Nomination de Mme Cissé Mariam Kaidama Haidara à la Primature :Volonté d’innovation du président de la République ou simple diversion politique?

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Le 03 Avril 2011, les Maliens ont appris, non sans surprise, la nomination de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé à la tête du Gouvernement, suite à la démission de Modibo Sidibé en place depuis presque quatre ans. Par cet acte fort, Amadou Toumani Touré s’illustre ainsi en devenant le premier président à ouvrir les portes de la Primature à la gente féminine, l’autre moitié du monde. Ce n’est pas rien pour un homme qui tient à rester dans l’histoire de son pays. Mais dans cette période de fin de règne ou plutôt de transition politique, on est en droit de se demander si cette attention aussi soudaine que tardive envers les femmes ne cache pas au contraire un schéma politique inavoué.

Mme Kaidama un choix suspect

On ne fera surtout pas offense à Mme le Premier ministre qui arrive aux affaires avec un C.V. à son honneur, au regard des parchemins patiemment glanés par-ci par là, mais auquel parcours académique riche manque justement le parcours politique attendu, la présence effective sur le terrain, bref une somme d’atouts politiques personnels pour la réussite de la mission à elle assignée. Cette mission est hautement politique. Il s’agira moins de gérer des dossiers techniques que de créer les conditions politiques appropriées, un environnement politique sain vers une alternance démocratique réelle. Il faudra, en effet, effacer le souvenir fâcheux de l’élection en 2002 du président Amadou Toumani Touré : une compétition qui, franchement, n’en était pas une car, il avait fallu annuler près d’un tiers du vote total pour faire passer l’actuel locataire de Koulouba. Ça sentait fortement la triche et il avait fallu faire encore appel à tout l’engagement patriotique de IBK, la victime principale de l’arrangement boîteux, pour que le pays ne s’en aille pas en sang et en flammes. On ne doit pas reconduire le même schéma politique pré- arrangé où le gagnant de la compétition est connu d’avance par ce que les dés ont été pipés à dessein. Voilà toute la problématique du choix de celle ou de celui qui a la charge de conduire le pays pendant les prochains mois, donc les prochaines élections. A cet égard, le choix de Mme Kaïdama Sidibé ressemble un peu à un cheveu qui tombe dans la soupe.

Des femmes au caractère trempé. Passé le temps du drible ou de l’anecdote, on se rend compte de la dimension de diversion politique. En effet, le paysage politique malien, on peut s’en féliciter, est riche en femmes politiques d’expérience et, ce n’est pas par hasard que le 26 mars 1991, elles étaient en toute première ligne du combat pour la democratie et le multipartisme. On peut citer, pêle- mêle, des politiques affirmées comme l’ex- gouverneur Mme Sy Kadiatou Sow, Mme Rokiatou NDiaye, des sommités intellectuelles doublées de politiques comme Mme Aminata Dramane Traoré, des personnes comme Fatoumata Cyré diakité qui, quoi qu’on dise, pendant plus de dix ans, a parlé au nom des femmes au Mali et dans le monde. Mme Kaïdama Sidibé est une trouvaille obscure jetée dans l’arène au mieux pour créer l’anecdote, au pire pour ne pas remettre la politique aux mains des politiques. Pour la Transition vers un nouveau régime au Mali, il faut aux commandes un homme ou une femme de cran, non une figure pâle pour servir de faire-valoir. Disons le clairement, au Mali, depuis Alpha, on veut faire la politique sans les partis et les hommes politiques; c’est une aberration dans un pays où on prétend bâtir une démocratie forte, l’une des meilleures du continent.

La touche finale importe beaucoup

Les Maliens, c’est vrai sont préoccupés par leur quotidien qui, malgré les efforts louables consentis par les pouvoirs publics, ne cesse de se détériorer. Il faudra maintenir la dynamique pour éviter une révolte sociale dont personne n’est à l’abri, quel que soit le régime, mais le défi majeur du nouveau gouvernement sera d’encrer durablement la démocratie dans les mœurs politiques du pays. Bon gré malgré, tout le pays sous peu sera en campagne, car chaque fois que le président sortant n’est plus concerné par la course, tous les paris sont ouverts et la campagne cesse de s’inscrire dans les limites fixées par la loi. Si la passe à trois était réussie dans les règles de l’art, alors, cela accroîtrait la foi de nos compatriotes dans le système politique de leur pays et consacrerait la maturité de notre démocratie. Du coup, le message que le Mali enverrait ainsi en Afrique et dans le monde conforterait l’image de notre pays. ATT doit y mettre du prix, car c’est là la touche finale de son mandat et, chez les gens bien sensés, la fin d’une partition réussie doit être agréable pour tous.

Assif Tabalaba

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