Le ministre de la justice à propos du rapport du BVG 2009 :«Le Vérificateur n’a dénoncé aucun fait infractionnel»

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Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Maharafa Traoré, et son homologue en charge du Budget, Lassine Bouaré ont animé une conférence de presse le jeudi 10 février, portant sur la mise en œuvre des recommandations du rapport 2009 du BVG. C’était dans la salle de conférences du ministère de l’Economie et des Finances, en présence de la jeune, et non moins charmante, ministre en charge des Relations avec les Institutions de la République, Fatoumata Guindo. Les deux membres du gouvernement se sont évertués à démontrer que le gouvernement n’était pas totalement en phase avec Sidi Sossoh Diarra.  Ensemble, ils ont donné leur appréciation de certaines expressions et même des chiffres. L’intervention du ministre de la Justice résume à elle seule tout cela et démontre à suffisance l’incompréhension qui règne entre le BVG et l’appareil judiciaire, jaloux de son indépendance et du respect de ses prérogatives. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de ce discours.

rnMesdames et Messieurs les Représentants de la presse nationale et étrangère, Honorables Invités, Mesdames et Messieurs,
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rnAvant tout propos sur le sujet du jour, il faudra préciser que le Bureau du Vérificateur Général n’est pas la justice et qu’il ne saurait en aucun cas se substituer à elle. Chacun d’eux (Justice et Bureau du Vérificateur Général) a un rôle distinct à jouer, mais tous concourent à l’atteinte des mêmes résultats, à savoir la lutte contre le phénomène de la corruption, par la répression et la prévention, la préservation des deniers publics contre les prédateurs de toute espèce.
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rnEn effet, aux termes de la loi 03‑030 du 25 Août 2003 instituant le Vérificateur Général, celui‑ci est une autorité indépendante, dont les missions s’articulent essentiellement autour de trois points,à savoir:
rn‑ le contrôle de performance et de qualité des structures et organismes publics;
rn‑ le contrôle de la régularité et de la sincérité des opérations de recettes et de dépenses des deniers publics;
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rn‑ le pouvoir de proposer aux autorités publiques des mesures et actes propres à garantir le fonctionnement régulier des organismes et structures publics.
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rnIl résulte des trois missions sus citées que le Vérificateur Général, autorité de contrôle, n’a ni
rnpouvoir d’enquête au sens de la loi pénale, ce pouvoir étant dévolu à la Police Judiciaire, ni pouvoir de poursuite, celui­-ci relevant exclusivement de la compétence du Procureur de la République et de certaines administrations limitativement énumérées par la loi.
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rnAux termes de l’article 16 de la loi, «chaque fois qu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction à la loi pénale, le Vérificateur Général saisit le Procureur de la République ou le Juge de Paix à Compétence Etendue».
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rnIl appartient donc au Procureur de la République, seule autorité compétente, de recevoir les plaintes et les dénonciations, une fois saisi, de procéder ou de faire procéder par la Police Judiciaire aux enquêtes pertinentes, à l’issue desquelles il apprécie la suite à donner. Celle‑ci peut consister en des poursuites, lorsque les faits dénoncés constituent des infractions à la loi pénale.
rnElle peut aussi consister en un classement sans suite, dans les conditions fixées par le Code de procédure pénale (absence d’infraction à la loi pénale, prescription ou extinction de l’action publique, inopportunité de poursuite).
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rnAussi, il y a lieu de faire la différence entre plainte et dénonciation. La plainte émane toujours de la
rnpersonne physique ou morale qui a souffert de l’infraction, alors que la dénonciation est le fait d’un tiers.
rnDans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière, toutes les saisines de la Justice par les structures de contrôle constituent des dénonciations.
rnCelles s’inscrivent dans le cadre de l’application des prescriptions de l’article 58 du Code de procédure pénale qui stipule que:«toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d’un crime ou d’un délit, sera tenu d’en donner avis sur le champ au Procureur de la République ou au Juge de Paix à Compétence Etendue près le Tribunal dans le ressort duquel le prévenu pourrait être trouvé et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès‑verbaux et actes qui y sont relatifs …».
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rnComme on le voit, la relation entre le Vérificateur Général (autorité de contrôle) et la Justice (Procureur de la République) se situe donc au niveau de la dénonciation des faits qualifiés de crime ou de délit par la loi pénale.
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rnC’est sur cette base juridique très claire que se sont établies les relations entre le Bureau du Vérificateur Général et la Justice. Et, conformément à la loi, la justice a toujours réservé des suites aux dénonciations faites par le Vérificateur Général dans ses différents rapports annuels publiés.
rnCependant, dans le cadre de l’exploitation et de l’examen judiciaires de ces dénonciations faites par le Vérificateur Général, il y a lieu d’éclaircir certains points qui nous semblent obscurs et qui focalisent l’attention de l’opinion nationale à l’heure actuelle.
