REMANIEMENT MINISTERIEL : Des rebelles de Tégharghar dans le prochain gouvernement ?

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«Bougez pas », tel serait l’instruction donnée très officiellement aux ministres par le Chef du Gouvernement, SE Ousmane Issoufi MAIGA, la semaine dernière. Mesure budgétaire ou raison plus politiques en rapport avec le projet de remaniement que certains observateurs prévoyaient pour la rentrée ? Dans l’hypothèse d’un changement d’équipe gouvernementale, si la question logique se pose quant à  l’ampleur et l’orientation du nouveau gouvernement, du maintien ou départ de son Chef, le débat n’est toutefois pas tranché en ce qui concerne la présence ou non des Alliés de Tégharghar qui, on le sait, avaient exigé un certain nombre de portefeuilles dans le futur gouvernement.

Après les vacances gouvernementales, le débat est plus que jamais relancé sur le remaniement ministériel avec le maintien ou non du Premier ministre Ousmane Issoufi MAIGA et, surtout, l’entrée des rebelles touaregs dans la nouvelle équipe devant conduire aux élections présidentielles de 2007. Le président ATT va-t-il céder à nouveau au chantage des déserteurs rebellés en acceptant de constituer un gouvernement de la République du Mali sur des bases ethniques et régionalistes, comme jamais pratiqué auparavant dans notre pays qui avait jusque-là échappé à ce démon africain du faciès tribaliste où la compétence intrinsèque et le mérite personnel ne comptent plus pour occuper un poste ou exercer un métier ? Car, à y regarder de plus près, le Mali va ressembler en ce moment à une sorte de confédération de tribus ou d’ethnies où le pouvoir ne sortira plus des urnes, mais il se trouvera au bout de la kalachnikov qui respire la haine et crache la mort subséquente des frères ennemis.  

En effet, peu avant la signature de l’Accord d’Alger le 4 juillet 2006, les insurgés rebelles du 23 mai dernier avaient formulé certaines exigences en matière de justice sociale et d’équité politique, au nombre desquelles, on peut citer : 3 portefeuilles ministériels et 6 postes diplomatiques, une dizaine de directions nationales pour les représentants de la communauté touarègue (en vérité pour ceux qui ont pris des armes). C’était le prix à payer, disent-ils, pour les faire résonner et les ramener à de meilleurs sentiments vis-à-vis du reste des populations maliennes qui seraient «mieux loties » que les minorités arabes et touarègues du Nord notamment celles de la région de Kidal.

Peu après, en réalisant que le Mali officiel avait la trouille au point de ne même pas appliquer le règlement militaire aux soldats déserteurs (une désertion avec mort d’hommes et pillage de magasins de munitions) et qu’il était par conséquent prêt à tout brader pour avoir «la paix qui n’a pas de prix », les rebelles de Téghargharett ont monté les enchères à la faveur des négociations menées sous l’égide du voisin algérien : la mainmise totale et effective sur Kidal qui bénéficie d’une autonomie de fait accordée par l’Accord d’Alger du 4 juillet 2006.

Moindre mal

Selon certaines sources bien introduites, ces événements ont beaucoup influé sur le chronogramme et l’échéancier politique et institutionnel, en tout cas, pour ce qui est du fameux remaniement ministériel programmé et reporté à plusieurs reprises et pour lequel, le président ATT avait lancé sur une aire de confession en soutenant n’avoir pas toutes les cartes en main. Son dilemme étant à trois niveaux.

D’une part, faudrait-il oui ou non remplacer Pinochet à la Primature et par quel personnage «neutre » qui ne représente pas non plus un «danger » pour le régime ATT à la longue comme ce fut le cas entre Alpha et IBK ? Deux noms ont beaucoup circulé depuis l’année dernière dans les salons feutrés de Bamako : Modibo SIDIBE, l’actuel secrétaire général de la présidence de la République,  et Abou-Bakar TRAORE, ministre de l’Economie et des finances. Le nom du premier est cité à plusieurs reprises pour trôner à la Primature sous le règne ATT auquel il a été fidèle pendant et après le CTSP contrairement à d’autres collaborateurs anciens qui l’avaient fui comme une peste dix ans durant. Le second est apprécié pour sa technicité et son efficacité en matière de gestion macroéconomique et financière.

