Nous revenons ici sur notre article intitulé “Primature : le choix de l’immobilisme” paru dans le N° 2480 et qui avait été mal imprimé.
Les putschistes du 19 novembre 1968 qui ont renversé le régime du président Modibo Keïta n’avaient pas que des détracteurs, ils avaient aussi leurs admirateurs. Parmi eux: un jeune lycéen nommé Modibo Sidibé connu au Badialan (un quartier de Bamako), où sa famille est installée depuis de longues années, sous le nom de « Jimmy ». Troisième fils d’un officier de l’armée, le jeune Jimmy est fasciné par les lieutenants qui ont pris le pouvoir au petit matin du 19 novembre 1968. A la différence d’un AOK qui, à la tête de l’association des élèves de l’Ecole normale supérieure, déclencha une grève contre le coup d’Etat, le jeune Modibo Sidibé alias Jimmy était aux anges ! La vie du pays avait pris un nouveau cours, la sienne aussi.
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De Bamako à Reims
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Son bac philo en poche, il ne s’engagea pas l’armée…. Mais dans la police. En ces temps incertains pour le Mali, le chef de la police s’appelait Tiékoro Bagayo-go, le redoutable Tiékoro alias Django, le faucon, bras droit de Moussa Traoré et homme fort du comité militaire.
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Tiékoro exerçait une fascination toute particulière sur Modibo Sidibé désormais envoyé à Perpignan en France pour préparer une maîtrise en droit public . De son côté, Django vouait une affection toute fraternelle à son protégé et poulain. Il lui ouvrira les portes des universités d’Aix en Provence et de Reims pour y entreprendre des études de criminologie afin de mieux servir son mentor, son pays et sa police. Dans la métropole française l’élève-officier côtoie timidement la communauté estudiantine malienne toute engagée au sein de l’AESMF, la fameuse association des étudiants maliens de France qui animait à l’époque, à elle seule, l’opposition au régime militaire.
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Les assemblées générales de l’AESMF comme celles de la FEANF ( fédération des étudiants d’Afrique noire en France) que fréquentait l’élève-policier étaient des hauts lieux de dénonciation des régimes africains, celui du Mali en particulier. Il ne prenait jamais la parole mais ses camarades, qui ne se méfiaient pas de lui, engageaient des discussions sur divers sujets dont bien entendu le Mali et les frasques des lieutenants devenus colonels. C’est à Reims que Modibo Sidibé a côtoyé entre autres Aboubakar Traoré et Fanta Sylla qu’il a faits nommer ministres dans le gouvernement sortant de Pinochet.
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Avec le général Coulou
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De retour au Mali, nanti d’un doctorat en sciences criminelles, il ne trouva pas son mentor. Celui-ci avait été emporté par les luttes de clan au sein de la junte. Django qui n’avait pas tiré le premier, se trouvait au bagne de Taoudénit où il s’éteindra par suite de mauvais traitements, de malnutrition et de maladie non soignée….. La vie continue… Le désormais intellectuel de l’armée sera récupéré par le général Mamadou Coulibaly, ministre de la défense qui fera de lui son chef de cabinet. C’est à ce poste stratégique que le commissaire de police, Modibo Sidibé vivra les événements du 26 mars 1991. Quatre mois auparavant, nous sommes en janvier 1991: l’armée est au front (nord) depuis six mois, elle encercle la grotte de Taïkarène où Rhissa Ag Sidi Mohamed, le rebelle des rebelles et ses hommes se sont retranchés. Le commandant du détachement avancé reçoit l’ordre de ne pas donner l’assaut final ….
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Les négociations engagées en Algérie vont aboutir…. Un accord sera signé à Tamanrassett le 6 janvier 1991. Taïkarène ne sera pas attaquée, la rébellion est passée à un cheveu d’être matée. L’armée avait de nouvelles urgences. Il fallait faire vite pour revenir à Bamako où le feu couve… le régime du GMT est menacé par les manifestations qui réclament la démocratie et la justice! L’ordre de repli donné aux militaires est bien entendu parti du cabinet du ministre de la défense même si la décision est prise ailleurs.
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Mars 1991: l’armée est revenue du nord, le sang coule à Bamako. Le ministre de la défense rentre précipitamment de sa tournée au nord. Il est briefé par son cabinet. La situation est grave. Il demande à son chef de cabinet ( Modibo Sidibé) de convoquer les officiers supérieurs pour une concertation en vue de passer à l’action: c’est-à-dire renverser Moussa Traoré. Le général Coulou hésite, fait reporter la réunion au…. mardi 26 mars à 10 heures….
