Au chapitre de la demande sociale, l’AMO ou l’AMASA est une reforme fondamentale destinée à donner une couverture maladie aux adhérents d’un système de cotisation que l’Etat a voulu obligatoire. Le refus d’un certain nombre de cibles de participer à une cotisation obligatoire pour assurer une couverture maladie, peut heurter la sensibilité de bon nombre de gouvernants. Mais au Mali, on n’en est pas à une maladresse près.
Cette assurance devrait s’appeler AMASA (Assurance Maladie de Solidarité Active) et faire appel à l’esprit de partage et de solidarité qui a toujours caractérisé les Maliens dans leur ensemble. Il ne devrait pas être obligatoire, mais l’Etat aurait pu agir autrement que par la force pour l’imposer. Il aurait suffit d’exiger la carte d’adhérant, ou tout justificatif d’affiliation à l’AMASA ou à toute autre Caisse d’assurance maladie pour accéder à certaines prestations délivrées par l’Etat à un coût préférentiel pour les assurés. Une prestation fournie par l’Etat coûterait moins chère aux adhérents qu’au non affiliés de manière à ce que l’arbitrage fait par le non adhérant l’amènerait à préférer la souscription à l’AMASA. Par exemple, tous les actes administratifs, les frais d’inscription des enfants à l’école, qu’elle soit privée ou publique, le frais de voyage devrait coûter plus cher aux non assurés qu’aux assurés. Cette liste n’est pas exhaustive et peut s’étendre aux services financiers dans le système bancaire, au Trésor public et dans les sociétés de micro crédit.
Cette AMASA pourrait fonctionner sans une subvention massive de l’Etat, si elle bien gérée et si tous les adhérents sont traités sur un même pied d’égalité. Dans un pays où les passe-droits sont légions, il est à craindre que certains ne bénéficient de traitement privilégié au détriment des autres pour le même niveau de cotisation.
L’AMASA doit concerner un certain nombre de secteurs d’activité et s’étendre progressivement à l’ensemble des couches socio-professionnelles et plus tard, au monde paysan. Pour être crédible, sa gestion doit être confiée à des structures de la société civile et ses ressources doivent être séparées de la trésorerie de l’Etat. Sa gestion doit être contrôlée par des cabinets indépendants conjointement avec les structures de contrôle de la puissance publique. L’AMASA doit être progressive et il faut assurer un décalage de temps suffisant entre les périodes de cotisations et celles de la jouissance des prestations.
Pour réussir une adhésion massive, il faut que la gestion des cotisations des adhérents inspire confiance. Or, la défiance observée par certains adhérents obligés indique tout simplement qu’ils ne sont pas d’accord que l’on prenne l’argent par force dans leur poche et qu’on le dépense dans l’opacité la plus totale. Les rapports du Vegal, n’ayant pas été suivis de sanctions, ont donné le sentiment que l’impunité est érigée en règle de gouvernance. Le système de couverture maladie universelle telle qu’elle est envisagée, risque d’être un éléphant blanc et se muer en structure budgétivore, avec des déficits abyssaux si le schéma actuel reste en vigueur.
Le nouveau Gouvernement doit faire les ajustements nécessaires et mettre l’accent sur la communication, la vraie communication avec des cas d’école. Il ne s’agit pas de confier cette communication à l’équipe de «Dougoutigui» de l’ORTM, totalement usée et sans inspiration. Dans le cas de l’AMASA, montrer l’impact bénéfique de cette assurance dans le cas des évacuations sanitaires pour des familles modestes sous formes de sketchs télévisés sur la durée, est la meilleure initiative. Il ne s’agit pas de tournées organisées par le Ministre et ses conseillers. Ils sont aux yeux des adhérents potentiels ceux qui boivent 11 millions de thé en une journée, donc le représentant de l’establishment. Il s’agit de mettre l’accent sur les avantages de l’AMASA pour les populations qui se seront appropriées le mécanisme dans toutes ses dimensions. Il ne s’agit pas non plus d’en faire une réalisation du mandat sans qu’il n’y ait le succès au bout de l’entreprise. Les hommes passent, seule la Nation demeure longtemps. Elle aussi est loin d’être éternelle. On a vu des pays antiques se diviser en deux Nations souveraines (cas du Soudan) et des empires contemporains se disloquer (cas de l’URSS). Mais, les bonnes reformes subsistent dans le temps et dans l’espace.
Cette reforme est fondamentale, il faut la conduire à bon port en raison du fait qu’elle démocratise l’accès à des soins de qualité au plus grand nombre, à moindre coût. C’est cela qui est important.
Birama FALL