Remaniement ministériel :Les limites de la technocratie

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La litanie est bien connue : chaque nouveau gouvernement est qualifié de «technocrates». Et celui attendu dans les instants à venir ne fera pas exception à la règle, du moins, à en croire des sources autorisées. Le parcours du dernier en date, celui de Modibo Sidibé en l’occurrence, aura laissé de nombreux doutes sur une efficacité présumée de ce type gouvernement face aux contraintes de l’actualité. Décryptage.

L’idée, celle consistant à évaluer les membres du gouvernement, était peut-être géniale. Mais l’initiative mourut de sa belle mort. Le nouveau premier ministre au moment des faits s’était en effet engagé, dès sa prise de fonction, à procéder régulièrement à une évaluation des membres de son équipe. Chose promise n’est pas forcément due. A cause de la nature technique de certains départements, nous apprend-on par la suite, le projet fut abandonné. Pas d’évaluation et par conséquent, pas de jugement de valeurs. Nos ministres pouvaient dès lors se consacrer à la routine au détriment de l’essentiel. Le recul nous permet aujourd’hui d’évaluer, pour notre part, ces hommes et femmes à la lumière du bilan (et surtout des échecs) et d’avoir au moins un aperçu des perspectives.

On notera qu’aucun des grands programmes du gouvernement sous Modibo Sidibé n’a, hélas, connu une suite heureuse. Bien entendu, la responsabilité n’incombe pas à la seule institution gouvernementale.

Le projet d’adoption d’un nouveau code des personnes et de la famille n’a pas connu d’aboutissement. Quand bien même votée par l’Assemblée nationale, la loi n’a pas été promulguée et ne le sera probablement jamais.

Le volet productivité de l’initiative riz a été certainement une réussite. Un Succès cependant annihilé par l’échec de la commercialisation. Le programme initial, rappelons-le, visait à la fois à satisfaire la demande nationale à un coût supportable et à exporter ensuite une partie de la récolte. Le deuxième objectif a, semble-t-il été, atteint au contraire du premier.

Le président de la République avait, en outre, engagé notre gouvernement de technocrates à préparer d’autres réformes : la relecture des textes fondamentaux de la République, en l’occurrence. Difficile, à l’heure actuelle, de miser sur ce programme. Et pour cause.

A quelques encablures de fin mandat du président et dans un contexte pré-électoral, il ne serait pas aisé d’entreprendre une telle opération suivie d’un referendum constitutionnel, avec succès.

En somme, les insuffisances relevées dans les résultats du RAVEC (Recensement Administratif à vocation électorale) ne seront également pas de nature à faciliter un éventuel référendum constitutionnel à fortiori une élection présidentielle. Des partis politiques ont d’ores et déjà émis de sérieux doutes sur l’existence d’un fichier électoral fiable.

Sur les 12. 814.126 Maliens recensés (1.379.288 sont dans l’attente), 1.379.288 n’ont pas encore de numéros d’identification, de l’aveu du gouvernement (Conseil des Ministres). En clair, un peu moins de 3 millions de personnes ne sont pas susceptibles de voter à l’heure actuelle.

Corriger ces insuffisances et organiser un référendum constitutionnel et une élection présidentielle crédible et dans le délai requis n’est pas gagné d’avance pour le prochain gouvernement.

D’autres entorses et non des moindres limiteront par ailleurs les marges de manœuvres des technocrates les plus chevronnés.

A l’heure actuelle, en effet, l’administration publique malienne doit faire face à des contraintes de taille sur le front social.

Le régime assurance maladie obligatoire (AMO) sert en effet aujourd’hui de levure à toutes les autres revendications syndicales. Nos technocrates ont, comme par le passé avec le code des personnes et de la famille, d’abord soigneusement élaboré, fait voter et mis en œuvre le projet avant d’avoir un consensus autour de la question. Conséquences: la plupart des syndicats, même ceux affiliés à l’UNTM laquelle a donné sa caution, se désolidarisent de leur centrale et entament aujourd’hui une marche de protestation. Il ne s’agit évidemment pas d’associer une composante de la société aux travaux consécutives aux reformes de cette envergure. Une plus grande adhésion est souhaitée avant et seulement avant leur adoption définitive. Cette attitude reste le jeu favori de nos gouvernants. « Oui, ils ont été associés », se lancent-ils pour se donner bonne conscience. Bien entendu, « être associé aux travaux » ne signifie nullement « être d’accord avec les résolutions ». Une notion élémentaire de la gouvernance que nos technocrates ont omise. Délibérément !

Toujours sur le front social, le prochain gouvernement doit s’attendre à la crise alimentaire annoncée par les instances internationales (FAO), ainsi qu’aux effets collatéraux des crises ivoirienne et libyenne (lire communiqué du FMI). Peut-on faire confiance à nos technocrates ? Le doute est permis. Et pour cause.

Face à la cherté de la vie avec ses corollaires (spéculations) et nonobstant d’importants subventions et autres avantages accordés aux opérateurs économiques, le gouvernement sortant n’a pu réguler les marchés et soulager ainsi le consommateur. «Un technocrate», ministre de la République fit même une sortie malencontreuse pour annoncer et imposer des prix supérieurs à ceux du marché.

Les déboires de nos technocrates sont nombreux. Souvenez-vous donc des grandes résolutions issues du forum de la diaspora et de la triste réalité que vivent aujourd’hui nos compatriotes à l’extérieur ; Des Etats Généraux sur la corruption et sur l’Ecole et les faits d’actualité ! S’il fallait décidément évaluer nos ministres technocrates …

B.S. Diarra

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