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Informés des intentions du général Coulou, Anatole Sangaré directeur général de la Sécurité d’Etat et Oumar Diallo, aide de camp du Chef de l’Etat entrent en contact dans l’après-midi du 25 mars avec le commandant de la garde présidentielle, un certain Amadou Toumani Touré. La suite est connue.
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La transition
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Une fois, Moussa Traoré renversé, ATT s’installe à la Maison du peuple, devenue siège du CSTP. Pour remplacer Moustapha Dem, Il nomme comme directeur de cabinet Mohamed Aly Bathily, un magistrat contestataire et méthodique. Mais les deux hommes n’arrivent pas à s’accorder.
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Formé à l’ENA puis en France, Mohamed Aly Bathily peine à instaurer des méthodes de travail dans l’ambiance chaotique post 26 mars qui prévalait au sommet de l’Etat. Il désespère d’instaurer des pratiques de travail dignes d’un palais présidentiel. ATT de son côté se lasse de lui.
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Il le nomme Ambassadeur à Dakar et fait appel à Modibo Sidibé, fraîchement nommé directeur de cabinet du Ministre de la Sécurité, le colonel Bakary Coulibaly,ancien chef du PC opérationnel.
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Modibo Sidibé directeur de cabinet du président du CSTP. C’est idéal pour ATT qui apprécie sa discrétion et son effacement.
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Confié à Alpha
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A la fin de la transition, il confie Modibo à AOK qui le garde pendant 10 ans (un record)! A la fin de son mandat, Alpha rend à ATT son « Kalifa ». Malgré les vagues qu’il a soulevées Koulouba tout au long de son premier quinquennat, ATT a gardé sa confiance en Modibo Sidibé qui avait atteint le rang de vice-président. les autres collaborateurs d’ATT, y compris des ministres, le trouvent « cassant« , « arrogant », « imbu de lui-même », « hautain », « dédaigneux» et « méprisant ».
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Koulouba libéré
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Qu’à cela ne tienne, il a toute la confiance du président. Anecdote: un des courtisans du président l’aborde en ces termes : « Mon général, (ATT) Modibo Sidibé fait beaucoup de tort à votre régime. Il ne considère personne, il ne respecte personne. Si vous le gardez auprès de vous, il vous causera
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beaucoup de dommages! Réponse d’ATT: « moi, j’ai confié Modibo à Alpha, il l’a gardé auprès de lui pendant dix ans. Je ne peux pas faire moins que Alpha. Ceux qui veulent voir Modibo comme ceux qui ne veulent pas le voir, le verront! »
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Autre anecdote: deux proches conseillers du Président vont le voir pour lui dire tout le mal qu’ils pensent de Modibo Sidibé. Il les écoute et leur dit: « je vous ai compris! ». A la réunion de cabinet suivante ATT rend un vibrant hommage à son Secrétaire général et termine par: « ceux qui ne veulent pas voir Modibo, n’ont qu’à partir d’ici! » Les deux conseillers s’étaient presque cachés sous la table!! Le message est reçu. Il est clair. Un membre de la famille présidentielle est catégorique: « Modibo a envoûté Amadou »!
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L’homme qui a toute la confiance d’ATT est enfin sorti de l’ombre. Il démontrera au Mali s’il est compétent ou incompétent, s’il est autoritaire ou faible, s’il est humain ou s’il a un cœur de roc. En tous cas jamais nomination de Premier ministre n’a été aussi balisée par la presse du régime qui a entrepris des semaines durant une véritable opération de marketing politique pour rendre digeste la pilule Modibo! Ces dernières semaines les journaux de Koulouba ont tenté de vendre au Maliens un Modibo Sidibé «sociable« , « bon » , « pieux » qui fait de la charité jusque dans les mosquées. Bien sûr la Sécurité d’Etat a elle aussi été mise à contribution pour peaufiner l’image d’un homme généreux, courtois et d’une rare gentillesse. Ses voisins de quartier à Faladié pourront témoigner.
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En attendant, ce sont les travailleurs de Koulouba, les conseillers et chargés de mission du Président, les chauffeurs et les jardiniers qui ont fêté le départ du Secrétaire général, tant il les étouffait. Un signe en soi!
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Wait and see !
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Oumar Diarra dit BAROU
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