Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé :Premier Ministre : Du ATT pur et dur !

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Il faut reconnaître au président Amadou Toumani Touré la capacité de prendre des décisions qui ne correspondent jamais à ce que l’on attend de lui. Le processus de mise en place du nouveau Gouvernement obéit à cette logique, devenue marque de commerce.

En entendant le nom de l’heureuse élue à la primature, au début du journal de 20 h, un baron du PDES a envoyé le message suivant à son ami : « C’est un cauchemar ! » En réalité, il ne s’agit pas d’un cauchemar, mais d’une feinte magistrale doublée d’une déception au sein de la baronnie citoyenne. Car, encore une fois, le général a déjoué tous les pronostics et pris par surprise tous les observateurs et analystes y compris parmi ceux qui se vantent d’être ses « amis ». Est fieffé menteur celui qui ose dire qu’il avait diffusé le nom de Mariam Kaïdama Sidibé avant le décret. Entendons-nous bien, il ne nous revient pas de juger a priori les compétences et les capacités de Mme Cissé à tenir le poste. Nous ne connaissons pas les raisons qui ont motivé ce choix. Mais l’allusion au « cauchemar » plus haut faite dénote plutôt le caractère inattendu de cette nomination. Le parcours professionnel de Mme Cissé ne semblant pas cadrer avec l’urgence du moment.

Mais il ne faut guère, à une année de la fin de son mandat, faire un mauvais procès à Amadou Toumani Touré. Car, pour ce qui est de casser l’élan et l’enthousiasme autour d’une action, il est devenu un expert sans émule. Tout a commencé en 2002. Le Mali venait de tourner la page de 10 ans de règne ADEMA. Des années au cours desquelles la politique politicienne, l’extrémisme, le manque de concertation et les coups fourrés avaient profondément discrédité la classe politique. Comme en 1991, ATT était revenu en sauveur de la patrie. Et patatras ! Le Premier chef du Gouvernement sorti du chapeau est un « ancien ancien » du temps de la splendeur de Moussa Traoré, M. Ahmed Mohamed Ag Amani. La déception, la douche froide. Des milliers de partisans d’ATT sont restés cois en apprenant la nouvelle. Le peuple voulait du neuf, on lui déterre un « cadavre ». Et plus les années avançaient, moins l’opinion comprenait le double acharnement de leur héros : d’une part, ramener coûte que coûte les anciens compagnons de Moussa au sommet de l’Etat et, d’autre part s’ acharner à garder des individus discrédités, sans scrupules, à des postes de responsabilités.

Après le « cauchemar » Ag Amani, on croyait enfin parvenir au temps de la rupture. Que nenni ! Le deuxième PM du magistère ATT se nomme Ousmane Yssoufi Maïga, baron des cabinets ministériels depuis le temps d’Alpha Oumar Konaré. Et la saga s’est poursuivie après la réélection de 2007. Pour faire du neuf, ATT installe Modibo Sidibé aux commandes. Un homme qui, depuis des temps immémoriaux, hante les hautes sphères de l’Etat. Ces constats qui pousseront un observateur sarcastique à conclure : « Amadou Toumani Touré, de part ses faits et gestes, prouve qu’il n’a qu’un seul parti : le CTSP ». On a du mal à comprendre son acharnement à maintenir sous respirateur artificiel tous ces compagnons de cette époque, sauf, évidemment, Soumana Sacko qui tenait la Maison du Peuple.

Cela pousse un analyste de la scène a faire la remarque pertinente suivante : « ATT aime les symboles et sait mieux que quiconque qu’il a une dimension historique. Il doit entretenir son mythe. Il avait, en arrivant au pouvoir en 2002, fait l’histoire en nommant un Touareg Premier ministre du Mali et il nous quitte en nommant une femme PM. Tel un Mitterrand qui restait très attentif à ce que l’histoire retiendrait de lui. N’avait-il pas charge M. Attali de prendre des notes des grands moments de son premier septennat ? ATT en fait de même. Les forces politiques ont toujours négligé un petit parti mais très puissant, avec lequel il est, qui est et restera toujours le vrai parti d’ATT : le CTSP. Il va lui donner trois Premiers ministres : Modibo, Ousmane Yssoufi et Mariam Kaïdama. »

Et voilà, le 03 avril, si l’enjeu n’était pas aussi important, on aurait cru, pour une fois, à un poisson d’avril. Mais, non ! Il s’agissait bien d’une nomination. Mme Cissé, 63 ans sonnés, retraitée, présidente du Conseil d’administration de la Sonatam, éphémère ministre pendant la transition et sous le premier et le dernier Gouvernement Alpha, ancienne patronne du CILSS (Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel) et administrateur civil de profession vient à la barre pour diriger le bateau gouvernemental. Elle sera chargée de conduire les derniers chantiers politiques d’ATT : reformes institutionnelles, élaboration consensuelle et adoption d’un fichier électoral fiable, préparation et tenue d’élections crédibles, redressement économique et lutte contre la corruption, lutte contre la flambée des prix, etc.

Après les larges consultations du président et le Gouvernement de large union nationale qui voit le jour, on se demande simplement si Mme Cissé ne se contentera pas d’assurer le décorum. Aura-t-elle le poids et l’influence déterminante pour piloter cet attelage politique ? Aura-t-elle les coudées franches ou une marge de manœuvre consistante pour diriger les délégués d’une dizaine de partis réunis autour d’un dernier gouvernement d’un double quinquennat ?

Le choix du président de la République de faire la promotion du genre est certes salutaire. On espère simplement que Mariam Kaïdama Sidibé n’est pas venue à ce poste seulement parce qu’elle est une femme possédant une qualification supérieure. Le syndrome Mame Madior Boye au Sénégal est une expérience qu’elle pourrait méditer avant de plonger réellement dans le dossier. Car, le peuple attend tout d’elle sauf une présence symbolique et honorifique à la tête de la nouvelle équipe. Mme Cissé a un rendez-vous, une occasion inouïe de tracer les lignes de son parcours dans l’Histoire nationale. De sa poigne, de sa fermeté, de sa capacité à répondre aux aspirations légitimes de son peuple, viendront sa marque et legs. Nommée dans la pure tradition des dribles politiques d’ATT, nous ne pouvons que lui souhaiter plein succès en laissant une chance au coureur. Elle sera jugée sur résultat, et non pas « préjugée ».

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