Si en renvoyant Modibo Sidibé de la Primature, le projet d’ATT était de mettre à sa place une personne non marquée politiquement, peu connue du public, sans relief et sans aspérité, il pouvait difficilement faire meilleur choix que Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. L’annonce de sa nomination en début de soirée du dimanche 3 avril 2011, a atterré, laissé sans voix, tétanisé les milieux politiques bamakois.
En effet, si le bruit avait couru, après l’éjection de Modibo Sidibé, qu’une femme était pressentie pour lui succéder, histoire pour ATT de faire une fleur à la gent féminine pour boucler son deuxième et ultime mandat en beauté, nul n’avait pensé à Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Le nom qui circulait le plus dans les grins, les bureaux et les salons feutrés de la capitale était celui de Mme Diakité Fatoumata Ndiaye, l’actuel secrétaire général du gouvernement. Une femme au parcours intellectuel et professionnel dense, qui se prévaut surtout d’une vie publique bien remplie au service des Maliens habitués à la voir dans les médias depuis plusieurs années. Sa désignation n’aurait suscité aucune critique négative.
On ne pourra dire autant de la nouvelle promue. Certes, Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé a fait de bonnes études, notamment en gestion et management après son diplôme d’administrateur civil à l’ENA de Bamako. Mais sa vie publique jusqu’à sa nomination inattendue s’est déroulée quasiment dans l’anonymat. Elle a été certes ministre à trois reprises mais pour une durée totale de quatorze mois sur dix ou onze ans, entre 1991 et 2002. Il lui est même arrivé de n’être restée qu’un petit mois, lorsqu’elle s’est vue confier le ministère de l’agriculture et de l’environnement, entre mai et juin 1992. C’est donc à une vitesse météorique que cette dame a traversé la sphère gouvernementale, ce qui n’a évidemment pas permis aux Maliens de la connaitre et de l’apprécier.
Les Maliennes non plus, pour évoquer le genre, ne connaissent pas Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé.
Elle n’est, en effet, pas une militante des droits de la femme. Elle est totalement inconnue dans l’univers des organisations, associations et réseaux qui s’activent pour améliorer les conditions de la femme (et de l’enfance) au Mali. Elle se situe à une échelle supérieure : le réseau des femmes ministres et parlementaires du Mali et d’ailleurs. Le beau monde en somme.
Pareille femme au parcours inoffensif à la tête du gouvernement ne devrait susciter ni crainte ni crampe d’estomac chez les leaders politiques qui s’apprêtent à entrer en lice pour Koulouba 2012 et les formations dont ils portent les couleurs. Rien à voir avec un Modibo Sidibé dont la seule évocation de la candidature menaçait de faire s’effondrer l’équipage bringuebalant de l’ADEMA-PASJ et terrorisait les autres partis, raison pour laquelle, croit-on savoir, ATT l’a congédié. Après avoir incarné lui-même l’exception, il ne souhaiterait pas qu’il y ait une deuxième exception de cinq ou dix ans qui signerait l’arrêt de mort de la démocratie malienne à travers la sclérosation des partis politiques. Du coup, il se réconcilie avec la Constitution qui reconnait aux seuls partis la vocation à conquérir les suffrages des citoyens et exercer le pouvoir en leur nom.
Hors l’aptitude que l’on peut reconnaitre en Mme Cissé de ne représenter aucun danger pour les prétendants à la succession d’ATT et de favoriser ainsi la normalisation de la vie politique malienne, la seule explication que l’on peut trouver à la promotion qui vient de lui être faite est qu’elle est femme, certes, mais surtout femme du Nord.
Yattara Ibrahim