Le nouveau consensus au sommet :Retour à « l’anormal »

0

Après la nomination d’un Premier ministre, ATT vient de mettre fin au suspense en rendant publique la composition du nouveau gouvernement. Une équipe qui se veut représentative de tous les clivages, opposition comme majorité présidentielle, et qui nous ramène à la situation inédite de 2001. Seul bémol : la Sadi du docteur Oumar Mariko refuse de coopérer.

La composition du nouveau gouvernement du Mali vient d’être rendue publique. Comme prévu, l’exercice s’est révélé assez laborieux. D’abord parce que le limogeage du précédent gouvernement est intervenu à la suite d’un mouvement d’humeur. Ce qui suppose une totale impréparation. Or, il s’agit pour le chef de l’Etat de mettre en place un gouvernement qui soit capable de relever les défis auxquels il est confronté, pour les douze mois à venir. Des défis qui ont pour noms : la mise en œuvre de réformes institutionnelles et politiques, le référendum sur une nouvelle Constitution, les futures élections générales qui exigent un fichier électoral plus fiable et mieux élaboré que l’actuel document.

Pour cela, la nécessité de la mise en place diligente d’un gouvernement de mission et d’action s’impose. Un gouvernement qui puisse travailler tranquillement et paisiblement. Et pour cela, le président de la République a besoin d’une large adhésion à sa nouvelle lettre de cadrage. C’est ainsi que toutes les familles politiques ont été consultées.

De fait, Amadou Toumani Touré, en fin stratège politique, a voulu réitérer le même coup qu’en 2002, c’est-à-dire proposer à la classe politique, une gestion concertée et consensuelle du pouvoir. Le président de la République, selon plusieurs observateurs, n’a pas eu de problèmes majeurs pour mettre en route son plan d’action, d’autant plus que la majorité des partis politiques est acquise à sa cause, et est déjà constituée alliance politique. Elle comprend essentiellement l’Adema et l’URD, les deux plus grosses pointures politiques en termes d’élus et d’implantation géographique, auxquels s’est joint, depuis peu, le PDES, proche du président de la République, et également assez représentatif, le CNID, le MPR et, dans une moindre mesure, d’autres partis politiques. Après négociations, il a été décidé de donner au PASJ et au PDES, quatre représentants chacun dans le nouveau gouvernement. L’URD sera représenté par trois ministres, tandis que des formations politiques de la majorité présidentielle auront chacune un membre.

La plus grande inconnue, pour le chef de l’Etat, restait liée à la participation des partis de l’opposition. Le parti Sadi aurait tout simplement décliné l’offre, trouvant « illogique » de composer, à quelques mois des prochaines élections générales, avec un pouvoir avec lequel il est en opposition. Le « parti du bélier blanc », après plusieurs hésitations et négociations aurait accepté de participer sous certaines conditions, mais surtout après l’engagement et l’investissement personnels de l’ancien chef de l’Etat, Alpha Oumar Konaré, à aplanir les difficultés de gestion entre le président de la République et la direction du PARENA. Il bénéficie d’un département ministériel. Reste le RPM. Avec le président du « parti du tisserand », Amadou Toumani Touré aurait joué la fibre sentimentale et patriotique. Il aurait demandé à Ibrahim Boubacar Kéita de l’assister et de l’accompagner dans cette fin de mandat, de faire table rase du passé, d’enterrer la hache de guerre brandie lors de la présidentielle de 2002, à l’issue de laquelle ATT a remporté une victoire contestée par le peuple RPM. C’est à ce même peuple RPM que son président avait demandé de ne pas investir la rue et d’accepter les résultats officiels. Plus tard, c’est encore Ibrahim Boubacar Kéita, après, semble-t-il un deal secret, qui a demandé à son parti de s’embarquer dans la gestion consensuelle du pouvoir. La semaine dernière, ATT aurait rappelé à IBK ce vieux deal, même si, selon plusieurs indiscrétions, il aurait été biaisé. « Nous avons commencé ensemble, en 2002, faisons de manière à terminer ensemble ». IBK a, de toute évidence, accepté cette main tendue puisque son parti hérite de deux portefeuilles ministériels.

Nous voilà donc embarqués dans un nouveau consensus. Déjà, de 2002 à 2007, cet exercice s’était révélé peu fructueux, ayant tendance à annihiler le débat national et à endormir les acteurs politiques sur les grandes questions. Un chemin démocratique « anormal » que vient de reprendre une classe politique guidée par un …indépendant.
Cheick Tandina

Commentaires via Facebook :