«Vous ne siégez pas au Gouvernement au nom de vos partis, mais au nom du peuple Malien». Ainsi s’adressait Amadou Toumani Touré aux membres du nouveau Gouvernement lesquels venaient de prendre fonction. Cette mise au point plus inspirée par un sentiment nationaliste que politique, prend aujourd’hui toutes ses dimensions et met très en mal son auteur.
ATT ne serait pas mécontent de voir certains ministres débarrasser le plancher. Mais voilà : puisqu’ils n’y ont pas siéger au nom de leurs partis respectifs, il ne peut nullement leur être demandé de démissionner au nom de ces formations.
La réflexion s’adresse exclusivement à deux membres de l’actuel Gouvernement : Cheick Oumar Sissoko (Culture) et Nancouma Keïta (Environnement). Les partis d’origine de ces deux ministres ne sont pas signataires de la Plateforme de l’ADP et ont dit à qui veut l’entendre qu’ils ne soutiennent pas la candidature de ATT. Ne pas le soutenir, c’est évidemment, s’opposer à lui. Ces deux formations constituent donc l’opposition politique du moment. Ils ont pleinement adhéré au gouvernement sur le principe du consensus prôné par ATT lui même, un autre piège qui se referme autour du «Champion du consensus ». Force est de reconnaître qu’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes au sein de l’équipe gouvernementale. Ils peuvent, sans doute, être cité parmi les meilleurs du Gouvernement Pinochet.
Mais à quelques encablures des élections générales de 2007, une autre lecture du tableau s’impose. Il n’est certes pas encore temps de balancer la fameuse Lettre de Cadrage dans les poubelles, mais la réalité politique s’invite au débat et à tous les protagonistes. Tout comme il s’avère politiquement incorrect pour ATT de se renier et de garder un opposant politique au sein de son gouvernement à quelques coudées de ces consultations générales, il est tout aussi incommodant pour les ministres en question de siéger dans un gouvernement où leur départ est souhaité. Si ATT est aujourd’hui tenu pas ses engagements et déclarations, ces ministres peuvent à leur tour trouver une bonne excuse afin de rendre le tablier et mettre ainsi tout le monde à l’aise. Ils n’ont qu’à se conformer à cette autre mise au point du même auteur : «que celui qui a un calendrier électoral se démette». Pas de réaction jusqu’à ce jour, quand bien même, les appelés aient clairement fait connaître leurs intentions politiques et n’arrêtent pas de mettre le même gouvernement au pilori.
En somme, la direction de ces partis préfère se focaliser sur la première injonction («vous ne siéger pas dans le gouvernement au nom de vos partis politiques») que de se démettre pour cause de calendrier électoral. Nous sommes en politique, le coup est permis. En somme, la situation leur profite bien. Elle n’est pas du tout réjouissante pour ATT. Il ne peut les congédier sans se renier lui-même. En le faisant, il aurait, lui même, mis fin à son «consensus», chose à laquelle il n’avait cesse d’inviter les autres. Mais en les maintenant, il met en mal ses propres amis politiques lesquels durent faire face aux attaques en règles de ces mêmes opposants pour leur choix à son égard. Aussi, et puisque n’ayant pas fait un secret de leurs ambitions électorales, ils ne seront pas blâmables s’ils posaient des actes de nature à compromettre les chances de réélection de celui-là même qui les a sollicités.
Si c’était à refaire, ATT réfléchirait certainement à deux fois avant de parler. Un de ses vieux pères l’avait pourtant mis en garde : « au Mali, mon fils, évite de trop parler ! ». Le « fils » n’a visiblement pas écouté. Et voilà le résultat.
B.S. Diarra
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