La décision de remanier le gouvernement, prise par ATT, est loin d’avoir clos les débats. On l’avait déjà dit dans ces colonnes, le remaniement n’a pas fait l’objet de l’attention et les discussions nécessaires entre ATT et, notamment, la classe politique. Ce qui laisse penser qu’il résulte d’une impréparation et d’une improvisation. Mais, tout le monde n’est pas de cet avis. C’est peut-être vrai dans le cas de la désignation de Mariam Kaïdama Sidibé comme Premier ministre.
En effet, tout semble indiquer que l’ancienne fonctionnaire du CILSS n’a été informée qu’au dernier moment, après une discussion sérieuse entre Amadou Toumani Touré et son prédécesseur, Alpha Oumar Konaré.
Mais, concernant les représentants des partis politiques et de leur quota respectif dans le gouvernement, les calculs semblent être loin d’être anodins et fortuits. En réalité, ils procèdent d’une longue préparation, de consultations et concertations menées longtemps avant que le processus de remaniement ne soit effectif. Notamment, le choix des représentatifs est loin d’être dû au seul hasard. Et c’est ce qui fait, aujourd’hui, l’objet de la vague de contestation et de grogne au sein de certains états-majors politiques. Principalement, dans la «Ruche» dont certains responsables s’estiment «lésés et floués» par le chef de l’Etat.
Selon plusieurs indiscrétions, ils ne seraient pas les seuls à crier à la «trahison». Dix partis politiques sont représentés dans le nouveau gouvernement. Il s’agit du PASJ (4 ministres), de l’URD (3), du PDES (3), du RPM (1), du Cnid (1), de l’UM-RDA (1), du Parena (1), du PIDS (1), du Mpr (1), de la Codem (1).
Le constat fait par les acteurs et observateurs de la scène politique est que tous ces Ministres sont acquis à la cause de l’actuel locataire de Koulouba, peut-être même plus qu’à leurs formations d’origine. Du PDES, cela se comprend aisément. Ce parti est issu du Mouvement citoyen, une association politique qui avait été créée pour «susciter et appuyer» la candidature d’Amadou Toumani Touré, en 2002, assurer sa réélection en 2007 et l’accompagner dans la mise en œuvre du Programme pour le Développement Economique et Social. Le PDES, donc, ne s’est jamais démarqué du président de la République, même après la scission du Mouvement citoyen, dont les émanations, la FCD et le PCR, sont restés acquis à ATT. Mais, le cas des autres partis pose problème, même si le Pasj, l’Urd, le Cnid, le Pids, le Rda, le Mpr, le Parena et le Rpm ont participé, à des degrés différents, à la gestion consensuelle du pouvoir, de 2002 à 2007. Même si, à part le Parena et le Rpm, les autres ont continué à servir le pouvoir. Pourquoi ces responsables de partis politiques doutent-ils de leurs représentants ?
D’après les premiers éléments de réponse, ils soupçonnent le président d’avoir nommé uniquement les hommes et les femmes qui l’arrangent, et avec lesquels il a le plus d’affinités. A l’Adema, seul Tiémoko Sangaré a été reconduit. Harouna Cissé a été son Directeur de campagne ; Soumeylou Boubèye Maïga, son Conseiller spécial et est resté très proche de lui ; Yacouba Diallo est un pion essentiel de la politique des logements sociaux. Au Mpr, il a préféré Madeleine Bah à Oumar Kanouté, proposé par la Direction du parti. Au Cnid, Kadjoké, qui a fait ses armes dans l’emploi des jeunes, est devenu incontournable dans la politique d’emploi et de formation politique. Daba Diawara du Pids est nécessaire dans la mise en œuvre des réformes institutionnelles et politiques. Le Rda, bien que quasiment inexistant, est un allié traditionnel. David Sagara (Codem) est un spécialiste de la décentralisation, donc nécessaire pour booster le processus en panne. Seul l’Urd semble avoir tiré son épingle du jeu, en maintenant ses deux anciens ministres auxquels s’est joint Amadou Cissé (il est de Ténenkou), un atout majeur pour conserver le leadership dans la région de Mopti. Quid du Rpm et du Parena ? Au premier, on avait fait miroiter deux départements, dont un pour une femme. Au finish, «les Tisserands» n’auront qu’un seul ministère, l’élevage et la pêche, assez peu important, qui sera dirigé par Bocary Tréta, porté disparu depuis 1999. Depuis cette date, que faisait-il, où était-il ? Quant au second, il hérite du ministère le plus décrié et controversé, la jeunesse et les sports, qu’un cadre du Parena avait déjà eu tous les maux du monde à diriger.
En conclusion, et s’il est avéré que tous ces hommes et femmes roulent pour le seul ATT, il faut reconnaître que ce dernier a bel et bien son gouvernement de mission et d’action. Encore faudrait-il qu’on sache exactement quelle mission et quelle action leur sont réellement confiées.
Cheick Tandina