Avec une situation nationale marquée par les préoccupations sécuritaires, des tensions sociales à répétition et de fortes attentes de nos concitoyens, en rencontrant les membres du nouveau Gouvernement, dimanche dernier, le Président IBK les a exhortés à articuler leur mission autour de quatre axes prioritaires. La mission est titanesque, mais il faut la réussir pour le Mali.
Le premier de ces axes, dans la chronologie, donc par en termes de précellence, est de parachever la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger. Pour cela, la volonté du Gouvernement n’a jamais faibli. En attestent les nombreux actes posés dans ce sens, à commencer par la nomination, le 15 juin 2016, d’un Haut représentant du chef de l’État chargé de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, en la personne de Mahamadou DIAGOURAGA. Ce qui, du reste, a été salué par le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans la résolution 2295 (2016). Une résolution par laquelle il proroge jusqu’au 30 juin 2017 et renforce le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Avancées positives dans l’Accord
Des avancées notables sont enregistrées dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Au nombre de ces avancées, on peut citer la signature par le Gouvernement, les groupes armés (CMA et Plateforme), le 19 juin 2016, de l’Entente sur la mise en place des autorités intérimaires et d’autres arrangements connexes. Effectivement, les Autorités intérimaires ont été installées à Kidal, le 28 février dernier ; à Gao et Ménaka, le 2 mars dernier.
Il reste cependant l’installation de celles de Tombouctou et de Taoudénit qui fait l’objet d’intenses négociations entre le Gouvernement, la Médiation internationale et certains groupes armés, dont le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), qui assiège Tombouctou, lesquels exigent leur entière prise en compte dans l’Accord, notamment en ce qui est de ce qu’on appelle ‘’les dividendes de la paix’’ : siéger au sein du Comité de suivi de l’Accord ; être pris en compte dans le processus de désarmement, démobilisation réintégration/réinsertion (DDR)… S’il y a eu un nouveau report de date de l’installation des Autorités intérimaires dans les deux localités qui focalisent toute l’attention et toutes les énergies, l’optimisme reste de mise.
Il faut rappeler que les dates retenues étaient le 6 mars dernier, puis le 13 avril, le 19 avril et à présent sine die, question de permettre, selon la société civile du CJA, au nouveau ministre de l’Administration territoriale de s’imprégner du dossier des Autorités intérimaires.
D’ores et déjà, le Comité de suivi de l’Accord (CSA), lors de sa 16e session ordinaire, a salué la décision du Gouvernement d’allouer des fonds pour le fonctionnement des autorités intérimaires mises en place dans les régions de Kidal, Gao et Ménaka ainsi que l’installation de celles de Tombouctou et de Taoudénit.
Le MOC sur les rails
L’autre question qui a déchaîné toutes les passions au sein du Comité de suivi de l’Accord concerne l’effectivité du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et des patrouilles mixtes. Cette question est résolue, en ce qui est de Gao. Dans un communiqué en date du 18 décembre dernier, la Coordination des Mouvements de l’Azawad notait avec satisfaction l’opérationnalisation du MOC de Gao avec le début du déploiement de la patrouille mixte dudit MOC, tout en annonçant l’arrivée prochaine de ses combattants devant en faire partie.
Malheureusement, peu de temps après le lancement du MOC à Gao, les ennemis de la paix ont frappé. C’était le 18 janvier dernier. Le camp du MOC ayant été la cible d’une attaque terroriste. Bilan : 47 morts et de nombreux blessés. Ce qui n’a pas eu raison de la détermination des parties à poursuivre la mission de sécurisation des personnes et des biens.
L’opérationnalisation des patrouilles mixtes, à Gao, est effective depuis le 20 février dernier.
Pour ce qui est de Kidal et de Tombouctou, il a été décidé, les 3 et 4 avril derniers, lors de la session du CSA, de prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre opérationnel le MOC avant la fin du mois d’avril 2017. À Kidal, la CMA a consenti à céder le camp n° 1 pour qu’il soit réhabilité par la MINUSMA dans la perspective d’accueillir le MOC.
Un test grandeur nature
Dans le cadre du DDR, le 3 avril dernier, la Commission nationale de Désarment, Démobilisation et Réinsertion (CNDDR) et la Commission d’intégration ont réalisé le tout premier exercice de simulation au Camp militaire du Génie de Bamako, sur instruction du ministre de la Défense et des anciens combattants. Y étaient présents, la Représentante Spéciale adjointe de la MINUSMA, Coordinatrice humanitaire et coordinatrice du système des Nations Unies au Mali, Mme Mbaranga GASARABWE ; ainsi que les représentants des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, dont le président de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Alghabass Ag INTALLA et Mohamed Almoudoud Ag Hamada de la Plateforme.
