Dans notre précédente édition, nous écrivions ceci: « Après le scandale du Fonds mondial, qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive, on croyait que désormais la rigueur serait davantage de mise au ministère de la Santé et dans ses différentes structures. Avec l’ancien ministre Oumar Touré, c’est la base qui a failli, comme en témoigne le rapport de l’organisme onusien que nous sommes en train de publier par séquence. Maintenant, c’est le sommet même qui donne le mauvais exemple, de façon flagrante. En effet, le ministre de la Santé, Mme Diallo Madeleine Ba, vient d’autoriser sa fille, Mariam Diallo, à ouvrir une officine de pharmacie dans la zone ACI, en violation des normes établies».
Nous écrivions également: «Joint par téléphone, le Conseiller technique en charge de la pharmacie, Ibrahim Coulibaly, a été incapable de nous expliquer le bien fondé de cette décision. Néanmoins, il nous a convié ce lundi 4 juillet dans son bureau à Koulouba pour, dit-il, nous donner tous les éléments de réponse».
Eh bien! Nous étions au rendez-vous. Voici tout ce qu’il nous a dit pour justifier la lettre du 6 juin autorisant Mariam Ousmane Diallo (la fille du ministre) à ouvrir une officine de pharmacie: «Aucune règle n’a été violée. Le site décrit, dans la correspondance du ministre, situé entre l’hôtel Bouna et l’hôtel Colombus, à Hamdallaye AC 2000, existe bel et bien. Il a été attribué à une autre personne, qui ne veut plus du site. C’est ainsi qu’il a été réaffecté à Mariam Diallo, avec l’accord de l’intéressé. Je vous rappelle que, depuis 2008, cette dernière avait formulé sa demande».
Ce Conseiller du ministre de la Santé, qui a pris fonction il y a à peine deux mois, ne maitrise pas du tout les textes. En effet, pour l’obtention d’un agrément, à cause du problème crucial de sites à Bamako, les postulants s’inscrivent sur une liste, par ordre chronologique. Une fois son tour arrivé, le pharmacien reçoit une convocation et c’est à partir de ce moment là que le site est visité. Le pharmacien construit son dossier de demande de licence d’exploitation d’officine, qu’il dépose au niveau du Conseil régional de l’Ordre des Pharmaciens, qui donne son avis, conformément aux différents textes, avant de le transmettre au Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Mali. Celui-ci, à son tour, émet son avis, avant de transmettre le dossier à la Direction de la Pharmacie et du Médicament. La demande est ensuite adressée au ministre de la Santé, qui donne sa décision.
A cause du problème crucial de sites, il y a des pharmaciens qui attendent depuis 2002. L’alibi développé par le fameux conseiller ne tient donc pas la route. Tout d’abord, le site concerné n’a jamais été attribué à personne. Et, même si, par extraordinaire, c’était le cas, l’intéressé ne peut négocier avec une tierce personne. Ce n’est ni une propriété privée ni un lopin familial. Si, comme l’a affirmé le Conseiller en pharmacie, celui à qui le site a été affecté n’en veut plus, il revient à l’organisation professionnelle, l’Ordre, de proposer, conformément à la procédure, le postulant qui convient le mieux. Cette personne, une fois de plus, est loin d’être Mariam Diallo, inscrite à la 214ème place sur une liste d’attente d’environ 300 personnes. En clair, l’officine a été attribuée en toute violation de l’arrêté de création de site, sans compter la non observation de l’ordre chronologique des postulants. Le népotisme au sommet de l’Etat est consommé.
L’article 3 de l’Arrêté du 30 septembre 1989, fixant les délais de délivrance des autorisations d’exercice à titre privé des professions socio-sanitaires et des licences d’exploitation d’établissement privé, n’a pas non plus été respecté. Il indique que: «la demande d’autorisation d’exercice est adressée au ministre chargé de la Santé publique et des Affaires sociales, revêtue de l’avis de l’Ordre ou de l’Association professionnelle concernée…»
Notre brave ministre n’avait besoin d’aucun avis, parce qu’il s’agissait de sa fille. Aux dernières nouvelles, il semble qu’elle est en train d’engager une offensive de charme envers les professionnels du secteur. Aussi, a-t-elle gracieusement offert une dizaine de billets d’avion à l’Ordre des pharmaciens du Mali, afin de permettre à certains de ses membres de prendre part à une rencontre qui se déroule en ce moment à Dakar. Nombreux sont les pharmaciens qui attendent de pied ferme le retour de leur président, Abdou Doumbia, qui fait partie de ce convoi, lequel dit n’avoir pas reçu la correspondance de Mme la ministre autorisant sa progéniture à ouvrir une officine de pharmacie (nous publions cette missive en fac similé). Alors qu’au Secrétariat général du ministère de la Santé, le courrier départ fait état de l’envoi de cette lettre au Président de l’Ordre des Pharmaciens le 8 juin 2011.
Mme le ministre de la Santé a fauté. Elle a fait preuve de népotisme avéré, en cette période supposée de promotion de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Elle doit assumer la responsabilité politique de cette affaire, en démissionnant. Dans le cas contraire, ATT serait dans l’obligation de la limoger. A suivre.
Chahana Takiou