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rnAu nombre de ces points, il importe de faire observer que l’expression largement utilisée «manque a gagner», qui n’est constitutive d’aucune infraction à la loi pénale, ne devrait faire l’objet d’aucune dénonciation, à moins que ce manque à gagner soit le fait d’une infraction qui mérite d’être caractérisée.
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rnMesdames et Messieurs les Représentants de la presse nationale et étrangère, Honorables Invités Mesdames et Messieurs,
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rnAu titre des vérifications effectuées courant 2005, 2006 et 2007, le Vérificateur Général a, en application des dispositions de l’article 16 de la loi supra, fait quatorze (14) dénonciations au Parquet, auxquelles des suites ont été données. Sur un montant de 1 240 498 145 francs CFA reproché, la somme de 1 233 618 145 francs CFA a été recouvrée. Ce montant a été versé au Trésor Public.
rnAu‑delà des dénonciations faites par le Vérificateur Général, la CASCA a transmis au Parquet vingt et un (21) rapports sectoriels du Vérificateur Général, au titre des années 2005, 2006 et 2007, rapports dont le traitement a donn&e
acute; lieu au recouvrement en espèces de la somme de 10 340 742 149 francs CFA et celle de 21 444 851 276 francs CFA au titre des sommes justifiées sur pièces, soit un total de 31 789 593 425 francs CFA, sur un montant total reproché de 44 289 377 533 francs CFA.
rnEn vue d’aplanir les difficultés rencontrées à l’occasion de l’exploitation par le Parquet et les magistrats instructeurs des constatations faites par le Bureau du Vérificateur Général, plusieurs échanges, rencontres et voyages d’études à l’extérieur ont été initiés entre acteurs de la Justice et membres du Bureau du Vérificateur Général. Ces actions ont amené le Vérificateur Général à créer au sein de son Bureau une cellule de dénonciations. Celle‑ci aura pour mission essentielle, conformément aux prescriptions combinées de l’article 16 instituant le Vérificateur Général et celles de l’article 58 du Code de procédure pénale, d’articuler de façon plus exhaustive les dénonciations, en les faisant accompagner des supports documentaires pertinents.
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rnAinsi, au titre des années 2008 et 2009, à l’exception des deux dénonciations sus évoquées, le Vérificateur Général n’a fait aucune dénonciation à notre Parquet.
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rnCependant, au titre de cette période, la CASCA a transmis au Parquet vingt-sept (27) rapports sectoriels du Bureau du Vérificateur Général. Ces rapports, non accompagnés des supports documentaires pertinents, sont en attente et le Vérificateur Général en a été saisi pour leur transmission au Parquet. Au demeurant, il y a lieu de faire observer que toutes les dénonciations faites par le Vérificateur Général au Parquet ont connu des suites judiciaires. Les difficultés nées de l’exploitation des constatations faites par le Vérificateur Général et soumises à l’appréciation du Parquet sont en train d’être aplanies.
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rnAussi, la mise en œuvre des recommandations contenues dans les différents rapports incombe certes aux structures contrôlées. Mais la Justice, qui ne doit s’occuper que des seuls faits infractionnels à elle dénoncés, a cependant, dans le cadre des investigations menées suite à la transmission par la CASCA des rapports sectoriels, participé activement à la mise en oeuvre de plusieurs de ces recommandations, fussent-elles d’ordre administratif
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rnAu titre des recommandations contenues dans le rapport 2009, certains montants incriminés ont été jugés recouvrables par le Vérificateur Général. Il y a lieu de préciser s’il s’agit de sommes compromises suite à la commission d’actes infractionnels, alors on ne saurait parler de sommes recouvrables tant qu’une décision judiciaire définitive n’aura pas été prononcée, ou s’il s’agit de simples actes d’omission, dont l’accomplissement par les structures incriminées permettrait de remettre l’Etat dans ses droits?
rnEn tout état de cause, le Vérificateur Général, par rapport à ces sommes estimées recouvrables, n’a dénoncé pour l’instant aucun fait infractionnel au Parquet. Dans l’attente des dénonciations éventuelles, il appartiendra à l’administration, dans les limites de ses compétences, de procéder aux diligences qui s’imposent.
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rnMesdames et Messieurs les Représentants de la presse nationale et étrangère, Honorables Invités Mesdames et Messieurs, voilà ce qu’on pouvait dire, en guise de propos liminaires, sur le sujet du jour, en attendant vos réactions et vos questions éventuelles sur les différents points soulevés. Je vous remercie pour votre aimable attention!
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