En ce qui est de la révision constitutionnelle, l’État ne fait pas du surplace. En effet, le projet de loi est déposé sur la table de l’Assemblée nationale qui doit l’examiner au cours de sa session en cours.
Il faut aussi noter avec satisfaction la tenue de la Conférence d’entente nationale (CEN) du 27 mars au 2 avril et qui a été une occasion pour les Maliens de toutes les catégories, de toutes les régions de se parler franchement. Si elle n’a pas débouché sur la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation, conformément à l’Accord, elle en pose les, jalons.
Pour le Président du CSA, Ahmed BOUTACHE : « la mise en œuvre de l’accord produit des résultats tangibles, concrets. Et, je pense que la tenue de la conférence en est une manifestation très concrète. Nous ne pouvons que nous féliciter, nous réjouir de ces pas positifs qui sont accomplis progressivement (…). Sans exclusives. Tout a été débattu. Rien n’a été mis de côté et il ne fait aucun doute que les enfants du Mali, qu’ils soient du nord, du centre ou du sud, continueront à travailler ensemble pour trouver la solution consensuelle qui arrange tout le monde sur ce point-là. On peut retenir que cette conférence met fondamentalement en valeur l’attachement de tous les Maliens au dialogue et à la résolution, à la prise en charge de leurs problèmes entre eux et à leur résolution par le dialogue. Et, on ne peut encore une fois que se féliciter de cela.
Les défis à relever
De façon générale, les défis auxquels le Président IBK demande de s’attaquer peuvent être compris dans le développement fait, le 6 avril dernier, par le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean DELACROIX, devant le Conseil de sécurité. Il s’agit de s’assurer que les nouvelles autorités et unités mixtes disposent des moyens adéquats pour remplir leurs responsabilités politiques et sécuritaires et que les services de base soient mis rapidement à la disposition des populations. De plus, souligne-t-il, il est primordial de clarifier la durée de ces arrangements intérimaires, compte tenu de leur début tardif, ainsi que le statut des groupes dissidents vis-à-vis de la CMA et de la Plateforme dans le cadre des mécanismes de suivi. Des questions qui sont en cours de discussion, selon les autorités.
En ligne de mire, il y a les élections de 2018 et en dépit des avancées des derniers mois, des retards importants sont enregistrés et les gains sont fragiles.
La stratégie nationale sur la réforme du secteur de la sécurité n’est pas finalisée. Les critères d’intégration des combattants issus des groupes signataires n’ont pas été encore déterminés et les huit sites de cantonnement construit par la MINUSMA demeurent vides. Des réformes à plus long terme sur le plan institutionnel et sécuritaire sont nécessaires, notamment concernant le futur de l’armée nationale reconstituée. Cette absence de clarté sur le cadre institutionnel entrave les efforts sur le terrain et ne contribue pas à instaurer un climat de confiance entre les parties.
Sur le front sécuritaire, la situation demeure préoccupante. Les attaques des groupes terroristes continuent et sont de plus en plus sophistiquées.
De plus, le centre du pays demeure le théâtre de vives tensions intercommunautaires, elles-mêmes attisées par des groupes extrémistes qui, défiant l’autorité de l’État, procèdent à des assassinats ciblés et forcent à la fermeture des écoles dans certaines localités, privant les enfants d’une éducation.
En réponse à cette situation, les autorités nationales ont élaboré un Plan de Sécurisation intégrée des régions du Centre (PSIRC).
La confiance entre partenaires sociaux
Apaiser le climat social, tel est le deuxième axe de la mission de la nouvelle équipe gouvernementale. Il faut, à ce niveau faire le distinguo entre les revendications catégorielles, à travers la préservation des conditions de vie et de travail et l’amélioration des conditions de vie des populations.
Il faut rappeler que le domaine de l’amélioration des conditions de vie et de travail des agents de l’État, il a été procédé à une augmentation du point d’indice des fonctionnaires de 20 % sur la période 2015-2017.
Ces mesures ont été renforcées par une baisse de 8 points sur le taux d’impôt sur le traitement de salaires. Et l’incidence financière pour l’État de l’octroi des primes et émoluments aux agents publics s’élève à 75 milliards de francs CFA.
