelle, lui faire allégeance, et lui apporter quelques cadeaux. Dans les régions du Nord, même un mouton «balibali», pourtant vendu à prix d’or, ne sera pas de trop pour contenter un chef. Pourvu que ce dernier n’oublie pas le bienfait et vous maintienne en poste.

Eh oui, monsieur le Mrésident, il en faudrait beaucoup plus que des conseils de ministres à la hussarde, des feuilles de route mal recentrées, des lettres mal cadrées pour presser vos ministres, et les amener enfin à travailler pour autrui que pour eux-mêmes. Parce que vous avez oublié l’essentiel : si le poisson est pourri, il ne suffit pas de lui trancher la tête et de lui enlever quelques écailles pour qu’il soit comestible. On le jette à la poubelle ou on le transforme en aliment-volaille.
Cheick Tandina

Commentaires via Facebook :