Si le devoir de redevabilité est un principe sacré en démocratie, sa forme pourrait différer selon le contexte. Ainsi, le Gouvernement du PM Choguel K Maïga qui aura bientôt 10 mois, s’est imposé cet exercice hautement démocratique et républicain afin que les ministres puissent rendre compte au peuple de leur gestion. Donc en la forme il faut saluer l’initiative, mais au fond l’exercice semble être une auto satisfaction, car face à un manque de débats contradictoires qui sied bien en pareille circonstance, les ministres s’adonnent à cœur joie à une auto flagellation qui frise souvent le ridicule eu égard aux dures épreuves que traverse le Mali. Pour les ministres tous les indicateurs sont au vert et au même moment le peuple ne sait pas à quel saint se vouer. La seconde étape sera-t-elle celle des débats contradictoires pour éviter une auto-évaluation satisfaisante alors que le peuple ne sent pas les retombées d’une croissance factice ? Avec cette opération de séduction, le PM cherche-t-il à être reconduit après l’aboutissement des négociations avec la CEDEAO ? Le bilan qui est celui de l’équipe dirigée par le PM Maïga, plaide-t-il réellement en faveur du gouvernement ?
Il a fallu que le Conseil National de Transition, CNT, qui fait office de parlement de la transition, réveille le chat qui dort, en invitant le Premier Ministre Choguel K Maiga à venir répondre aux grandes questions du moment, pour que le gouvernement se lance dans une opération de communication au relent séducteur. Annoncé pour être un devoir de redevabilité vis à vis du peuple, les ministres qui sont les premiers à être passés sur le plateau de la chaine nationale, ont fait beaucoup plus du marketing politique en s’auto flagellant, plutôt que de dire la réalité. En effet, pour le ministre de l’économie et des finances, premier à ouvrir le bal, le Mali se porte bien globalement et que malgré l’embargo qui est imposé par la CEDEAO le pays arrive à tenir. Il en veut pour preuve le paiement régulier des salaires des fonctionnaires et l’équipement des Forces Armées Maliennes. Le Ministre de l’économie et des finances a également évoqué l’augmentation des salaires, la satisfaction de la demande sociale avec la subvention de certains produits de grande consommation et de grande utilisation, le paiement de la dette intérieure pour permettre d’atténuer les effets de la crise sociale.
A écouter le ministre en charge des finances on a l’impression que tout est rose dans le pays et que malgré les sanctions de la CEDEAO le gouvernement arrive à tenir la dragée haute. En analysant sans passion les propos du ministre des finances, Alousseni Sanou, et surtout les assurances données par celui-ci, on a plus l’impression que le Mali marche sur des roulettes. En réalité il s’est adonné à une pratique connue des dirigeants et qui consiste à faire de la bonne littérature pour séduire et endormir la conscience populaire. Si tant est que le Mali se porte bien, pourquoi aller négocier avec la CEDEAO pour une levée des sanctions ? Comment comprendre que c’est au moment où le ministre des finances loue les prouesses de son département que le Mali est confronté à la pire crise sociale de son histoire avec une flambée des prix jamais égalée dans notre pays. Pire le secteur privé véritable moteur de l’économie s’est effondré sous le poids des sanctions, car n’ayant aucune opportunité d’affaires et aucun moyen financier. Pour rappel les jeux de chiffres, la maîtrise théorique de l’inflation, la stabilité de la croissance malgré l’embargo, ne sont que des termes politico-financiers qui épatent, mais que derrière il n’y a qu’un vaste désert. La vie d’une nation ne saurait se limiter au paiement régulier des salaires des fonctionnaires qui ne représentent pas 10 % de la population.
Quant au ministre de la Défense et des anciens combattants, il est connu pour être un homme moins bavard et plus pragmatique. Le numéro 2 de la transition et véritable percusseur du rapprochement entre le Mali et la Russie, le colonel Sadio Camara n’a pas porter des gants pour égrener un chapelet des résultats que l’armée malienne a enregistrés sur le terrain. Il a également mis l’accent sur l’amélioration des conditions de vie et de travail des FAMa. Le péché mignon commis par le ministre de la défense est l’explication peu transparente qu’il a donnée sur l’achat des équipements militaires. Il pourrait avoir des soucis, comme d’ailleurs ses prédécesseurs. Il aurait dû donner des chiffres globaux des prix des équipements militaires acquis sous la transition. Il botte en touche cette épineuse question au moment où la loi d’orientation et de programmation militaire, LOPM, fait l’objet d’enquête et surtout au moment où un ancien ministre de la défense a été incarcéré et mort en détention. Il serait trop risqué pour le colonel Sadio Camara de reléguer au second plan les prix d’équipements acquis. A part ce côté pour le moins sombre, la montée en puissance des FAMa est une réalité indéniable.
Youssouf Sissoko