Relativement aux revendications des syndicats de la santé et de l’action sociale, le nouveau Gouvernement, à peine investi, a trouvé un heureux dénouement. Ainsi, la prime de fonctions spéciales est augmentée ainsi qu’il suit : 50 % pour compter du 1er janvier 2017 : catégorie A : 38 250 F CFA ; catégorie B2 : 31 875 F CFA ; catégorie BI : 25 500 F CFA ; catégorie C : 19 125 F CFA ; contractuel : 12 750 F CFA.
50 % pour compter du 1er janvier 2018. Catégorie A : 51 000 F CFA ; catégorie B2 : 42 500 F CFA ; catégorie B1 : 34 000 F CFA ; catégorie C : 25 500 F CFA ; contractuel : 17 000 F CFA.
La partie gouvernementale a informé qu’elle est en train de faire une étude sur l’harmonisation des primes et indemnités dont l’issue peut consister à un nivellement.
Au niveau de la prise en charge à 100 % des soins médicaux des travailleurs socio-sanitaires assujettis à l’Assurance Maladie Obligatoire, l’Accord dit que la Lettre circulaire n° 00305/MSAH-MSHP- MPFEF du 27 mars 2017 a invité les directeurs des établissements sanitaires à soumettre la prise en charge du ticket modérateur à leurs organes délibérants pour les travailleurs socio-sanitaires assujettis à l’Assurance Maladie obligatoire.
Des dispositions sont en cours afin de diligenter l’approbation de la mesure par les organes délibérants permettant une prise à charge à 100 % des soins médicaux.
En synthèse des points de revendication, il y a eu 8 accords et 1 accord partiel, attestant de la détermination du Gouvernement à mettre un terme à un mouvement de grève qui a tant coûté à la population.
Le défi, à présent, pour le Gouvernement, est l’application rigoureuse de l’accord. Cela, dans un esprit de solidarité.
L’ambitieux programme d’urgences
La mise en œuvre du Programme Présidentiel d’Urgences Sociales qui s’étendra sur la période 2017-2020 est le troisième axe de la Mission du Gouvernement. Comme son nom l’indique, il est incompatible avec les retards et les atermoiements. Pour cela, les ministres concernés savent précisément les secteurs dans lesquels ils doivent évoluer. Il s’agira plus particulièrement de ceux de l’eau, de l’éducation, de l’énergie, de la santé et des pistes rurales. Selon le Président IBK : « les actions inscrites dans ce Programme qui repose sur des investissements de proximité ont pour finalité d’élargir l’accessibilité physique et financière des services sociaux de base en vue d’améliorer de manière rapide et significative le quotidien des bénéficiaires ».
Adapter notre diplomatie aux exigences de notre place et de notre rôle dans les questions régionales et internationales.
Une diplomatie active
Le dernier axe est diplomatique. Il s’agira à ce niveau de consolider notre présence internationale en veillant, en particulier, au rôle moteur de notre pays dans l’analyse et le traitement des questions de sécurité collective dans notre sous-région ; œuvrer également à préserver la sécurité juridique de nos compatriotes de la diaspora par le traitement des questions liées à la migration dans le respect des conventions internationales, mais aussi de créer des conditions incitatives pour orienter leurs ressources vers des investissements productifs.
En ce qui est de l’analyse et du traitement des questions de sécurité collective, les pays du Sahel devraient fière chandelle au nôtre. L’on retiendra en effet que c’est sous la présidence malienne du G5 Sahel que la création d’une Force conjointe pour lutter contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et l’immigration clandestine dans l’espace a connu une forte impulsion. Son concept stratégique d’opération a été examiné et adopté, le 13 avril par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui le soumettra ensuite à l’approbation de votre auguste organe. Par anticipation, dès le 6 avril dernier, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye DIOP, plaidait : « je souhaite vivement que le Conseil de sécurité, une fois saisi, autorise sans tarder le déploiement de cette Force conjointe du G5 Sahel, avec le soutien financier des Nations Unies, nécessaire à son fonctionnement ».
Tout comme la question du terrorisme, la sécurité de nos compatriotes de la diaspora et les questions liées à la migration sont préoccupantes au regard des tribulations qu’ils connaissent souvent, si ce ne sont des pertes en vies humaines.
Par Bertin DAKOUO