C’est désormais chose faite : le Mali dispose désormais de son nouveau gouvernement avec à sa tête, une femme ce qui est une première dans notre pays. Faut-il le rappeler, la mise en place de ce gouvernement s’est faite sur grand fond de rumeur et de supputation de toute sorte. Sans doute qu’il était attendu de pied ferme parce qu’il sera le dernier gouvernement du dernier mandat du président Amadou Toumani Touré mais aussi en raison des échéances électorales qui vont dominer les débats à venir et tenir la classe politique malienne en haleine ainsi qu’une bonne partie du peuple malien.
A propos de ce gouvernement et de sa structure, les avis divergent sur les appréciations des uns et des autres et sur les interrogations suscitées par l’option faite par le président de la République de donner ce qui peut en apparence, ressembler à un coup de “pagaie” pour ouvrir de réelles perspectives de développement pour notre pays et renforcer ses institutions politiques. C’est à l’aune de ces objectifs que de nombreuses interrogations viennent à l’esprit de l’observateur et de l’analyste de la situation politique nationale.
La première question qui vient à l’esprit est en rapport avec l’objectif qu’a bien pu fixer Monsieur le président de la République à la nouvelle équipe gouvernementale. Pour avoir vu et observé les précédentes équipes, celle-ci n’a pas pour vocation véritable d’inventer “la roue”. Son action devra se situer dans le prolongement et la poursuite des nombreuses politiques développées et présentées par le candidat Amadou Toumani Touré, dans le cadre du “Pdes”. Sur la base d’une telle démarche, il y a de fortes chances que ce gouvernement ne procède nullement à de grandes réformes ni à des changements majeurs au sein de l’appareil administratif. Cependant, un certain nombre de situations conflictuelles, nées sous le gouvernement de l’équipe conduite par Modibo Sidibé n’ont pu connaître un dénouement heureux. Il s’agit essentiellement de la question scolaire et universitaire.
L’école malienne est aujourd’hui dans un piteux état tel que l’on ne peut lui prédire un avenir meilleur. Et pourtant, le président de la République a décidé renouveler sa confiance aux deux animateurs principaux de l’école malienne. Est-ce à dire que les deux ministres en charge des questions de l’éducation sont sans reproches ? Ont-ils été maintenus pour conduire les mêmes actions dans le cadre de la même politique, par ailleurs “violemment” dénoncée et repoussée par les enseignants, qui sont loin d’être une portion négligeable dans la question scolaire.
La question sécuritaire fera également partie des objectifs de cette équipe gouvernementale. Le septentrion malien est en prise directe avec la rébellion touarègue. Les rapts d’étrangers, notamment d’occidentaux ont fait déserter cette partie du Mali, désormais un “no man’s land”. Du coup, l’opinion globalement favorable au Mali, pays de démocratie, d’hospitalité et de tolérance a laissé la place à des réserves, des critiques et méfiance. Le tourisme en forte baisse connaît une chute au point que les prestataires de services dans ce secteur ne sont plus légion. Le nouveau gouvernement devra sans doute avoir un œil et une attention soutenue sur cette question et exprimer la présence et le soutien de l’Etat aux professionnels de ce secteur, première vitrine de notre pays.
Bien d’autres questions qui se posent sans que les solutions ne suivent vont sans douter venir troubler le sommeil du chef du gouvernement. Les prix des denrées sur le marché, les factures d’eau et d’électricité, le prix de l’essence et du gaz, les frais de transport, la sécurité dans les rues et sur les routes, la corruption, l’état défectueux de notre administration et du système qui l’entoure…
A côté de toutes ces missions courantes et régaliennes de l’Etat, l’organisation des élections de la façon la plus acceptable est aussi du ressort et des prérogatives de ce gouvernement. A entendre la sonnette d’alarme tirée par le Parena, il n’est plus un secret pour personne que si rien n’est fait, notre pays, à l’instar de bien d’autres sur le continent, prend le risque d’installer le nid de la contestation des élections à venir.
Comme tout bon gouvernement, celui qui vient d’être mis en place doit poursuivre les actions pour améliorer les conditions de vie des citoyens maliens. Ce gouvernement doit pouvoir rassurer que toutes les mesures sont prises pour l’organisation et la réussite des échéances électorales futures. Voici les deux missions majeures de ce nouveau gouvernement. Ces deux missions sont d’autant plus importantes l’une et l’autre que ce gouvernement ne doit point être partisan. Une certaine neutralité lui permet de mener à bien sa mission en ce qui concerne l’organisation des échéances électorales tout en n’oubliant pas la conduite de l’action gouvernementale au quotidien et la gestion du quotidien des populations. Il est important d’y veiller surtout quand on sait que cette équipe compte en son sein d’importantes personnalités politiques de notre pays. Il s’agit d’un vice-président de l’Adema, de deux membres influents de deux partis, à savoir le Parena et le Rpm, le président du Pdes.
Des responsables politiques au plus haut sommet dans leurs formations dont un membre sera forcément candidat à l’élection présidentielle de 2012. Il n’est d’ailleurs pas exclu que ces membres “partisans” au sein du gouvernement se mobilisent pour donner le plus de chance possible à leur “candidat” afin de leur permettre de remporter la présidentielle. Dès lors, on est en droit de se demander si cette équipe dispose de moyens véritables pour assurer aux citoyens des élections libres et transparentes. Cette équipe est-elle à même de mener à bien cette mission ?
Loin de nous toute idée de minimiser les capacités des personnes qui vont animer l’action gouvernementale. Seulement, il se trouve que la première femme nommée à un poste de Premier ministre sentira parfois une certaine solitude. Elle se sentira d’autant plus seule qu’elle n’est pas politique. Et n’aura d’autre soutien que celui du président de la République. A y regarder de plus près, on en est à se demander, excédés par tout ce remue-ménage, si ce remaniement était opportun et s’il valait réellement la peine. Attendons voir…
Makan KONE