En revanche, le maintien de Pinochet à son poste (une équation qui n’est pas totalement tranchée) peut être, dans un contexte consensuel fortement ébranlé par la crise au Nord et évolutif, repositionnement électoral exige, un atout pour «gérer dans la continuité » les affaires publiques même si son gouvernement a été, dit-on, pris de court par les événements de Kidal et de Ménaka qu’il n’a pas pu prévenir ni analyser avec profondeur et lucidité comme en témoigne éloquemment la signature de l’Accord d’Alger dont le double vice de forme et de fond est patent. Il a toutefois l’excuse d’avoir été écarté de la gestion, le problème ayant été considéré comme du domaine «militaire à 100% ». A cet égard, « le Vieux », comme l’appellent certains ministres, peut paraître comme le moindre mal dans un jeu de prudence institutionnel.

Donne électorale

D’autre part, faut-il prendre l’initiative de faire sortir du gouvernement ceux qui ont d’autres agendas et calendriers, référence au RPM qui, lors de sa conférence nationale, n’a fait mystère sur ses ambitions et a même fait une résolution pour investir son candidat pour 2007. Si politiquement la fracture est nette entre les bords, nul ne veut encore assumer la responsabilité de la rupture. En tout cas, le congrès reporté du RPM, jusqu’à une date récente, avait été un tournant essentiel vers le remaniement qui, disait-on, devrait être en fonction de la candidature ou non d’IBK « contre » ATT en 2007. Maintenant que c’est chose faite, reste la donne de la rébellion qui est venue en mai dernier comme un cheveu dans la soupe du remaniement ministériel.

Boussole politique       

Enfin, faut-il oui ou non nommer des Insurgés au gouvernement es qualité comme les membres de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement de Téghargharett l’avaient exigé avant l’Accord d’Alger ? Selon certains observateurs, le président ATT serait disposé à avaler toutes les couleuvres rebelles pour préserver son image de «faiseur de paix » devant la communauté internationale comme si cette opinion était sa boussole politique en matière électorale et décidait en lieu et place du souverain Peuple malien.

Système tribal

En accédant à cette demande (chantage en réalité), le président ATT contribuera à coup sûr à tribaliser le système républicain et démocratique du Mali. Si d’aventure il venait à former son nouveau gouvernement sans ces rebelles touaregs, il donnerait à ceux-ci le prétexte de crier à la non tenue de ses promesses et à l’exclusion sociale et politique de leurs cadres quand bien même Ousmane Issoufi MAIGA ne soit pas à la Primature au nom et pour le compte de la communauté Songhay, pas plus que Abou-Bakr TRAORE ne représente tous les «Bambaras », encore moins Zeynab Mint YOUBA ou Badi ould GANFOUD qui ne sauraient figurer dans le même gouvernement au nom et au profit des Arabes/Maures, ni Sadio GASSAMA et Hamet Diane SEMEGA au nom des Soninkés. Et que dire des autres minorités sociales du Mali qui n’ont jamais eu de ministres dans le gouvernement du Mali indépendant depuis 46 ans ou même des groupes «majoritaires » qui n’y sont point représentés en fonction de leur poids démographique ?

Engrenage psychologique

Quelques membres du Gouv. MalienL’ironie de l’histoire politique, c’est que le président ATT s’apprêterait à faire son remaniement en étant en possession de «toutes les cartes en main » par rapport à l’opposition qui se serait officiellement assumée et affichée. L’allusion indirecte était faire au RPM qui s’était signalé par la critique des actions gouvernementales en montrant certaines faiblesses de gestion comme la demande sociale en deçà des attentes et le mépris du fait partisan majoritaire à l’Assemblée nationale.

Mais en mois de septembre, le président ATT semble avoir perdu «toutes les cartes en main » avec les mille inconnues des événements du 23 mai dernier, y compris le risque de partition du pays à long terme. C’est ce que les Bambaras appellent : «Donni donkoma ; ni ye a don ka taga kofè, i fa bè sa ; ni ye a don ka taga nye fè, i ba bè sa ; ni tora a donbali ye, i yèrè bè sa ». Le seul salut véritable, c’est de sortir de l’engrenage psychologique qui se veut maladivement pacifiste jusqu’au renoncement à soi-même qui est synonyme de suicide politique en cédant à tous les desiderata des rebelles de Téghargharett qui n’ont ni foi ni loi envers les autres Maliens, encore moins supérieurs en droit ou par naissance aux autres Maliens.

Par Seydina Oumar DIARRA-SOD

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